Recherche scientifique : la pollution sonore impacte-t-elle les poissons d'eau douce ?

Le bruit humain a-t-il un impact sur les populations de poissons en eau douce ? C’est la question que s’est posée une jeune chercheuse de Saint-Etienne. Pour ses travaux, elle vient de remporter le prestigieux prix Jane Goodall.

Dans les fonds marins, on imagine souvent des poissons évoluer avec sérénité, dans une ambiance calme et colorée. Et pourtant, ces profondeurs ne sont pas aussi silencieuses que l’on pourrait le croire. Bruits de bateaux, de moteurs ou de sonar… Quel est l’impact de cette pollution sonore sur ces populations ? Et plus précisément, sur les poissons d’eau douce ? Emilie Rojas, 26 ans, s’est penchée sur le sujet. Doctorante à l’Université Jean Monnet à Saint Etienne, elle est en train de réaliser une thèse sur le sujet.

Dans ses aquariums, des aprons du Rhône, espèce en voie de disparition. Depuis 3 ans, Emilie Rojas les expose à des bruits de moteurs et étudie leur comportement. « Ils sont plus stressés, ils bougent beaucoup. J’ai remarqué que les poissons avaient tendance à augmenter la distance entre chaque individu, donc que le bruit de bateau diminuait la cohésion de groupe, alors que c’est une espère grégaire, c’est-à-dire qui a besoin de contact social pour pouvoir être bien dans son environnement », explique Emilie Rojas.

Des poissons stressés qui ont plus de mal à s'alimenter 

Pour limiter son impact, la chercheuse a utilisé une méthode non intrusive. Elle a filmé toutes ses expériences et étudié les vidéos, sans jamais manipuler les poissons ou avoir de contact visuel avec eux. « Nous avons exposé un groupe de poissons à des bruits de bateau, pendant 3 semaines non-stop, pour voir s’il y avait une réponse d’habituation. Et à la fin, on les a testés au niveau de leur comportement alimentaire, on a regardé leurs capacités à attaquer, le temps qu’ils mettaient à capturer une proie et à la digérer ».

Et le bruit de bateau va bel et bien impacter la façon dont ces espèces vont s’alimenter. 

Je regarde aussi l’effet de groupe, parce que regarder uniquement des réponses individuelles, ce n’est pas très représentatif de la réalité, il y a des individus qui vont avoir des réponses très différentes les uns des autres, mais finalement, c’est en regardant un groupe ensemble qu’on va se rendre compte de la réponse naturelle qu’ils peuvent émettre.

Emilie Rojas, chercheuse

Emilie Rojas a également pu constater que les espèces dites invasives, c’est-à-dire introduites par l’homme, s’accoutumaient plus facilement au bruit humain que les espèces natives. Cette pollution sonore « peut donc avoir un impact indirect et négatif sur la biodiversité des milieux aquatiques », en défavorisant les espèces endémiques.

Des travaux récompensés 

Des observations édifiantes, dans un milieu très peu documenté, comparées aux études réalisées sur les fonds marins. Et pourtant, entre le développement du commerce fluvial, de la pêche et l’essor des activités nautiques, les écosystèmes aquatiques sont soumis des pollutions sonores croissantes.

Emilie Rojas est toujours en cours de rédaction de sa thèse, mais ses travaux sont déjà très remarqués. La jeune femme vient de remporter le troisième prix du jeune chercheur, décerné par l’institut français Jane Goodall.  « C’est un peu un modèle pour moi et je suis très fière d’avoir eu un prix portant son nom », s’enthousiasme Emilie. Jane Goodall est notamment connue pour avoir initié, dans les années 1960, les études sur les chimpanzés sauvages.

Ça représente beaucoup. En tant que doctorante, je ne me sentais pas forcément valorisée, on se sent comme en CP ou en 6°, on se sent tout petit, débutant, on n’est pas expert dans le domaine et on le devient au bout de 3 ans seulement.

Emilie Rojas, chercheuse

Et comme son modèle, Emilie Rojas espère pouvoir diffuser ses travaux auprès du grand public. Son sujet de thèse a d’ailleurs été illustré dans une BD, éditée à l’occasion de la Fête de la Science. « C’est assez rigolo, c’est un petit format », explique la chercheuse qui a adoré vulgariser ses travaux pour s’adresser à un jeune public.

Avec son étude, Emilie Rojas espère pouvoir influencer la réglementation limitant la pollution sonore en milieu aquatique. « Je ne veux pas culpabiliser les gens, qui par exemple, ont envie de faire du bateau pendant leurs vacances, je veux juste les rendre conscients de notre impact, que leurs actions au quotidien ont un impact sur la vie en général », conclue-t-elle.

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