Le parquet de St Etienne a ouvert une enquête fin mars sur les accusations de pédophilie visant le père Regis Peyrard, aumônier de Montbrison. Des faits commis entre 1970 et jusque fin 90. Le diocèse de St Etienne était alerté en 2001 mais ses victimes n'avaient pu se faire entendre jusque là.
"Il était collé à moi, transpirait, respirait fort, me caressait, m'appelait mon mignon. Puis il est passé à l'inommable (...) Cela a duré toute la nuit sordide, effroyable, douloureux ".
Jean Francois Roche fait le récit circonstancié, glaçant de sa rencontre avec le père Régis Peyrard. "J'avais un peu plus de 13 ans. C'était en juillet 1971. J'étais en camp d'ados pour trois semaines en Savoie, à Peizey-Nancroix " . Un camp de vacances pour adolescents géré par l'association "Vacances vers les sommets".
L'abbé Peyrard accompagne ces camps de vacances. Il est aumônier à Montbrison mais aussi responsable de l'infirmerie. Il s'occupe des ados malades et les "garde" à l'occasion pour la nuit. "Sauf qu' au lieu de dormir dans sa chambre, il s'est allongé sous les draps avec moi. Un adulte, un enfant dans un petit lit, cela a été effroyable" raconte J. F Roche.
Une vie fracturée
Cet homme, qui a aujourd' hui 60 ans, ne va jamais se remettre des abus du père Peyrard. Il raconte le traumatisme, toutes ces années où il traîne son mal être jusqu'au 23 avril 2015, où "au bout du bout, en très grande souffrance, il décide de mettre fin à ses jours". Il survit mais passe les années suivantes en psychiatrie, de crises d'épilepsie en séances d'électrochocs. Un parcours chaotique, douloureux où il va faire taire sa mémoire.
Mais Jean-Francois Roche n'est pas la seule victime du Père Peyrard. Une première plainte est déposée en 2001 mais aussitôt retirée. L'audition avec le prêtre tourne à la confrontation. La victime prend peur et se rétracte. En 2004, nouvelle plainte contre le Père Peyrard auprès de la police et du diocèse. La victime est entendue en présence de Mgr Joatton, à l'époque évêque de St Etienne. Mais l'affaire est classée sans suite.
"Nous avons déposé plainte à la police et informé le diocèse en 2004. Il y a des témoins et les faits n'étaient pas prescrits. Mais il ne s'est rien passé" dit, désabusé le père d'une victime.
L'Eglise révéle les faits en juillet 2017
C'est le travail effectué par un site internet lyonnais, "Coabuse.fr", qui permet de relancer la machine judiciaire des années plus tard. Cette plateforme permet à plusieurs victimes de se retrouver dans la description des abus sexuels commis par le père Peyrard Des éléments qui vont se recouper et donner du crédit à leurs témoignages.
En juillet 2017, les événements se précipitent. Mgr Bataille, nouvel évêque de St Etienne, révèle devant la presse les agissements coupables du père Peyrard. S'il condamne le comportement "inadmissible"du prêtre, il se garde de révéler l'ampleur du scandale. Combien de viols ? Combien d'attouchements ? Combien de vies brisées ? 10 ... 20 ... 30 jeunes victimes ?
De nouveaux faits non prescrits ?
Pourquoi a -t-il fallu si longtemps pour connaître la vérité ? Certaines victimes affirment que l'abbé a pu continuer à accompagner des pélerinages et à célébrer la messe jusqu'en 2015 alors qu'il était officiellement relevé de son ministère. Aurait -il bénéficié d'une certaine complaisance de l'Eglise ?
C'est maintenant à la justice de l'établir. Car un nouvel élément est intervenu depuis. Le parquet de St Etienne vient d'ouvrir une enquête sur de nouveaux faits reprochés au prêtre. "De nouveaux éléments ont permis de relancer l'affaire. Les faits concernant une victime seraient non prescrits", nous confirme André Merle ,le Procureur de la république de St Etienne.
L'auteur de la plainte initiale de 2001 a été réentendu. Et les enquêteurs s'intéressent de près maintenant aux rapports de l'Association "Vacances vers les sommets" avec le père "infirmier" Regis Peyrard.
"Que l'enquête commence enfin est un grand soulagement après toutes ces années passées sans que la justice ou l'Eglise nous écoute" lâche une proche des victimes.
Le père Régis Peyrard vit aujourd'hui retiré dans un monastère d'Aubenas, en Ardèche. Il a 85 ans.
Le récit de Sylvie Cozzolino :