La Cour d'appel de Grenoble a validé la mise en examen pour homicide involontaire de trois médecins et de l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève, cinq ans après le meurtre d'un étudiant grenoblois par un schizophrène qui s'était échappé.
Le 12 novembre 2008, Jean-Pierre Guillaud, déjà auteur de plusieurs agressions à l'arme blanche, avait mortellement poignardé Luc Meunier, 26 ans, à Grenoble après s'être échappé de l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève (Isère). M. Guillaud avait été déclaré pénalement irresponsable de cet acte en septembre 2011 et hospitalisé en unité pour malades difficiles (UMD). Une information judiciaire avait cependant été ouverte pour homicide involontaire afin de déterminer les éventuelles responsabilités des médecins, à la suite d'une plainte contre X de la famille Meunier. Le 9 avril 2013, le juge d'instruction avait rendu une ordonnance de non-lieu dans cette affaire. La famille Meunier avait fait appel.
un défaut d'appréciation de la dangerosité"
Dans un arrêt daté du 6 novembre 2013, la cour d'appel de Grenoble a ordonné la mise en examen des docteurs Bigoshi, Cornier et Gujadhur, médecin et psychiatres en charge de Jean-Pierre Guillaud, ainsi que du centre hospitalier de Saint-Egrève en tant que personne morale.
La cour pointe en effet "un défaut d'appréciation de la dangerosité" de Jean-Pierre Guillaud, "auteur depuis 1995 de plusieurs agressions, dont certaines au couteau". Ses médecins "n'ont pas su prendre en compte à leur juste mesure les antécédents et les signes précurseurs du passage à l'acte de Jean-Pierre Guillaud, qui auraient dû leur faire considérer ce malade comme potentiellement dangereux et les amener à mieux encadrer ses permissions de sortie", souligne-t-elle.
Malgré ses fugues passées, des épisodes hallucinatoires et des pulsions morbides, Jean-Pierre Guillaud avait en effet été autorisé à sortir sans accompagnement dans le parc non surveillé et non clôturé de l'hôpital. C'est lors d'une de ces sorties, après avoir retiré de l'argent à la trésorerie de l'hôpital, qu'il avait franchi la porte de l'établissement sans difficulté, s'était rendu en car à Grenoble, avait acheté un couteau dans une quincaillerie avec lequel il avait tué Luc Meunier sans aucune raison.
La cour d'appel reproche par ailleurs à l'hôpital de n'avoir pas réévalué "un dispositif de sécurité (...) manifestement défectueux" et de n'avoir pas pris "les mesures nécessaires à la prévention des fugues de patients manifestement dangereux".
"L'arrêt est cinglant et sans appel", a commenté Me Hervé Gerbi, avocat de la famille Meunier. "Mes clients sont satisfaits de voir que des médecins psychiatres vont devoir s'expliquer devant la justice", a-t-il ajouté.