À l’occasion de la journée nationale des mémoires de la traite de l’esclavage et de leurs abolitions, retour sur la proposition de la députée de l'Isère, Caroline Abadie, de création d'un musée d’histoire de la colonisation.
C'est dans un rapport parlementaire, que la députée La République En Marche de l'Isère Caroline Abadie expose l'idée de créer un musée de l'histoire de l'esclavage et de la colonisation. "L’objectif est de raconter ces histoires de façon apaisée" explique-t-elle. Alors que le débat public est fréquemment tourmenté par ces questions, la députée insiste : "Il faut stimuler les débats à partir d’éléments historiques factuels".
"L'Histoire est complexe. Ce qui n'empêche pas de la comprendre, sans glorifier, ni fantasmer." Ce projet de musée a pour ambition, selon la députée, d'exposer et de rassembler les recherches sur l'histoire coloniale et l'esclavage. Un lieu pour fédérer les savoirs, et qui "pourrait se déplacer partout en France".
Un lieu pour réconcilier les mémoires ?
En France, c'est seulement en 2001, avec la loi Taubira, que l’État a reconnu officiellement la traite et l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Dans le même temps, le 10 mai est devenu journée nationale des mémoires de la traite de l’esclavage et de leurs abolitions.
Pour Caroline Abadie, l'ambition est de taille et le débat mémoriel est nécessaire : "Ce ne doit pas être un débat politique mais scientifique, et je préfère que la polémique soit dans un musée que dans la rue où l’on propose par exemple de déboulonner des statues."
Au total, le rapport de la mission d’information, fruit de près de dix mois de travaux et d’une centaine d’heures d’auditions, émet 57 préconisations qui doivent permettre d’apporter une « réponse universaliste déterminée » au niveau « extrêmement préoccupant » du racisme et de l’antisémitisme en France.
"Un musée oui, mais avec quel objectif ?"
L'idée d'un tel musée n'est pourtant pas nouvelle. À sa création, le musée de l'Immigration à Paris, portait partiellement cette ambition de raconter l'histoire de l'esclavage et de la colonisation. Créé en 2007, le projet du musée, répondait à un "besoin de reconnaissance et de mémoire" de la part des immigrés et de leurs descendants.
Mais le choix du site, le palais de la Porte Dorée, ne fait pas au départ consensus. Le bâtiment est marqué par son histoire : "musée des colonies", inauguré en 1931 à l’occasion de l’exposition coloniale de la même année.
Aujourd'hui, la France possède 12 022 musées. Et le projet d'un musée entièrement consacré aux périodes coloniales et esclavagiste de la France peine à aboutir.
"Il y a beaucoup de chantiers, mais jamais de mise en chantier. C’est compliqué à imaginer", affirme l'historien Benjamin Stora, spécialiste notamment des guerres de décolonisation. En janvier dernier, Benjamin Stora avait remis un rapport à Emmanuel Macron. L'historien y avait recommandé la mise en place d’une commission « Mémoire et Vérité » chargée d’impulser des initiatives mémorielles communes entre la France et l’Algérie.
Un musée oui, mais avec quel objectif ? On ne peut pas montrer un épisode de l’histoire en étant neutre. On ne pourrait pas imaginer un musée pour défendre l’esclavage. C'est pareil pour la colonisation. Ces sujets impliquent un engagement.
"Le sujet de la colonisation est brûlant en France. Il y a encore un clivage politique, et des partisans de la colonisation française", explique-t-il en faisant référence à l'actualité. En particulier à la tribune de militaires, publiée sur le site de Valeurs actuelles ce 9 mai. Son titre : "pour la survie de notre pays".
Et dans l'hypothèse de création d'un musée de l'histoire de la colonisation, Benjamin Stora s'interroge : "Un musée oui, mais avec quel objectif ? On ne peut pas montrer un épisode de l’histoire en étant neutre. On ne pourrait pas imaginer un musée pour défendre l’esclavage. C'est pareil pour la colonisation. Ces sujets impliquent un engagement."