Le pape François a reçu, vendredi matin, au Vatican, le cardinal Philippe Barbarin, quatre jours après avoir apporté un soutien appuyé au prélat français mis en cause pour ne pas avoir dénoncé des affaires de pédophilie dans son diocèse de Lyon.
Dans un entretien publié mardi par le journal français La Croix, le pontife avait pris fermement la défense de l'archevêque de Lyon, en estimant que sa démission avant l'issue d'un hypothétique procès serait "un contresens".
Selon le père Lombardi, le porte-parole du Vatican, l'entrevue devait porter sur la crise qui secoue l'Eglise de France mais aussi sur des sujets plus pastoraux, comme la préparation du pèlerinage des gens de la rue en novembre à Rome, à l'occasion du Jubilé de la miséricorde, et d'un autre pèlerinage de 300 élus de la région Rhône-Alpes.
"On aurait aimé être reçus à la place du cardinal Barbarin, on constate une fois de plus que les victimes sont laissées de côté", a réagi Bertrand Virieux,
un des co-fondateurs de l'association lyonnaise "La Parole Libérée". L'association avait écrit au pape en mars pour solliciter une audience privée. "On n'a jamais reçu de réponse officielle alors qu'on aurait aimé lui expliquer notre vision de l'affaire", a regretté M. Virieux.
Parmi d'autres responsables religieux, le cardinal Barbarin, l'une des personnalités les plus influentes de la hiérarchie catholique française, est visé par deux enquêtes préliminaires pour "non dénonciation" d'agressions sexuelles commises sur de jeunes scouts entre 1986 et 1991 par un prêtre du diocèse, Bernard Preynat. Ce dernier, en activité jusqu'en août 2015, a été mis en examen le 27 janvier après avoir reconnu les faits.
Archevêque de Lyon depuis 2002, Mgr Barbarin nie avoir couvert de tels faits mais a admis en avril "des erreurs dans la gestion et la nomination de certains prêtres".
Grand écart
Alors que des associations de victimes et plusieurs personnalités politiques, jusqu'au Premier ministre Manuel Valls, ont réclamé la démission de Mgr Barbarin, le pape François lui avait apporté un soutien appuyé dans La Croix. Décrivant le primat des Gaules comme "un courageux, un créatif, un missionnaire",
il avait ajouté : "D'après les éléments dont je dispose, je crois qu'à Lyon, le cardinal Barbarin a pris les mesures qui s'imposaient, qu'il a bien pris les choses en main". "On verra après la conclusion du procès. Mais maintenant, (démissionner) serait se dire coupable", avait-il estimé.
Le diocèse de Lyon n'avait pas fait de commentaire officiel, mais une source proche du cardinal avait vu dans les propos du pape "une parole de confiance entre deux hommes qui se connaissent et qui s'estiment". Pour "La parole libérée", cette estime "ne peut pas entièrement expliquer le grand écart entre la tolérance zéro affichée, voire répétée à l'envi", et le soutien au cardinal Barbarin.
Après des décennies d'indifférence de la hiérarchie et d'efforts pour étouffer les scandales, le discours de l'Eglise a en effet changé et, à la suite de Benoît XVI, François a multiplié les promesses de sévérité. Il a estimé que les évêques ayant protégé des pédophiles devaient démissionner et a créé au Vatican une instance judiciaire pour les juger.
Il a aussi mis en place une commission internationale d'experts chargés de proposer des mesures de prévention et rencontré des victimes de prêtres pédophiles à Rome et à Philadelphie. Mais à travers le monde, l'amertume et la déception prédominent parmi les victimes, qui estiment que l'Eglise a encore beaucoup à faire pour écarter et punir les coupables.
Le sujet reste encore tabou dans de nombreux pays, en particulier en Afrique et en Asie, et le pape s'est attiré les foudres d'une partie des fidèles chiliens en confirmant, l'année dernière, la nomination d'un évêque soupçonné d'avoir protégé un prêtre condamné pour des agressions pédophiles.