« On a des jouets qui n’arrivent pas » : en Auvergne, ces professionnels du jouet préparent un Noël à flux tendu

Depuis l’été, la saison la plus importante des professionnels du jouet se prépare dans les magasins d’Auvergne. Ils alertent : cette année, les pénuries de matières premières et l’augmentation des coûts du transport pourraient conduire à des ruptures de stock, qu’ils tentent d’anticiper.

« Il y a déjà des produits qu’on reçoit au compte-goutte », regrette Jean-François Marchal, gérant du magasin King Jouet au Puy-en-Velay. Depuis le mois de juin, les professionnels de la distribution de jouet préparent Noël. La période des fêtes est cruciale pour ces enseignes : le quatrième trimestre de l’année représentait 54,6% de leur chiffre d’affaires en moyenne en 2020, selon une étude de la fédération française des industries du jouet et de la puériculture. Pour Jean-François Marchal, ce chiffre monte à 60%. Lui aussi prépare depuis des mois la période octobre-décembre, non sans difficulté : « Les fournisseurs sont tendus, on a commandé l’équivalent de 2 mois d’avance mais il y a des produits sensibles. On a des containers bloqués, des produits qu’on a du mal à recevoir. On a des jouets qui n’arrivent pas ». Il cite notamment certains jouets électroniques, les têtes à coiffer, les jouets radiocommandés, les grosses peluches, impactés selon lui par des difficultés de transport. Même constat pour Frédéric Bernedo, qui gère le magasin JouéClub à Aurillac : « Les soucis de transport causent des retards. Les ports sont à saturation, ils font attendre des bateaux au large pour décharger. Ça nous gêne dans les approvisionnements. »

" On a des prix de transport maritime qui ont été multipliés par 10 "

Le sujet du transport est, pour Romain Mulliez président de la FCJPE (Fédération des Commerces spécialistes des Jouets et des Produits de l’Enfant), extrêmement « préoccupant » : « On a des produits qui sont fabriqués, qui sont en Asie et qui ne prendront pas le bateau parce qu’on ne peut pas payer le voyage. On a des prix de transport maritime qui ont été multipliés par 10 depuis une grosse année. Les distributeurs ne peuvent pas, dans leur marge, assumer le coût du transport et la manière dont il a explosé. On ne peut pas les faire voyager donc on ne les aura pas, ces produits. Quand vous avez une grosse peluche qui auparavant payait 4 euros pour venir et qui maintenant en paye 40, on ne va pas la faire venir. Personne n’est capable de prendre ça sur sa marge. » Cela impacte selon lui les produits volumineux comme les voitures électriques ou les grosses peluches également évoquées par Jean-François Marchal. Celui-ci explique : « Certaines sont passées de 100 à 200 euros. Sur ce type de produit, on a des augmentations de prix de 20 à 30% en moyenne ».

Une augmentation qui perdure

Pour le président de la FCJPE Romain Mulliez, cette hausse des prix du transport s’explique par des désorganisations liées à des fermetures d’usines, à des évènements climatiques mais aussi au blocage du canal de Suez, des faits qui se sont désormais résorbés : « Aujourd’hui, la situation est en train de revenir à la normale, il n’y a pas de rattrapage de consommation extraordinaire, donc il n’y a pas de raison que les prix ne redescendent pas. La situation perdure et l’Europe et la France devraient se pencher vers des situations de pratiques concurrentielles et veiller à ce qu’il n’y ait pas d’acteurs qui profitent de la situation. Dès qu’on peut revenir à une situation normale, il n’y a pas de raison que les prix ne suivent pas. » Alors, pour compenser, les professionnels bougent les curseurs : plus de jouets en provenance d’Europe et moins en provenance d’Asie. Une solution qui a ses limites selon le président de la FCJPE : « On a déplacé des budgets sur d’autres régions mais on ne peut pas tout changer brutalement de l’Asie à l’Europe, ça s’est fait à la marge. » Au Puy-en-Velay, Jean-François Marchal explique qu’entre 35 et 40% des jouets vendus dans son magasin viennent d’Asie.

"On nous annonce déjà pas mal de produits qui sont hors vente"

Autre désorganisation à laquelle est confrontée le secteur du jouet : la pénurie de matières premières, qui, dans le Cantal, inquiète Frédéric Bernedo : « Tous les jours, j’ai des messages de fournisseurs qui annoncent des retards de livraison sur certains produits. Ça risque d’être entre mi-novembre et fin novembre. C’est sur certains produits, particulièrement ceux qui contiennent des puces électroniques comme les jouets d’éveil, véhicules radiocommandés… Au niveau des réassorts, ça risque d’être compliqué. On nous annonce déjà pas mal de produits qui sont hors vente. Les gens qui vont s’y prendre au mois de décembre, on ne pourra pas forcément leur commander leur jouet, surtout s’il est électronique. » Il recommande donc à ceux qui cherchent un jouet particulier de se rendre en boutique sans attendre.

« Il y aura sûrement une hausse mais on essayera de compenser avec des promotions »

C’est également ce que constate Alain Delhaye, gérant d’un JouéClub de Clermont-Ferrand. Il a donc lui aussi tenté d’anticiper : « Ca a représenté beaucoup de travail car nous avons entre 50 et 80 fournisseurs auprès desquels on passe commande. On a constaté une hausse des prix auprès de nos fournisseurs entre 5 et 15% à cause du transport et des pénuries. On a donc engagé un peu plus de fonds pour notre première commande qu’on commence déjà à recevoir, au cas où il y ait des problèmes de réassort en novembre. On a fait une plus grosse commande de départ. » Il souhaite ne pas répercuter la hausse des prix sur le consommateur : « Il y aura sûrement une hausse mais on essayera de compenser avec des promotions », assure-t-il. Pour lui aussi, Noël représente 60% du chiffre d’affaires annuel.  Frédéric Bernedo, responsable de l’enseigne JouéClub à Aurillac, a également dû s'y prendre à l'avance : « On a anticipé. On a fait livrer pas mal de produits en été et sur le mois de septembre, c’est pour ça qu’on ne s’en sort pas trop mal. J’ai des confrères qui ont demandé des livraisons sur octobre et novembre, où ça risque de coincer. » En termes de prix, il a dû faire des efforts :  « Le fournisseur prend une partie du surcoût à sa charge et nous, on rogne un peu sur notre marge mais, même avec ça, on est obligés d’augmenter certains produits, de l’ordre de 10 à 15%. C’est quelques produits qui sont concernés. »

Des pénuries "structurelles"

Les pénuries ne sont pas rares en fin de saison, explique Romain Mulliez, président de la FCJPE : « Structurellement, on est un marché très saisonnier et dépendant de la mode et des licences. Comme tout marché de mode, on a nos acheteurs qui travaillent très en amont pour identifier les produits et prendre des engagements. Comme on n’a pas de boule de cristal, il y a toujours en fin de saison des produits qui marchent mieux que prévu et d’autres qui marchent moins bien. Cela crée des ruptures sur ce qu’on appelle les « best ». Ça, c’est structurel ». Ces « best » pour la saison sont, selon le gérant Alain Delhaye à Clermont-Ferrand : « Les jouets Pat Patrouille, les jouets en bois… après on attend la sortie du catalogue le 6 octobre mais on est sûrs qu’il y aura les incontournables comme Lego ou Playmobil ». A Aurillac, même succès pour les classiques, mais pas seulement : « Cette année, c’est une grosse année sur Pokémon avec le 25ème anniversaire. On attend de fortes ventes là-dessus. Les gens reviennent beaucoup aussi sur le jeu de société », explique Frédéric Bernedo.

"Est-ce qu’il y aura des ruptures à Noël sur certains produits ? Oui, plus que d’habitude."

Romain Mulliez

Pourtant, Romain Mulliez constate que ces ruptures de stock risquent fort de s’amplifier cette année : « Il y a des tensions sur les matières premières, des pénuries ou des hausses de prix sur le plastique, sur l’acier et sur le bois, 3 matières qui rentrent dans les jouets. On a travaillé ça depuis de longs mois avec nos fournisseurs pour réduire les quantités sur certains produits qui reviennent trop cher et reporter sur d’autres. Est-ce qu’il y aura des ruptures à Noël sur certains produits ? Oui, plus que d’habitude. » Il rassure cependant la clientèle, expliquant que ces ruptures resteront limitées à certains jouets spécifiques : « Il n’y aura pas de manque de jouets car on a travaillé en amont, on a pris des engagements sur d’autres produits. Si vous voulez quelque chose de précis, il faut s’y prendre à l’avance parce qu’il n’y aura pas de tout jusqu’à la fin, peut-être un peu plus que les autres années mais globalement rien de dramatique. Il y aura des jouets pour tous les enfants. » Des efforts ont été faits par les distributeurs selon Romain Mulliez. Il ajoute que malgré l’augmentation du prix des matières premières, quelque 600 jouets sont restés au même prix chez Picwictoys, enseigne dont il est le PDG.

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