C'est une des initiatives mises à l'honneur par l'opération "Préserve ta montagne". Dans le Vercors, l'association Les Engivaneu.r.se.s a trouvé une solution pour réduire la quantité d'ordures ménagères à incinérer. Elle composte les restes des restaurants et les invendus des supermarchés bio locaux en utilisant une méthode par fermentation, le Bokashi.
Dans le cadre de l'opération "Préserve ta montagne", du 22 au 29 novembre 2021, France 3 Auvergne-Rhône-Alpes met à l'honneur tous les acteurs qui se démènent au quotidien pour sauvegarder l'environnement de nos massifs (Alpes, Jura et Massif central).
Parmi ces protecteurs de la montagne, il y a Christopher, le président fondateur de l'association Les Engivaneu.r.se.s, installée à Engins (Isère). “Je vis dans le Vercors depuis une petite dizaine d'années. J'ai grandi dans une région plus plate, la Picardie, puis je suis arrivé à Grenoble pour le boulot. Et un beau jour, par une belle journée ensoleillée, j'ai découvert le Plateau".
Christopher n'a plus jamais quitté ce massif des Préalpes, avec ses falaises et ses gorges spectaculaires . Il nous parle d’un territoire avec du caractère et une forte capacité de résilience : “Faire de son mieux avec ce que l’on a” et, lorsque l’on évoque son rapport à la montagne, on sent qu’il pétille. “Un ressenti de présence devant la verticalité du relief. Ici la contemplation me renvoie à des sentiments d'apaisement".
Le croisement des courbes
Au gré de rencontres, de recherches et de discussions, Christopher découvre la problématique des courbes qui se croisent. “Celle de l'évolution démographique, qui est croissante, et celle de la fertilité des sols, qui est décroissante.”
Il se concentre sur sa façon d'agir, de consommer et commence à récupérer des fruits et légumes invendus peu après l'ouverture d'un magasin d'alimentation bio à Villard-de-Lans (Isère). “Ces denrées invendables étaient destinées à mes poulettes, jusqu'au jour où le renard a eu raison d'elles. J'ai continué la récup pour nourrir les poules de mon entourage et, un jour, j'ai testé la technique du Bokashi”.
Le Bokashi, quésaco ?
Le Bokashi est une technique de compostage par fermentation venue du Japon. “J'ai été stupéfait par les résultats !”, dit Christopher.
Le principe repose sur l’utilisation d’un contenant étanche et hermétique pour stocker les matières organiques que l'on ensemence avec des micro-bactéries (Ems) et un activateur de fermentation. Les bactéries se développent au mieux, sans mauvaises odeurs ni insectes désagréables, et produisent un compost de valeur et un jus très nutritif.
Les débuts du projet
Il ne restait plus qu'à attendre le déclic, sous la forme d'une feuille d'impôts. “Comme tous les ans, j'ai reçu la taxe des ordures ménagères mais, cette fois, elle était accompagnée d'un graphique avec le tonnage par zone collectée. J'ai découvert que le Vercors était le plus gros producteur d'ordures ménagères de la région par an et par habitant et que ces stocks partaient à l'enfouissement à 80 km de distance”.
Un habitant d'Auvergne-Rhône-Alpes produit en effet 184 kg d'ordures ménagères par an, tandis qu'un Vertacomicorien (habitant du Vercors) en produit 250 kg.
Christopher décide alors d'approfondir ses recherches sur le Bokashi et se met à imaginer une boucle vertueuse de gestion de biodéchets sur le territoire. “Je me suis inspiré de l'asso Récup', qui œuvre sur la ville de Bordeaux et Cultivons une Terre Vivante proche d'Agen”.
Le concept des Engivaneur.se.s
L'idée est de proposer aux professionnels de la restauration une solution pour trier leurs biodéchets à la source et les collecter afin de les intégrer dans un circuit court et local.
Les professionnels mais aussi les particuliers vivant en appartement n’ont qu’à adhérer à l'association : cela leur permet de bénéficier de la location d'un contenant hermétique, d'activateur de fermentation et de la collecte de ces matières organiques fermentescibles. “En fonction de l'origine du lieu de collecte, nous avons la possibilité de produire du compost maturé pour en faire du terreau ou de restituer le bokashi aux agriculteurs qui ont adhéré à l'association".
Et d’ailleurs, Engivaneu.r.se, ça veut dire quoi ? “C’est un mot de jargon du piémont du Vercors, du patois local. Il désigne les femmes et les hommes ingénieux, bricoleurs, créatifs qui savent s'adapter, imaginer, construire…”.
Des enjeux territoriaux propres au Vercors
Le Vercors est un département touristique et, pour Christopher, "On ne peut fermer les yeux sur l'impact environnemental que cela a”. L'agriculture aussi est très ancrée localement, “majoritairement portée sur l'élevage bovin puisqu’en montagne, l’herbe est grasse.. Mais la souveraineté alimentaire est difficile, la période de production est courte, on peut avoir des gelées jusqu’à mi juin".
Le Bokashi peut être une opportunité, notamment pour ces agriculteurs qui s'orientent vers une filière maraîchère et horticole.
Bonne nouvelle, Christopher a des retours très positifs : “Nos salades poussent deux fois plus vite !”, s'enthousiasme-t-il.
Comment les aider ?
Vous pouvez aider Christopher et l'association Les Engivaneu.r.se.s e par vos messages... ou avec vos bras ! “Pour brasser du compost, vider des conteneurs bokashi, relayer nos informations. On a aussi besoin d'aide dans le développement de la communication, de réseaux de revente de la technologie que nous utilisons et de ce que nous produisons.”
Christopher nous conseille aussi d’apprendre et d’essayer. Lire Idrisse Aberkane, Gunter Pauli et découvrir sa blue economy.
Y aller étape par étape pour ne pas se décourager, mais y aller. “Beaucoup de ce qui nous entoure est souvent vu comme quelque chose à consommer, essayons de le regarder comme une ressource améliorant notre futur et facilitant notre présent !” Ils sont actuellement en pleine campagne de financement participatif, pour les soutenir, c’est ici !