Six ans de prison ont été requis lundi à l'encontre des deux pilotes Bruno Odos et Pascal Fauret au procès en appel de l'affaire "Air cocaïne". L'avocat général les voit comme des "exécutants" qui avaient "le droit, voire le devoir de se poser des questions".
"Cachez ces valises que je ne saurais voir". Après un réquisitoire teinté d'ironie, l'avocat général a réclamé des peines de six à 25 ans de prison contre les six accusés du procès en appel de l'affaire "Air cocaïne" qui clament leur innocence.
Filant la métaphore aérienne, Pierre Cortes a souligné la "nécessité de prendre de l'altitude" dans un dossier qui a éclaté une nuit de mars 2013. Quatre Français ont été arrêtés sur le tarmac de Punta Cana, au pied d'un Falcon chargé de 26 valises contenant 700 kilos de poudre blanche. Ce dossier fleuve a eu droit aux "explications plus ébouriffantes les unes que les autres", a ironisé l'avocat général, égrénant un inventaire peu flatteur - "douanier pourri", patrons "laxistes" et "pilotes Tartuffe".
Voyant dans la cocaïne "une pourriture", le magistrat a appelé à "frapper" fort, réclamant des peines proches de celles qui avaient été prononcées en première instance à l'encontre de la plupart des six accusés. Les pilotes, l'Isérois Bruno Odos et Pascal Fauret, originaire de la région lyonnaise, ont toujours juré qu'ils ne savaient pas qu'ils transportaient de la cocaïne même s'ils ont eu des doutes. L'avocat général a requis à leur encontre six ans de prison, conformes à leur condamnation en première instance.
Il les voit comme des "exécutants" qui avaient "le droit, voire le devoir de se poser des questions". "Être d'anciens militaires reconvertis dans l'aviation d'affaires ne les prive pas de bon sens", a poursuivi le magistrat devant la cour d'assises d'appel d'Aix-en-Provence, citant des "alertes sérieuses" : les "têtes de barbouzes" lors de la réunion préparatoire, le "passager étrange", les destinations.
Pour lui, tout le monde sait que la République dominicaine est une "plaque tournante de la drogue" et l'Equateur, destination d'un autre vol suspect, partage ses frontières avec deux des plus importants producteurs de cocaïne, la Colombie et le Pérou. "On s'est mis en état d'aveuglement qui traduit une complicité par permissivité", a-t-il ajouté.
La défense veut l'acquittement
Pour leurs patrons, Fabrice Alcaud et Pierre-Marc Dreyfus, co-gérants de la société d'aviation d'affaires qui les employait, il a requis des peines de huit ans, supérieures à leur condamnation à six ans lors du premier procès. "Le vol a été payé, c'est tout ce qui compte", a écrit Fabrice Alcaud dans un SMS : "on fait comme si on avait rien vu", a commenté Pierre Cortes. L'avocat général a aussi tiqué sur l'ouverture de deux coffres par les deux gérants sur la période des trois vols suspects de ce dossier, fin 2012 et début 2013.
Evoquant Ali Bouchareb, présenté comme le commanditaire par les autres acteurs du dossier, le magistrat a estimé que "la théorie du complot", avancée par la défense le concernant, était "inepte". Et il a requis 25 ans à son encontre. En première instance, ce Stéphanois, déjà condamné pour trafic de stupéfiants, avait écopé de la plus lourde peine, 18 ans de réclusion criminelle.
Contre son chauffeur présumé, Michel Ristic, qui avait été acquitté en 2019, il a réclamé au moins 10 ans de réclusion. "Ma conviction personnelle est que tous les accusés sont coupables", a conclu Pierre Cortes. Sur leurs biens immobiliers, un sujet important pour les pilotes, l'avocat général a écarté la perspective d'une saisie. "Vous leur laisserez", a-t-il réclamé, la douane ayant demandé une amende solidaire de 18 millions d'euros pour les six accusés qui clament leur innocence. Leurs avocats, qui vont commencer leurs plaidoiries mardi, réclameront leur acquittement. La décision de la cour d'appel, composée uniquement de magistrats professionnels dans ce dossier technique, est attendue jeudi ou vendredi.