L'AOP fourme d'Ambert fête en 2022 ses 50 ans ! Ce fromage à pâte persillée est une spécificité d'Auvergne. Il s'exporte aujourd'hui jusqu'en Asie. Un développement économique favorisé par la création du label en 1972. Il l'a aidé à se faire connaître au-delà des frontières du Massif central. Récit d'une réussite.
Des fromages à profusion ! Une centaine s’étale dans la vitrine d’Eric Girard, fromager à Cournon-d’Auvergne dans le Puy-de-Dôme. A l’honneur évidemment les fromages auvergnats et bien-sûr, reconnaissable entre tous, la fourme d’Ambert. Sa forme cylindrique permet de la distinguer du bleu d’Auvergne et des autres pâtes persillées. Le fromager en propose trois sortes différentes. « Beaucoup de producteurs et de fromageries font de la fourme d’Ambert mais en fonction du terroir, il peut y avoir différents goûts, différents affinages, différents types de produits », explique Eric Girard. « Elle peut être plus ou moins crémeuse, plus ou moins onctueuse. » La fourme d’Ambert plaît aux amateurs de douceur qui n’apprécient pas les fromages à la saveur trop marquée. « C’est un fromage très onctueux, très souple. En Auvergne, on ne peut pas passer outre la fourme d’Ambert sur un plateau de fromage », conseille encore le fromager.
La fourme d’Ambert est l’un des cinq fromages AOP d’Auvergne. Son berceau, c’est le Livradois-Forez mais la zone d’appellation d’origine protégée s’étend aujourd’hui jusqu’à la chaîne des Puys et le nord du Cantal. Ses origines remontent au-delà du Moyen-Âge, jusqu’à l’époque gallo-romaine.
Il y a tout juste 50 ans, en 1972, la fourme d’Ambert a reçu son AOP : « Il s’agissait de garantir l’origine géographique d’un produit et toutes étapes de fabrication depuis la production du lait jusqu’à la transformation en fromage », explique Aurélien Vorger, directeur du syndicat interprofessionnel de la fourme d’Ambert.
En 50 ans, le cahier des charges n’a cessé d’évoluer. « Le premier cahier des charges fixait la zone de production et les premières étapes de fabrication du fromage », se remémore Aurélien Vorger. « Ensuite, il y a eu deux étapes intermédiaires qui sont allées plus loin dans la précision des règles. On s’est attaché aux conditions de fabrication et de production du lait pour garantir cette origine au territoire. On a imposé l’autonomie fourragère des exploitations, on a interdit certains aliments comme les OGM, les arômes et les colorants. On a limité tout ce qui pouvait venir en dehors de la zone d’appellation. Et dernier élément, les vaches ont obligation de pâturer au moins 150 jours par an. »
En 2002, la fourme d’Ambert a pris aussi son indépendance de la fourme de Montbrison, une cousine originaire de la Loire, avec laquelle elle partageait son AOP. Aujourd’hui en 2022, 800 exploitations agricoles produisent du lait pour la fourme d’Ambert et 15 fromageries fabriquent le fromage dont 9 directement à la ferme.
Tout un art
Pascal Genest est au-dessus de la cuve où le lait de ses vaches, trait le matin même, a déjà pris une consistance plus épaisse. Cet agriculteur de Bongheat dans le Puy-de-Dôme fabrique 50 tonnes de fromage par an dont la moitié de fourme d’Ambert. « Je n’habitais pas loin d’Ambert et j’adore les pâtes persillées ! Toutes les pâtes persillées ! », confie-t-il avec un grand sourire. « La technique de créer des ouvertures dans le fromage est très difficile à partir de lait cru. » Faire pousser le champignon bleu à l’intérieur du fromage est tout un art.
Le lait est caillé, tranché, brassé, égoutté. Quand il a pris la consistance de billes rondes, il est versé dans des moules cylindriques. Au bout de 4 jours, le fromage ainsi formé sera percé avec des aiguilles. L’oxygène entrera à l’intérieur du cylindre, la moisissure apparaîtra au bout de 10-15 jours. Le temps d’affinage est de 30 jours minimum. Pascal Genest a choisi d’aller jusqu’à 40 jours.
Il fait du fromage depuis 2000 et a rejoint l’AOP sept ans plus tard. « Pour moi, l’AOP, c’est la Rolls-Royce de la qualité ! », s’enthousiasme-t-il. « Nous passons devant une commission tous les deux mois. Un technicien vient prélever au hasard un fromage et ce fromage passera devant une commission qui attribuera une note sur 10. En dessous de 6, on est déclassé et on reçoit un avertissement. Au bout de deux avertissements, on perd l’AOP. »
Jusqu'à Hong Kong
Un système très exigent mais qui vaut la peine commercialement. « La fourme d’Ambert est certes connu sur notre secteur », indique l’agriculteur. « Mais si on veut faire de l’export, l’AOP ouvre des portes. » Les fromages que Pascal Geneste produit dans son petit village au pied des monts du Forez se retrouvent ainsi sur les étals des boutiques de Hong Kong. La production de fourme d’Ambert et de bleu d’Auvergne sur la ferme représente aujourd’hui la moitié des revenus de l’exploitation. Pascal Geneste a pu embaucher deux salariées.
La création de l’AOP a permis à la fourme d’Ambert de prendre son envol et d’étendre sa renommée au-delà des frontières du Massif central. En 50 ans, les volumes produits ont plus que doublé: 2500 tonnes par an en 1972, près de 5500 aujourd’hui. La fourme d’Ambert représente 15 % des ventes de fromages AOP d’Auvergne. Elle est devenue un élément moteur de son territoire.
« 800 exploitations font partie de l’AOP, ce qui fait environ 2000 personnes », détaille Aurélien Vorger le directeur du syndicat interprofessionnel de la fourme d’Ambert. « A cela, il faut rajouter les 300 emplois directs dans les fromageries, plus tous les emplois indirects. Il y a un écosystème qui est là, fixé sur ce territoire car le lait et le fromage ne peuvent pas être produits ailleurs. » L’AOP contribue également au maintien des paysages grâce aux troupeaux de vaches qui pâturent et entretiennent les prairies.
Aujourd’hui, l’AOP réfléchit à son futur. Elle envisage encore une évolution de son cahier des charges. « Les deux grandes questions du moment sont l’adaptation au changement climatique et la réponse à apporter aux nouvelles demandes des consommateurs », reprend Aurélien Vorger. L’AOP veut désormais valoriser ses pratiques déjà vertueuses pour la biodiversité qui qui ne sont pas encore prises en compte dans le cahier des charges. « Nous avons la chance d’avoir des prairies naturelles. Le Massif central a la chance d’être la première prairie naturelle d’Europe. C’est quelque chose que nous pourrions sécuriser pour être sûrs de les conserver dans le temps et de les céder à la prochaine génération qui gèrera l’appellation. »
Il est question aussi de bien-être animal. Des évolutions de l’AOP qui devraient s’inscrire dans le cahier des charges dans les cinq années qui viennent.
Dégustation
En attendant, le syndicat interprofessionnel de la fourme d’Ambert prépare la fête de ses 50 ans en conviant le public à plusieurs rendez-vous : les 28 et 29 juillet 2022 au col de Béal, les 6 et 7 août 2022 aux Fourmofolies à Ambert et les 28 et 29 septembre 2022 place de Jaude à Clermont-Ferrand. Dégustation de fourme d’Ambert garantie !