Savez-vous que la ville de Clermont-Ferrand possède dans ses sous-sols un véritable labyrinthe de caves ? Une association veille à la préservation de ce patrimoine historique et géologique. Partons ensemble à la découverte de ces lieux mystérieux.
C’est un secret bien gardé. Dans un hôtel particulier de la butte de Clermont-Ferrand, Claude Lussert, le propriétaire des lieux, nous ouvre les portes de son trésor : un dédale de caves, plus ou moins bien entretenues. Pour y accéder, la lampe frontale et de bonnes chaussures sont requises. Une fois à l’intérieur, on devine tout le passé de ces sous-sols. Les parois portent encore les traces des coups de pioche. Mais initialement, cette histoire est avant tout volcanique. Claude Lussert raconte : « Au départ, il y a eu un volcan. Quand il rencontre de l’eau, ça fait boum. Il y a eu environ 150 à 200 éruptions tous les quarts d’heure. Cela s’est passé il y a 156 000 ans, à 20 000 ans près. C’est donc récent. Cela s’est quand même fait avant la Chaîne des puys. Ce volcan crache et il y a des projections de cendre et de bombes volcaniques. Comme le gour de Tazenat, cela forme un cône. L’érosion est venue derrière. Il reste un croissant qui est la butte de Clermont-Ferrand. C’est une série de couches d’éruptions volcaniques. On peut le voir dans les caves. Les tufs volcaniques sont des retombées de volcan. C’est de la lave pulvérulente qui retombe et qui a amassé des blocs de calcaire ». En avançant dans ce dédale de caves, on se retrouve ainsi au cœur du volcan dans les caves. « Ce tuf volcanique est en couches. Il est facile à creuser et il tient assez bien le plafond » précise Claude Lussert. Ce jour-là, le retraité nous sert de guide, accompagné de deux membres de l’ACAVIC, l’association des Amis des Caves du Vieux Clermont : Colette Blisson, l’actuelle présidente et Laure Rauch, la fondatrice de l’association. Colette Blisson souligne : « Le cratère de ce volcan était place de Jaude. Il faisait 2 km. C’était le plus grand cratère d’Auvergne. Il allait des Salins à Galaxie, et du théâtre jusqu’à la mairie de Chamalières ».
"Une vraie richesse archéologique"
Depuis 2 000 ans, les habitants n’ont cessé de creuser dans ce tuf d’innombrables cavités. Il en résulte un très complexe gruyère en grande parti méconnu. Claude Lussert insiste : « Ces caves sont une vraie richesse archéologique qu’il faudrait conserver et surtout ne pas abîmer. Il y a des voisins indélicats qui jettent leurs poubelles par les soupiraux. On a fait des grilles entre temps mais le mal est fait. Il y a des propriétaires d’immeubles qui ne savent même pas qu’ils ont des caves ». L’ACAVIC veille à préserver ce patrimoine. « L’ACAVIC ne fait pas de tourisme. Nous ne faisons pas non plus de nettoyage de caves. Nos objectifs sont d’étudier le sujet, d’informer au maximum la population et d’être partie prenante d’une prise de conscience » rappelle Laure Rauch.
Un patrimoine à préserver
Colette Blisson explique le rôle de l’association qu’elle préside : « Quelquefois les propriétaires nous demandent de faire un diagnostic. On leur donne des conseils. Le but de notre association est de préserver ce patrimoine, de l’étudier du point de vue archéologique, géologique ». Laure Rauch poursuit « C’est un patrimoine formidable. La ville a été créée par les Romains. Depuis la création de la ville, les Clermontois creusent. Peut-être qu’il y a en a même d’autres qui creusent en ce moment. Ces deux derniers siècles, les caves ont été creusées sans rien dire à personne, ce qui amène à des situations juridiques un peu bizarres car les caves ne figurent pas sur les actes notariés. On retrouve tout le passé de la ville de Clermont-Ferrand et en particulier le passé de la ville romaine. C’était une capitale régionale dont il ne reste pratiquement rien de visible, alors que dans les sous-sols, on retrouve énormément de choses ». En 2018, la Ville de Clermont-Ferrand a lancé un inventaire pour recenser ces caves assez mal répertoriées. Elle s'est appuyé sur des archives et sur des témoignages.
Plus de 1 000 ensembles de caves
Laure Rauch indique : « Dans toute la partie qui est facile à creuser, il y a des caves. On part du principe qu’il y a un ensemble de caves par parcelle au cadastre. On compte plus de 1 000 ensembles de caves. En général, le premier niveau est utilisé. Les niveaux en-dessous sont abandonnés. Il y a aussi la question des travaux. Essayez d’imaginer ce qu’il s’est passé à l’emplacement de l’Hôtel-Dieu, à l’emplacement de tous les parkings souterrains de la butte. Il y a beaucoup de destructions, d’abandons. Il y a aussi beaucoup de caves qui sont bouchées parce que cela fait peur aux gens ». Mais un danger plane sur ces caves. Claude Lussert indique : « Dans les caves, à cause de l’humidité et du manque d’aération, il apparaît de la mérule. C’est une moisissure qui traverse les murs. Quand les gens ont aéré la ventilation de la cave, la mérule gagne. Cela peut détruire une maison. C’est difficile de supprimer la mérule mais le mieux est d’aérer ».
Une température moyenne de 12 degrés
Le retraité rappelle : « La température d’une cave est autour de 12 degrés, toute l’année. Il y a un effet retard quand il fait chaud et en hiver, cela recommence. D’où l’intérêt des caves pour le vin, pour le fromage. Beaucoup de caves de Clermont-Ferrand ont été utilisées pour le vieillissement des fromages ». Laure Rauch continue : « Pour le fromage, c’est fini. Les normes sanitaires ont évolué et sont de plus en plus dures et restrictives. De plus, ce n’était pas commode avec les escaliers. L’usage le plus important des caves a été le vin. La région a été une grande région viticole. Jusqu’au phylloxera, les Clermontois qui avaient un peu d’argent avaient tous leur lopin de vigne non loin ». Mais un autre usage des caves est moins connu. « Il y avait une autre utilisation : la mûrisserie de bananes. C’était au XIXe siècle et au début du XXe siècle. Il y a avait des chauffages » explique la présidente de l’ACAVIC. Laure Rauch précise : « Les caves ont eu un rôle domestique. Quand il n’y avait pas de frigo, il fallait une endroit frais pour conserver les denrées ».
Des caves qui ont un passé
Claude Lussert souligne : « Lors des journées du patrimoine, on organise des visites. Les gens s’attendent à voir des rats alors qu’il n’y en a pas. Ils croient qu’il y a des légendes comme des souterrains qui sortiraient de la ville. On a les plans de la défense passive, à l’époque où l’on risquait d’être bombardé, lors de la dernière guerre. Ils avaient essayé de faire communiquer les caves, qui pouvaient servir d’abri anti-aérien ».
Laure Rauch se veut une fervente défenseuse de ces caves : « Si on cherche dans les textes, la mention la plus ancienne trouvée fait mention de 1392. Les Romains avaient des caves dans leur maison. On peut dater les vestiges qu’on y trouve mais pas les caves. Il faut préserver ces caves pour la raison patrimoniale. C’est un patrimoine en soi. Il y a aussi 2 000 ans d’histoire de la ville dans les sous-sols. De plus, si on n’entretient pas les caves, on les fragilise. Il y a déjà eu par le passé des maisons qui se sont effondrées. Il vaudrait mieux bien entretenir ces caves, ne serait-ce que pour une raison de sécurité publique ». Elle enchaîne : « Il y a aussi des gens qui se rendent compte de l’intérêt des caves, ce sont les commerçants qui ne peuvent plus s’étendre en surface car tout le foncier est occupé. On trouve des restaurants en premier sous-sol, des salons de beauté ».
" Ces caves racontent l’histoire de Clermont-Ferrand"
Mais pour ces membres de l’ACAVIC, s’il faut préserver ces caves, c’est surtout pour leur intérêt historique. Laure Rauch martèle : « Ces caves racontent l’histoire de Clermont-Ferrand. La plupart ont 150 ans mais beaucoup sont plus anciennes. C’est en allant dans les caves qu’on a pu déterminer l’emplacement du forum de la ville antique. Entre la période romaine et le XIIIe siècle, on n’est pas capables de dater mais on trouve des chapiteaux du XIIIe siècle. On retrouve de l’architecture de toutes les époques. Beaucoup de caves sont malheureusement des dépotoirs. Cela nous attriste ». Avec ces caves, bon nombre de mythes et légendes intriguent les Clermontois. Pourtant, ces sous-sols ne renferment aucun trésor. Certaines caves sont soupçonnées d’être d’anciens rez-de-chaussée de l’époque gallo-romaine, recouverts par des siècles d’abrasement et de comblements successifs. L’association a pu mettre au jour des systèmes de chauffage et de morceaux de chapiteaux au fil de ses expéditions. Laure Rauch rappelle aussi les dangers qui planent sur ces caves : « Lors des explosions du volcan, des éléments du sous-sol ont été projetés et sont retombés. A certains moments, ce sont des marnes qui sont retombées, c’est-à-dire des argiles imperméables. Ces marnes imperméables ont entraîné la formation de mini couches, de mini nappes phréatiques. Dans le vieux Clermont, il y a un certain nombre de puits, mais ils ne vont pas sous la nappe phréatique. Il ne faut jamais oublier que l’eau trouve toujours sa place. Quand un parking souterrain est construit, s’il dérange une nappe phréatique, elle va aller plus loin. C’est comme cela qu’on se retrouve avec des caves inondées et qu'on ne peut assécher ».
Afin de mieux faire connaître la richesse de ces caves, l’ACAVIC est en train de préparer un ouvrage collectif. Sa date de parution n’est pas encore connue.