“C’est unique au monde” : on vous raconte la belle histoire de l’orgue de cette petite commune du Puy-de-Dôme

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Réplique exacte de l’orgue d’Arnstadt, l’orgue de Pontaumur, une petite commune du Puy-de-Dôme, fête ses 20 ans. Découvrez ou redécouvrez l’histoire de cet instrument d’exception.

C’est un instrument unique qui fête son anniversaire cette année. Dans une petite commune, cachée au cœur des Combrailles (Puy-de-Dôme), une réplique exacte d’un orgue de Bach est la star du festival Bach en Combrailles. Vincent Morel, directeur artistique du festival, raconte : “C'est l'histoire d'un vétérinaire de Pontaumur, passionné d'orgue, élève de la grande Marie-Claire Alain qui était une très grande organiste et qui a fait une grande carrière dans les années 80, 90. Il a décidé de faire un festival autour de Bach dans son territoire. Très vite, il a décidé aussi de construire un orgue.” 

Un projet pour le territoire 

L’orgue de Bach est “la référence ultime”, selon lui. Il fallait donc que Pontaumur ait son orgue : “On ne peut pas faire un festival consacré à Bach s'il n’y a pas d’orgue. Tout cela a commencé en 2002, 2003. Il y a vraiment une volonté de faire un projet pour le territoire, d'être ancré dans le territoire et de ne pas être déconnecté de l'histoire de ce territoire. Une équipe s'est mise en place autour du fondateur, des bénévoles pour porter ce projet et c'est comme ça que ça a commencé. Après la disparition du fondateur en 2004, le festival va faire appel à Gilles Cantagrel grand spécialiste français de l’œuvre de Bach, et Patrick Ayrton, claveciniste international.” 

Une copie “unique au monde” 

“Ce n'est pas n'importe quoi comme instrument”, se félicite Vincent Morel. En effet, il s’agit d’une copie de l’orgue d’Arnstadt, instrument dont Bach fut titulaire à partir de 1703, jusqu’à son départ en 1707 pour Mühlhausen. Construit par François Delhumeau, l’harmonisation de l’orgue a été effectuée en collaboration avec Bernd Künhel. Il comporte 22 jeux. Le festival indique, dans un communiqué : “L’orgue s’est révélé être une audace remarquable, pour la pérennité et l’identification du festival, alors même qu’il aura fallu batailler contre des avis contraires qui auraient préféré avoir un orgue « à tout jouer ».” Autre atout, il est apparu que les dimensions de cet orgue d’Arnstadt étaient parfaitement adaptées au volume de l’église de Pontaumur, tant dans son aspect architectural que sonore. “La copie d'un orgue de Bach comme ça, c'est unique au monde, c'est la seule copie au monde d'un orgue connu de Bach. Le facteur d'orgue qui était choisi s'appelait François Delhumeau, installé pas trop loin du Puy-de-Dôme. L’instrument en Allemagne venait tout juste d'être restauré et il était vraiment tout à fait adapté à l'acoustique et la grandeur de l'église.” 

Une réplique “identique” 

La copie de cet orgue n’a pas été une mince affaire, selon Vincent Morel : “On va sur place, on mesure tous les tuyaux, on fait des copies de la mécanique, des photos, des dessins et on retranscrit ensuite cette mécanique, ces dessins. C’est vraiment un travail de copie d'une œuvre d'art d'une époque donnée dans une autre. Evidemment, on n'a pas forcément les mêmes matériaux qu’à l'époque, mais c'est fait avec essentiellement du bois, de l'étain, du plomb... C’est vraiment une réplique identique.”  

Il est composé de deux claviers de 48 notes (du premier au cinquième do, sans premier do dièse) et d’un pédalier de 26 notes (du premier do au troisième ré, sans premier do dièse). Cette étendue inédite des claviers et du pédalier est une constante dans les instruments de cette époque en Allemagne centrale et en Allemagne du Nord. Sur son site internet, le festival explique ce choix : "L'étendue unique des claviers ne pose aucun problème pour l’interprétation de la musique de Jean-Sébastien Bach ou de ses prédécesseurs et contemporains, même si elle peut être préjudiciable à l’interprétation de certaines pièces du répertoire romantique ou contemporain. Ce choix est un choix délibéré. L’Auvergne, et en particulier la ville de Clermont, recelant nombre d’instruments aptes à la restitution de ces musiques.” 

Un projet “pointu et exigeant” 

Ce projet ambitieux a reçu beaucoup de soutien : “Il y a eu un engouement assez dingue pour ce projet, par les différentes tutelles politiques qui ont vu l'intérêt et l'originalité de ce projet et une équipe très motivée. S'il y a un mot à retenir, c'est l'audace. Ça montre surtout que dans nos territoires, il faut être très pointu d'un point de vue culturel, il faut aller au-delà des idées reçues. On n'arrête pas de nous dire qu'il faut des projets culturels qui parlent à tout le monde, et bien ce projet, c'est tout le contraire de tout ça. Ce n'est pas du tout pluridisciplinaire, c'est hyper précis, hyper exigeant. Et le résultat c'est que ça fait 25 ans qu'on est là, qu'on existe toujours. La dernière étude auprès du public qu'on a menée l'année dernière révèle que, depuis quelques années, on a augmenté, on est à plus de 50% du public qui vient du Puy-de-Dôme. Cela montre que ce n'est pas incompatible", précise Vincent Morel. 

Un son caractéristique

  

Si cet instrument est particulier, il peut être joué par tous les organistes : “C'est un orgue comme un autre, il n’y a pas d’apprentissage particulier. Il faut savoir que les orgues sont assez typés en fonction des pays. Des orgues français, des orgues allemands, des orgues italiens ont des typologies différentes. J'ai un ami musicien qui connaît bien cet instrument. Il me dit que quand on joue celui de Pontaumur, on entend la langue allemande derrière. C'est vraiment une plongée assez extraordinaire dans la culture allemande du 18e siècle au fin fond de l'Auvergne”, se félicite Vincent Morel.

Le son qu’il produit est reconnaissable, selon lui : “On a un son qui est un peu plus guttural, un peu plus tranché. L'église de Pontaumur a une acoustique qui n’a pas beaucoup de réverbération, quelque chose qui est peut-être un peu plus sec que dans d'autres églises romanes dont on a l'habitude. On a de la chance, parce que les temples protestants où jouait Bach sont des lieux qui ont beaucoup moins de résonance que dans nos églises romanes. On a un son un peu différent, un peu plus sec, un peu plus présent en fait. C'est un choc esthétique et, pour des étudiants, c'est une possibilité assez rare en France de découvrir la musique d'orgue et la spécificité de ce type d'instrument.”  

Des personnalités porteuses du projet  

L'orgue a été inauguré en 2004 par Marie-Claire Alain, mais il ne s’agit pas de la seule personnalité à avoir participé au projet : “On a une photo de Valéry Giscard d'Estaing à côté de l’orgue. Je sais qu'il a beaucoup appuyé la création de cet instrument au vu de la valeur pédagogique, culturelle, intellectuelle et l’originalité de ce projet. Un concert dont on parle souvent, c'est celui de Gustave Léonard. C'est une grande personnalité du monde de la musique baroque du 20e siècle. C'est un monument. Il était venu dans les Combrailles en 2004, donc l'année qui a suivi l’inauguration de l’orgue.”   

Des travaux pour l’orgue de Bach 

Pour son anniversaire, l’orgue s’est fait une beauté : “On a fait des travaux importants sur ces dernières années. L'année dernière, on a pu redécouvrir l'orgue qui a été profondément revu. Au bout de 20 ans, il était un peu fatigué. L'orgue s'était un petit peu flétri. C’est ce qu'on appelle un relevage. On a dépoussiéré tout l'instrument. On a réaccordé l'ensemble des tuyaux. Et puis on a fait tout un ensemble de travaux qui étaient nécessaires avec le temps, comme l’étanchéité. Maintenant, on a un orgue de toute beauté et c'est énorme”, explique Vincent Morel. Le facteur Denis Marconnet, dont la manufacture est basée dans la Loire,est intervenu sur toute la partie technique et a assuré aussi un nettoyage. Enfin, le festival a confié à Jean-Marie Tricoteaux, spécialiste mondialement reconnu de la facture d’orgue allemande des 17 et 18e siècles et basé en Suisse, le soin de la reprise totale de l’harmonisation. 

Une œuvre inédite  

La fête sera belle, promet Vincent Morel : "On va célébrer ça à la manière de Bach à l'époque, lorsqu’il fêtait un anniversaire ou célébrait une grande date. Il écrivait une œuvre, il écrivait ça pour ses amis et pour célébrer une fête. Eh bien nous, on va faire pareil. On a demandé à un compositeur d’écrire une œuvre pour les 25 ans de l’orgue. Je considère que ça fait partie de notre mission. On a beau être un festival qui s'intéresse à la musique du passé, ça doit nous obliger néanmoins à être les 2 pieds dans le 21e siècle. On a passé commande à un compositeur pour le concert de clôture, le nom du compositeur sera dévoilé dans les prochains mois. On va renforcer évidemment la visibilité de l'orgue dans le cadre de la programmation mais c'est surtout cette commande qui est un très gros challenge. C'est une aventure humaine assez dingue, de demander à un compositeur d'écrire pour cet instrument, on va laisser notre trace. Le compositeur va se baser sur les sonorités de cet instrument-là en priorité mais ça a vocation à s'adapter, bien sûr.” 

On doit être dans le même esprit audacieux que ceux qui ont fait ce festival, alors que rien ne prédisposait à ce qu'il y ait un festival Bach, avec un tel orgue, dans ce tout petit village d'Auvergne.

Vincent Morel, directeur artistique du festival Bach en Combrailles

Vincent Morel le promet, le festival sera, cette année encore, fidèle à sa tradition : “La constance de la ligne artistique, j'y tiens beaucoup, c'est pour ça qu'on est là encore aujourd'hui. On aurait pu faire autre chose que du Bach ; l'audace qui doit toujours nous guider pour porter un projet comme ça. L'amour permet tout, l'amour de la musique, l'amour de son territoire. Je pense qu’il n’y a pas d'autres raisons.” Il s’agit également d’un anniversaire pour le festival, puisque cette édition sera la 25ème.  

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