La Région a voté ce mercredi 25 mai les subventions à destination de festivals, associations ou institutions culturelles. A Lyon et Grenoble, de nombreux acteurs ont subi des baisses conséquentes. En Auvergne, l’inquiétude est aussi grande de voir des subventions diminuer.
En Auvergne-Rhône-Alpes, un dossier fait polémique, celui de la culture. Les budgets ont été votés ce mercredi 25 mai Sur environ 400 demandes de subventions, plus d’une centaine affichent des baisses. Selon la Région, les plus grosses structures doivent faire un effort aider les plus petites, celles qui risquent de disparaitre d’ici la fin de l’année, mais aussi pour alimenter le fonds Covid, à hauteur de 500 000 euros. Une explication loin d’être convaincante pour Zerrin Batary, élue du groupe Les écologistes : « On est face à une grosse supercherie. On nous ment. On nous explique que la baisse des subventions est en réalité un rééquilibrage pour faire bénéficier les petites structures plutôt que les grosses, les zones rurales plutôt que les métropoles. En réalité, il y a une vraie baisse constatée de 4 millions d’euros depuis le début de l’année. »
"Notre budget culture a été pérennisé"
Particulièrement touchées, les compagnies et structures grenobloise en pleine polémique sur le burkini. A Lyon, la Maison de la danse, les Nouvelles substances et la villa Gillet sont particulièrement touchées. En Auvergne, ce sont le Footsbarn Théâtre et l’école des beaux-arts de Clermont-Ferrand. La commission permanente a délibéré à huis-clos et les budgets ont été votés Sophie Rotkopf, vice-présidente déléguée à la culture et au patrimoine, défend la position de la majorité : « Nous ne baissons pas. Notre budget culture a été pérennisé, il n’y a pas lieu d’effectuer des baisses. On parle de rééquilibrage entre les structures qui sont sorties du Covid avec une trésorerie plutôt saine, qui peuvent jouer la solidarité, et celles qui sont en difficulté. Nous avons réactivé, en commission permanente, le fond d’urgence Covid à disposition de ces structures. Les métropoles captent à peu près 60% des subventions. »
Une politique "punitive"
L’explication est loin de convaincre Zerrin Batary : « On est dans une politique punitive de la part de Laurent Wauquiez, qui veut punir les personnes qui commettraient des incivilités, notamment les jeunes, on veut sanctionner ceux qui travaillent mal qu’on appelle les assistés… On veut punir tout le monde. » Son groupe n’a d’ailleurs pas validé le budget proposé : « On s’est abstenu pour toutes les subventions qui ont été maintenues. Certaines ont été maintenues, personne n’a été augmenté. Pour le reste, on a voté contre ». Pourtant, pas de punition selon la majorité de Laurent Wauquiez : « Nous n’attaquons pas la culture. Nous voulons une culture pour tous et une culture partout, ce n’est pas le cas aujourd’hui. On veut gommer ces iniquités. Nous voulons sortir d’une culture de rente automatique pour aller vers une culture de projet ».
Une réduction annoncée
Les articles sur la baisse de subvention au secteur culturel prévue par la Région sont nombreux. Ils évoquent surtout la situation à Lyon et à Grenoble. Mais l’Auvergne n’y échappera sans doute pas. Les acteurs du monde culturel sont inquiets, comme les organisateurs du festival les Cultures du monde à Gannat. La Région est l’un de leur plus gros financeur depuis bientôt 48 ans avec près de 50 000 euros de subvention. Luc Roche, le président de l’association nationale cultures du monde, est inquiet pour le devenir de ce festival : « On n’a pas encore le résultat des subventions des autres collectivités. La commune nous a annoncé une réduction. Le département, on ne sait pas encore mais c’est vrai que s’il y a des coupures importantes, ça peut mettre festival en péril et on peut mettre la clef sous la porte ».
"Ce sera peut-être un artiste en moins, ou 2, ou 3"
Selon les élus de l’opposition, sur les 313 subventions accordées à des festivals, associations ou institutions chaque année, 140 devraient voir les aides diminuer, et ceci sans concertation préalable. Au festival Vidéoformes, on s’inquiète aussi d’une baisse. Elle pourrait entraîner la venue de moins d’artistes ou des actions diminuées auprès de populations de territoires ruraux. « Ça ne va pas arranger les choses si ça arrive. L’offre qu’on pourra proposer dépendra des moyens que l’on a. ça sera peut-être un artiste en moins, ou 2, ou 3. Ça sera peut-être une activité réduite alors que nous avons envie, comme tous, de rayonner », selon Gabriel V. Soucheyre, directeur du festival Vidéoforme.
Des emplois en danger
Mais la tenue de festivals ou d’événements est aussi selon lui une locomotive pour l’économie : « Il y a un impact économique important. Nous sommes une entreprise, petite certes, mais nous travaillons dans un contexte économique avec de l’hôtellerie, avec des intermittents, des fournisseurs divers ». Dans une lettre ouverte à la vice-présidente de la Région Aura, des acteurs culturels expriment leurs préoccupations. « Ce seront inévitablement des emplois qui seront fragilisés ; des spectacles pourtant planifiés qui ne pourront pas être présentés aux publics ; des auteurs, des musiciens, des plasticiens, des enseignants, des interprètes, des techniciens du spectacle, des intervenants de projets d'éducation artistique qui ne pourront pas être employés, voire des emplois permanents qui seront menacés. » Une pétition a été lancée en attendant les décisions du conseil Régional.
"On se demande si ce n'est pas au doigt mouillé"
Boris Bouchet (LFI-PCF), élu d’opposition au Conseil régional, alerte : « La diversité culturelle est en danger. Depuis plusieurs semaines, on entendait le président de Région parler de redéploiement, en disant que la métropole lyonnaise essentiellement captait les subventions et donc qu’il y allait y avoir un rééquilibrage. Là, on s’aperçoit que le jeu de massacre est dans tous les domaines et sur tous les territoires » Il est perplexe face à la répartition annoncée des subventions : « On se demande si ce n’est pas au doigt mouillé. On a des festivals, des scènes conventionnées, des écoles d’art qui voient leurs subventions baisser alors que, par exemple, d’autres festivals avec une dimension commerciale, eux, voient leurs subventions inchangées. Je pense par exemple à Europavox, Jazz à Vienne, ou au festival de la Chaise-Dieu. » Pour lui, cette répartition impacterait aussi bien les professionnels que leurs spectateurs : « Ca tape dur, ça tape fort et les premières victimes seront les Auvergnats et les Rhônalpins, les professionnels mais aussi le public. » Il ne votera pas ce budget, a-t-il annoncé.