Une filière française de culture de cannabis à usage médical va-t-elle voir le jour ? Un comité scientifique a été créé jeudi 17 février pour y réfléchir. Jusque-là, les traitements à base de cannabis, très encadrés, sont tous importés. Un membre de ce comité scientifique, psychiatre au CHU de Clermont-Ferrand, explique les enjeux des travaux de ce comité.

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Verra-t-on bientôt en France des agriculteurs produire du cannabis à usage thérapeutique ? C’est sur cette question que va se pencher un comité scientifique. Jeudi 17 février, ses membres ont été désignés afin de permettre la création d’une filière française de culture de cannabis à usage médical. Parmi ces membres, on trouve le Pr Nicolas Authier, psychiatre au CHU de Clermont-Ferrand. Il était jusque-là le président du comité scientifique temporaire sur l'expérimentation du cannabis à usage médical.

Plusieurs sujets de réflexion

Le médecin décrypte les enjeux des travaux de ce comité : « Il vise à développer la filière française de culture et de fabrication des médicaments à base de cannabis. Ce comité va se pencher d’une part sur un arrêté ministériel qui va permettre de définir les conditions de la culture de ce cannabis destiné à la fabrication de médicaments : où on va cultiver, comment on va sécuriser ? Ce ne sera pas en plein champ, ce sera du cannabis dans des endroits fermés. Le comité va se pencher sur un deuxième arrêté qui va définir les spécifications de ces futurs médicaments à base de cannabis, leur qualité, leur composition, leur statut ». Ces deux arrêtés sont possibles car un décret publié ce vendredi matin au Journal officiel. Il autorise en France la culture de cannabis à visée médicale et la préparation de médicaments. Ce n’était pas possible en France jusqu’à ce jour.

Des traitements importés

L'ANSM (l'Agence nationale de sécurité du médicament), qui pilote l'expérimentation du cannabis à usage médical, va définir les spécifications des médicaments à base de cannabis que produira la future filière française. Jusque-là, les traitements à base de cannabis, très encadrés, sont tous importés.  Pour le Pr Nicolas Authier, cette mise en place du comité scientifique est capitale : « C’est une réelle avancée pour les acteurs économiques, pour la souveraineté française en termes de fabrication de médicaments. Espérons aussi que ce soit une avancée sur le plan médical et que cela permette de réaliser des programmes de recherche intéressants pour améliorer la connaissance sur ces médicaments ».

Quatre mois de travaux

Ce comité scientifique a commencé ses travaux ce vendredi 18 février pour une durée de quatre mois. « Ce comité est constitué de personnes qui viennent de différents ministères. Il y a aussi une personne qui vient du Portugal et qui travaille à l’agence du médicament du Portugal. On va apporter différentes compétences, qui vont du réglementaire à la sécurité, en passant par l’agriculture, la médecine, la science. On espère pouvoir produire des arrêtés qui seront applicables à cette filière. On parle de médicaments donc on doit agir de manière encadrée. Les travaux vont durer quatre mois et on peut s’attendre à des arrêtés publiés à la fin de l’année 2022 » détaille le Pr Nicolas Authier.

Une expérimentation sur 3 000 patients

Depuis fin mars 2021, l'usage du cannabis médical est autorisé en France dans le cadre d'une expérimentation de deux ans, portant sur 3 000 patients. Cette expérimentation a été lancée à Clermont-Ferrand, à l’instigation du Pr Nicolas Authier. Pour le moment, l’ANSM a retenu cinq indications thérapeutiques pour cette expérimentation :

  • certaines formes d’épilepsie sévères et pharmaco-résistantes 
  • certains symptômes rebelles en oncologie 
  • douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapeutiques accessibles
  • situations palliatives 
  • spasticité douloureuses des pathologies du système nerveux central.

"Des réflexions autour des variétés de cannabis"

Ce comité devra rendre un avis sur les teneurs en THC (tétrahydrocannabinol, la molécule psychotrope du cannabis) et CBD (cannabidiol, la molécule relaxante sans effet stupéfiant) des plantes, ainsi que sur la variété des plantes utilisées. Le psychiatre indique : « Il va probablement y avoir des réflexions autour des variétés de cannabis qui seront utilisées pour ce cannabis médical. Elles contiennent des concentrations variables en cannabinoïde, comme le CBD et le THC. On va s’intéresser à d’autres cannabinoïdes. Il ne faut pas qu’on soit trop rigides. On va s’intéresser entre autres à la concentration en CBD et THC dans les plants qui vont être cultivés mais aussi dans les médicaments qui vont être proposés. Actuellement on expérimente ces produits, qui sont fabriqués à l’étranger. L’idée est de reproduire cela en France, peut-être un peu différemment ».

Le Pr Nicolas Authier nourrit de grands espoirs pour la suite : « On va rattraper notre retard d’une part parce qu’on espère dans l’année 2023 légaliser l’accès au cannabis médical. Dans un second temps, on espère qu’on pourra faire partie des acteurs économiques qui comptent dans la fabrication de ces médicaments. On va pouvoir les produire pour nous, mais aussi pour les exporter ». Sur ce terrain, la France accuse un "retard très regrettable", selon un rapport parlementaire publié en juin 2021, qui soulignait qu'une cinquantaine de pays (Israël, Allemagne, Royaume-Uni, Portugal...) avaient déjà autorisé le cannabis thérapeutique "avec des approches très diverses".  

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