Les nuages transportent et dispersent des bactéries qui résistent aux antibiotiques, c’est la conclusion d’une étude scientifique menée conjointement au Canada et au sommet du Puy-de-Dôme, à quelques kilomètres de Clermont-Ferrand. Ses conclusions ont été publiées fin mars dans la revue Science of The Total Environnement.
L’usage répété et continu des antibiotiques a renforcé leur résistance aux bactéries, à tel point que beaucoup s’en inquiètent : médecins, patients mais aussi les scientifiques qui cherchent à quantifier ce phénomène. Le sommet du Puy de Dôme, connu pour son aspirateur à nuages, est un site propice aux expériences. Pendant deux ans, de septembre 2019 à octobre 2021, il a accueilli les appareils d’une équipe internationale regroupant des chercheurs de l’Université Laval à Québec (Canada) et de l’Université Clermont Auvergne.
L’auteur principal de cette étude sur la " Quantification des gènes de résistance aux antibiotiques dans les nuages d'un site de montagne (Puy de Dôme, centre de la France) ", Florent Rossi, post-doctorant de l’équipe de Caroline Duchaine au département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique de l’Université Laval explique en introduction de son rapport que « La résistance aux antibiotiques chez les bactéries devient une préoccupation sanitaire majeure dans le monde. L’utilisation intensive de grandes quantités d’antibiotiques pour soutenir l’activité humaine a conduit à l’acquisition et au maintien rapide de gènes résistants aux antibiotiques (ARG) chez les bactéries et à leur propagation dans l’environnement. A terme ceux-ci peuvent être disséminés sur de longues distances par transport atmosphérique ».
Pour confirmer son hypothèse, il a, avec les équipes du Laboratoire de Météorologie Physique et de l’Observatoire de Physique du Globe de Clermont-Ferrand (Raphaëlle Péguilhan, Jean-Luc Baray, Laurent Deguillaume et Pierre Amato) installé des « aspirateurs » à haut débit et collecté 12 nuages. L’analyse de ces prélèvements a mis en évidence « des bactéries qui vivent habituellement sur les feuilles ou dans le sol » a expliqué Florent Rossi à l’AFP. A une altitude de 1 465 mètres, ils ont découvert « qu’elles étaient transportées par le vent dans l’atmosphère et qu’elles pouvaient parcourir de longues distances et même traverser le globe à haute altitude grâce aux nuages ».
Des nuages passés au crible
Des analyses très poussées par qPCR ont exploré l’ADN des bactéries retrouvées dans ces nuages. Ils contenaient entre 330 et plus de 30 000 bactéries par millilitre d’eau, pour une moyenne d’environ 8 000 bactéries par millilitre et 29 sous-types de gènes de résistance aux antibiotiques ont été identifiés : quinolones, sulfamides, tétracyclines, glycopeptides, aminoglycosides et macrolide notamment.
Les chercheurs ont pu différencier les masses d’air transportées au-dessus de zones maritimes, en l’occurrence l’Atlantique, et les nuages influencés par les surfaces continentales. Certains gènes de résistance étaient plus présents (à 54%) dans les nuages marins alors que d’autres l’étaient dans les nuages continentaux. L’étude indique qu’avec une utilisation très répandue des antibiotiques dans les soins de santé, mais aussi dans l’agriculture, ce type de souches représente un « enjeu sanitaire majeur à l’échelle mondiale ».
Pas d’inquiétude
De manière un peu ironique le chercheur Florent Rossi indique cependant « Il n’y a aucune crainte à avoir lorsque l’on marche sous la pluie, car on ne sait pas si ces gènes peuvent être transmis à d’autres bactéries. L’atmosphère est très éprouvante pour ces bactéries et la plupart de celles que nous avons trouvées étaient des bactéries environnementales », moins susceptibles d’être nocives pour l’homme.
L’étude ne formule cependant pas de conclusion sur les effets potentiels sur la santé, estimant que seuls 5 à 50 % de ces organismes pourraient être vivant et potentiellement actifs.
Avec AFP