C'est un robot unique en France. A Clermont-Ferrand, cette machine participe à la rééducation d'enfants handicapés. Faute de financement, l'association Ékipe Médical Recherche, propriétaire de cet appareil, pourrait être contrainte de s'en séparer.
“Une, deux. Une, deux”. Chaque semaine, Emmy, 6 ans, répète les mêmes mouvements. Un pas devant l’autre. Un geste banal pour beaucoup d'entre nous. Mais pour la jeune fille, c’est le parcours du combattant. Emmy souffre d’une maladie génétique lourde qui l’empêche de marcher. Alors, chaque jeudi, à la Maison de santé des Dômes de Clermont-Ferrand, elle “joue” avec un robot unique en France : une machine d'entraînement à la marche à destination des enfants handicapés. L’énorme machine maintient Emmy en position verticale à l’aide d’un harnais. La jeune fille cale ses pieds sur les pédales du robot et pendant 20 minutes, le mastodonte robotique l’aide à imiter la marche. Guillemette Moreau-Pernet, sa kiné, l'encourage. “Allez Emmy ! Continue ! C’est bien !”.
Malheureusement cette machine, indispensable à la prise en charge de la fillette, est menacée de disparaître d'ici la fin de l'année. Patrick Moreau-Pernet, président de l'association "Ékipe Médical Recherche" explique pourquoi : “La machine coûte très cher : 480 000 euros. On a contracté un crédit-bail afin de la financer. On doit payer 5 000 euros de mensualités pour rembourser ce crédit qui s’étale jusqu’en 2026. Quand on a commencé en 2020, on a pu compter sur les subventions de la Région et de la Métropole qui nous ont donné 100 000 euros chacune. C’est ce qui nous a permis de tenir 3 ans. Maintenant que ces 200 000 euros sont partis, on n’a plus rien. On est dans une situation délicate. Cela fait déjà trois mois que l’on n’honore plus ces remboursements. Ça devient préoccupant. On lance un appel à l’aide pour ne pas perdre ce qui est l’unique outil de rééducation pour enfants handicapés en France. Ce serait triste pour ces enfants”.
“Ma fille peut se tenir debout grâce à cette machine”
Emmy vient régulièrement depuis deux ans pour ces séances avec le robot. Sa mère, qui l'accompagne, voit la différence avec les soins de kiné classique. “Ma fille peut se tenir debout grâce à cette machine. Au début, Emmy ne tenait pas sur ses jambes. Elle restait constamment en position assise. Dès qu’elle a commencé à utiliser le robot, elle a soudain réussi à se mettre debout. Maintenant, elle arrive même à faire quelques pas. C’est magique pour moi !", s’émerveille Sonia.
Sur ces 200 enfants qui ont pu bénéficier de cet équipement, sur prescription médicale, Guillemette assure que la moitié ont réalisé des progrès remarquables grâce à cette machine. “Force est de constater qu’au quotidien, ça rend service, souligne la kinésithérapeute. La science a démontré depuis plus de 10 ans que ces robots d'entraînement à la marche sont plus efficaces que de la kiné classique. En plus de pouvoir mettre en marche les patients, cette machine peut aussi les mettre en situation de montée ou de descente d’escaliers. On peut donc les rééduquer sur une large amplitude articulaire, alors qu'avec de la kiné traditionnelle ça aurait été plus compliqué”. Elle détaille la particularité de la machine : “Au lieu que ce soit le cerveau qui donne l’information aux jambes, on fait le chemin inverse. C'est le travail des jambes, grâce à la machine, qui va donner l’information au cerveau pour apprendre à marcher”. Pour Guillemette, le bénéfice qu’offre ce robot de 800 kilos est vaste : “Ça n’a pas seulement un bénéfice musculaire mais ce robot améliore les facultés cardiorespiratoires, le fonctionnement digestif, mais aussi le bien-être psychologique des enfants. Quand ils viennent, ils arrivent avec le sourire et repartent avec le sourire. C’est un plaisir pour eux et pour nous”.
Guillemette Moreau-Pernet enchaîne avec une autre séance et un autre jeune patient, Baptiste. Ses parents sont venus de loin pour profiter de ce robot unique en France : “On vient de Châteauroux. On a fait plus de deux heures de route pour la rééducation de Baptiste”.
On est contents d’avoir ça en France et de ne pas être obligé d’aller en Espagne ou ailleurs pour soigner Baptiste. Et en même temps, c’est dommage que personne ne veuille mettre de moyens dans ce robot, parce que je ne suis pas la seule à faire des kilomètres”
Maud et BernardParents de Baptiste
Pour la professionnelle de santé : “Le problème est de faire prendre conscience de l'existence de ces robots marcheurs et de l'utilité qu'ils apportent aux personnes handicapées, notamment aux enfants. Notre but est de voir ces machines déployées à plus grande échelle et au service du plus grand nombre. S’agissant de machines presque uniques, les coûts et les investissements sont évidemment élevés. Si cette entreprise vend des centaines de machines, ce sera bien sûr moins cher pour tout le monde. Il faut qu'on puisse mettre ces machines à disposition du plus grand nombre”.
Assurer le financement
Depuis trois mois, l'association peine à trouver de quoi rembourser les 5 000 mensuels de crédit. Le président Patrick Moreau-Pernet indique : "Je sais que nous avions déjà eu la chance d’avoir d’importantes subventions et que recevoir de nouveau une telle somme peut être délicat pour les élus. C’est pour cela qu’on se tourne désormais vers des mécènes”.
Et de poursuivre : “Tout ce que l’on peut faire c’est gagner du temps. La seule chose que la banque puisse faire c’est geler les mensualités de remboursement pendant un an. Mais ça ne résout pas le problème. Il faudra bien finir de payer cette machine un jour. La solution idéale pour l’instant c’est de trouver les 100 000 euros qui nous permettront de tenir jusqu’à l’année prochaine. Et l’année suivante, également 100 000 euros. On ne demande pas 100 000 euros tout de suite mais au moins 5 000 euros chaque mois pour rembourser les mensualités. Si on trouve 12 personnes par an qui donnent 5 000 euros jusqu’en 2026, on est bon. À noter que les dons sont déductibles d'impôts. Soit on trouve des mécènes qui soutiennent notre cause, soit on se réfère aux autorités publiques”.
En attendant, l'association doit trouver un peu plus de 200 000 euros pour éviter d'être contrainte de se séparer du robot.