L’augmentation du prix du carburant pèse encore sur les taxis conventionnés, chargés de transporter les patients qui ne peuvent pas se déplacer. Avec des prix qui dépassent de plus en plus la barre symbolique des 2 euros le litre, dans le Puy-de-Dôme, certains sont obligés de faire des choix.
L’augmentation du prix de l’essence et du diesel pèse de plus en plus lourd sur le budget des entreprises et en particulier dans le domaine du transport. Indispensables dans les territoires ruraux, comme le Puy-de-Dôme, les taxis conventionnés sont fortement impactés par des prix qui dépassent à de nombreux endroits les 2 euros le litre. Jérôme Combes possède une entreprise de taxis. Tous les jours, il sillonne les routes pour transporter les patients vers leurs rendez-vous médicaux lorsqu’ils ne peuvent pas se déplacer. Faire son métier est devenu très compliqué : “Cela nous fragilise de plus en plus, on vit sur nos trésoreries et nos capitaux propres en raison de l'augmentation du gasoil et du SMIC coup sur coup. Cela représente 75 à 80% de nos charges. Ça devient compliqué, très compliqué.” Il explique ne pas pouvoir répercuter ce surcoût sur le prix de la course : “Ce qui est encore plus dur dans notre métier, c'est qu’on ne peut pas augmenter, les tarifs, on vit avec des tarifs de la CPAM, de la caisse primaire d'assurance maladie et on ne peut pas indexer les charges sur les tarifs et ça devient de plus en plus difficile.”
"On nous a complétement oubliés"
Il aimerait pouvoir passer à des véhicules moins coûteux et plus vertueux pour l’environnement, mais il explique ne pas bénéficier de l’accompagnement nécessaire : “On est une profession qui est oubliée depuis déjà des années et des années. On n'a pas d'aide pour passer à la voiture électrique, on n'a pas d'aide pour passer au biocarburant, on nous laisse complètement à l'abandon. On est de gros pollueurs, entre les véhicules, les pneus, le plastique qu'on utilise. On nous a complètement oubliés.” Mais pour Jérôme Combes, la principale préoccupation est le devenir de ses clients : “On oublie les gens qui sont dans le monde rural. Aujourd'hui, habiter à Clermont, c'est un privilège et les gens qui sont dans la montagne c'est encore pire.”
"On fait du tri entre les contribuables"
Il possède des entreprises sur Clermont-Ferrand et dans le Cantal et, lorsque les prix de l’essence étaient suffisamment bas, il allait chercher des patients un peu partout. Ce qu’il explique ne plus pouvoir se permettre désormais : “Aujourd'hui, on fait le choix de faire le moins de kilomètres possible. On fait du tri. Les kilomètres à vide, malheureusement à 2,15€ le litre de gasoil, on est obligé de les regarder.” Jérôme Combes raconte être très préoccupé par cette situation : “Le métier d'ambulancier était là pour remplacer les services publics comme le taxi. On était là pour remplacer le service public et aujourd'hui on fait du tri entre les contribuables.”
Des frais multipliés par 2
Pourtant, il a tenté de trouver par lui-même des solutions pour limiter ses frais de carburant, mais ses initiatives se révèlent désormais insuffisantes : "J’ai essayé déjà depuis 2 ans de mettre une partie de mon parc automobile au bioéthanol à mes frais. On s'y retrouvait mais aujourd'hui on voit ce dernier augmenter. On entend parler de mesures pour les particuliers qui font 10 000 km ou 15 000 km mais, pour les entreprises qui font entre 50 et 100 000 kilomètres, il n’y a rien. On ne nous propose pas d'alternative.” Il a presque doublé la somme consacrée au carburant de son parc de véhicules : “Le carburant représente à peu près entre 15 et 17% du chiffre d'affaires, c'est quasiment 1 million d'euros. Il y a quelques mois, c’était 500 000 ou 600 000. Pour faire simple, nos ambulances roulent encore beaucoup au diesel. Le plein du véhicule qu'on faisait à 70 ou 75€ il y a quelques mois, aujourd'hui est à 140€.”
Contribuer "à la désertification médicale"
Alors, Jérôme Combes est obligé de compter les kilomètres, pour ne pas perdre de l’argent en faisant des courses : “Il fallait déjà calculer les kilomètres à vide. Pour la même course, on a beaucoup plus de frais. On n’est payé que quand on est en charge, quand on a une personne dans la voiture. Les kilomètres d'approche, on les calcule au maximum. On ne va pas aller chercher quelqu'un à 40 km de chez nous pour l'amener 20 km plus loin faire une consultation, ça nous fait trop de kilomètres à vide.” Il craint que le problème des déserts médicaux ne s’amplifie : “On va contribuer à la désertification médicale, nous aussi, parce qu'on ne peut plus se permettre, à 2,15€ de litre de gasoil, d’aller chercher les gens trop loin. On parle de taux de charge et plus de services à la population. C'est désolant.”
"On refuse beaucoup de courses"
Et pourtant, Jérôme Combes rappelle que son activité est indispensable à la santé publique : “Les ambulanciers et les taxis de la région Auvergne auraient arrêté leur activité pendant 2 jours, je pense que les hôpitaux pleureraient parce qu'ils n’auraient personnes dans leur consultation. On véhicule quand même beaucoup de monde.” Sur la région, entre 8 500 et 10 000 personnes sont transportées, toutes entreprises confondues dans la région Auvergne. Son entreprise s’occupe en moyenne de 450 patients tous les jours, 450 personnes qui pourraient peut-être avoir des difficultés à accéder aux soins médicaux : “On refuse beaucoup de courses, on refuse d'aller chercher des gens, par exemple à Pontgibaud, dans la montagne, à Manzat... Tout ce qui est un petit peu loin de chez nous. Je suis basé à Riom. S'il me tombe un Aigueperse-Vichy, je n'y vais pas parce que c’est à 14 km et ça fait 28 km à vide. C'est devenu fou, il n’y a pas d'autre mot. C'est devenu complètement fou.” Le 13 juin, le prix du gazoil routier est passé à 2,0694 euros le litre en moyenne la semaine dernière selon les chiffres arrêtés vendredi, soit un bond de plus de 10 centimes par rapport à la semaine précédente.