INSOLITE. Clermont-Ferrand : aveugle, il grimpe les plus hauts sommets du monde ...depuis sa cage d’escalier

A Clermont-Ferrand, pendant le premier confinement, Bernard Debesson s’est mis à monter et à descendre les étages de son immeuble. Il s’est alors fixé un but, celui de gravir l’équivalent des plus hauts sommets du monde. Un exploit pour ce retraité qui a perdu la vue il y a 5 ans.

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Si certains ont eu tendance à végéter sur le canapé et à enchaîner le visionnage de séries depuis leur salon durant le confinement, Bernard Debesson n’est pas de ceux-là. Cet habitant de Clermont-Ferrand a fêté ses 62 ans il y a quelques jours et il vient de signer un drôle d’exploit. Il a perdu la vue suite à un infarctus 5 ans auparavant et cela ne l’a pas empêché d’accomplir une prouesse. Durant le premier confinement il s’est mis à monter et à descendre les étages de son immeuble. Il s’est alors mis en tête de calculer la longueur parcourue, en se fixant un objectif. Bernard raconte : « Lors du premier confinement, comme beaucoup de gens, il a fallu accepter les restrictions gouvernementales. Je ne pouvais plus sortir car j’ai toujours besoin de quelqu’un. Pour continuer une activité physique, j’ai décidé de prendre ce qui m’était le plus près : la cage d’escalier. Au début, j’ai monté un, deux, trois escaliers mais il a fallu que je me fixe un but assez rapidement. J’avais choisi la Tour Eiffel. On a sorti le double décimètre, on a mesuré la hauteur des marches. On a calculé que la Tour Eiffel représentait 112 étages. Puis vu que le confinement s’éternisait, les 112 étages ont vite été atteints. Mon deuxième défi a été le Chevalard, qui est juste au-dessus de la maison, à 545 mètres. Puis je suis arrivé au puy de Dôme et de là je suis passé au Mont Blanc ».

J’ai entrepris de monter le plus haut sommet de chaque continent

Mais le retraité ne s’en est pas arrêté là, bien au contraire. Il explique : « J’ai fini par monter l’Annapurna, à 8 091 mètres. J’ai fait 8 092 mètres par ce qu’il fallait bien que je rentre à la maison. J’ai mis un mois et demi pour parcourir cette distance. Au début, j’ai pris ça très simplement puis je me suis pris au jeu. La date butoir était le 10 mai, jour de la fin du confinement. Le 9 mai j’ai parcouru 222 étages et j’en ai fait 247 le 10 mai. Une fois que ce cap était franchi, j’étais bien content d’arrêter car ça prend quand même un peu de temps. Mais le démon est revenu plus rapidement que prévu et le 6 juillet, j’ai entrepris de monter le plus haut sommet de chaque continent. En alpinisme, il y a 7 continents. Au fil de mes recherches, je me suis aperçu que ce défi s’appelle le « Seven summits ». J’ai parcouru en réalité 10 sommets, car le Mont Blanc n’est pas le plus haut d’Europe, c’est le Mont Elbrouz. J’ai rajouté deux autres sommets. J’ai fait ça du 6 juillet au 21 décembre, pendant 169 jours consécutifs, sans aucun jour d’arrêt. J'ai parcouru 210 km ».

Des habitudes bien rôdées

Bernard Debesson a tout un rituel pour accomplir ses exploits. Il indique : « J’ai ma compagne qui commence à travailler de bonne heure. Généralement, je me levais avec elle et j’attaquais mes premiers escaliers vers 5 heures du matin. Je fais tout ça pieds nus, pour ne pas faire de bruit dans les escaliers. Avec mon handicap, ce n’est pas la peine d’allumer la lumière. Je ne dérange personne. J’essayais surtout de ne pas croiser mes voisins car le COVID est toujours là. Je tentais de finir vers 7h30, mais en faisant des pauses. Je ne monte qu’un seul étage. J’habite au 3e étage, je descends au 2eme, je fais demi-tour et je remonte, ce qui limite les rencontres avec les voisins. J’ai quand même croisé des voisins et il fallait bien que je me justifie. Je leur disais que je faisais mon sport. La première fois que j’ai osé dire à un voisin que j’étais presque au sommet du Mont Blanc, il m’a regardé et n’a rien dit. Je compte les marches et je me suis fait un super tableau sur Excel. Je rentre mes chiffres et tout se transforme. Comme tout bon sportif, quand le doute s’installe, je prends toujours la mesure en-dessous ».

Ca me procure un bien-être physique et mental

Cet entraînement de choc lui procure beaucoup de bien. Bernard confie : « Je suis devenu aveugle suite à un infarctus. Cet entraînement est très bon sur le plan cardiaque, c’est du step. J’ai perdu quelques kilos. C’est motivant. Ca me procure un bien-être physique et mental. Par rapport à mon handicap, j’ai l’impression de pouvoir faire une activité en toute sécurité et en totale autonomie. Car d’habitude je dois toujours demander à quelqu’un de m’accompagner. Là, j’ai retrouvé une certaine liberté. Avant j’étais sportif, j’ai fait de la course à pied, de l’ultra-fond pendant une vingtaine d’années. Ce que j’accomplis me rappelle cette période, quand je préparais des épreuves de fond, des 100 km ou des 24 heures. J’ai retrouvé une certaine jeunesse à ce niveau-là ».
 

Par cela, il se libère, il n’a besoin de rien ni de personne

Jeanine Kolbu, sa compagne, confirme : « J’ai pensé au début que c’était bien pour lui. Comme c’était un coureur d’ultra-fond et qu’il s’était arrêté à cause de son infarctus et de sa cécité, je me suis dit que ça lui donnait un nouvel élan. Je voyais que ça lui plaisais. Je l’ai laissé faire. Par cela, il se libère, il n’a besoin de rien ni de personne. Il est autonome dans l’escalier, il prend la rampe, il descend. Après il transpire dans tous les sens ! Ca lui plaît ». Mais l’alpiniste ne compte pas s’arrêter là. « Je me fixe un nouveau défi, l’ascension de 14 sommets à plus de 8 000 mètres, le « 14 8000 ». J’ai plus de 42 637 étages à monter soit 446 km à parcourir. Ca va me prendre un an maximum. J’ai démarré le 23 janvier. Après, je ne sais pas trop ce que je pourrai faire sur la Terre. J’ai lu que le mont le plus haut est sur Mars et qu’il fait plus de 21 km. Mais il faudra que je me trouve un sponsor qui veuille bien m’amener là-haut » indique-t-il, tout sourire.

Un journal de bord

Afin de partager ses exploits, le postier à la retraite tient un journal de bord où il raconte ses ascensions, toujours avec humour. Il précise : « Mes proches sont très fiers de moi. Ma filleule de 24 ans trouve ça très bien. Beaucoup de gens se sont pris au jeu car je raconte ça dans des écrits, sans prétention. J’écris comme si j’étais en direct sur ces sommets. Il y a des personnages qui interviennent, j’ai ma partenaire. J’ai romancé tout ça, à partir de recherches très sérieuses. Cela permet de redécouvrir les pionniers de l’alpinisme. Une soixantaine de personnes sont dans la boucle ». C’est ainsi que sans se prendre au sérieux, Bernard Debesson s’est mis en tête de gravir les plus hauts sommets du monde, en short et pieds nus, dans sa cage d’escaliers. Il conclut, toujours avec humour : « Il y eu des jours où très franchement j’en ai eu marre. Le plus lassant c’est que le paysage est toujours le même ». Une réflexion suivie d’un grand éclat de rire.

 

A Clermont-Ferrand, pendant le premier confinement, Bernard Debesson s’est mis à monter et à descendre les étages de son immeuble. Il s’est alors fixé un but, celui de gravir l’équivalent des plus hauts sommets du monde. Un exploit pour ce retraité qui a perdu la vue il y a 5 ans. Intervenant : Bernard Debesson, alpiniste d'escaliers

 

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