Justice: Manifester oui, dégrader non!

Poursuivis pour des dégradations commises au conseil départemental du Puy-de-Dôme en marge d’une manifestation contre la loi travail, trois prévenus ont dû s’expliquer devant le tribunal correctionnel de Clermont. Ils encourrent des peines d'emprisonnement avec sursis.

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Des papiers éparpillés au sol, des peintures sur les murs et le mobilier et du matériel informatique cassé… C’est pour avoir laissé le hall du conseil départemental dans cet état que trois participants à la manifestation anti loi travail du 23 juin 2016 ont comparu devant le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand.
Ce jour-là, alors que la manifestation venait de se terminer, un groupe d’une quarantaine de personnes avait décidé de poursuivre son action et après avoir quitté la préfecture en cortège a fini par envahir le hall de la collectivité territoriale où les dégradations ont été commises.
Rapidement identifiés, deux des trois auteurs, Maxime, 34 ans, et François, 46 ans, ont été interpellés. Quant au troisième, Théo, 24 ans, c’est en se rendant au commissariat un peu plus tard avec ses camarades pour soutenir les deux autres qu’il s’est fait appréhender.
Trois hommes au profil bien différent : l’un est agriculteur à Ambert, l’autre vit à Saint-Amand-Roche-Savine, après avoir quitté Paris pour « fuir le stress et la pollution » et le troisième, connu pour ses liens avec la Cellule Antifasciste Révolutionnaire d'Auvergne,  a quitté Clermont pour s’installer à Salon de Provence où il est cariste en intérim, par peur, selon lui, « des menaces et des pressions de la brigade anti criminalité ».

Esprit festif

Interrogés pour savoir s’ils reconnaissaient les faits, tous trois ont tenté de minimiser leur participation. L’un a expliqué qui oui, il avait bien jeté un ballon de baudruche rempli de gouache sur la façade du bâtiment, mais que « c’était dans un esprit festif et décoratif», l’autre a reconnu avoir juste écrit « ville prison » au feutre violet sur une maquette de clermont et Théo, le dernier a affirmé que s’il avait été arrêté pour ces dégradations, c’est uniquement « parce que la police [le] prend systématiquement pour le coupable ». Et d’ajouter « Je vous jure sur la république que suis innocent ! », ce qui a suscité une réaction amusée de la salle.

Interêt artistique nul

Des arguments mis à mal par le président qui a fait remarquer que non seulement « l’intérêt artistique de cette action était parfaitement nul » mais  que « son caractère violent » lui était bien « avéré ». Avant d'adresser aux prévenus quelques remontrances, sur un ton agacé,  leur rappelant qu’il était inadmissible de s’en prendre aux biens des citoyens.
Et d'ajouter: « Ce n’est pas très courageux de ne pas assumer ses actes ! Pas un de vous au cours de la procédure n’est venu assumer ses responsabilités ! Pourquoi personne ne se dénonce ? Pourquoi personne ne veut assumer ces actes de voyou dirigés contre les valeurs fondamentales de notre société ? »
Un argument repris par maitre Portal, avocat représentant le conseil départemental, qui a débuté sa plaidoirie en rappelant « les fonctions premières de cette collectivité territoriale, en charge des collèges, des fonds sociaux, de l’aide sociale à l’enfance et du rsa... fonctions destinées à créer du lien social ». « On cherche des symboles, mais là on s’est trompé ! Il y avait des institutions plus appropriées ! Est-ce à moi de rappeler la portée du mot solidarité ? »
Et de conclure : « Je peux comprendre que parfois les comportements puissent dépasser les pensées, mais faut-il encore qu’il y ait des pensées… »

Responsabilité collective

De son côté, le procureur a livré un réquisitoire implacable : « Ce sont des faits inadmissibles et parfaitement établis. On peut manifester, mais dégrader sous prétexte de défendre les prolétaires exploités non ! Ont-ils réfléchi sur le fait que le cout de leurs dégradations va être pris en charge par ces mêmes prolétaires ? Ces dégradations ont été commises en réunion, elles doivent aussi être assumées en groupe et la moindre des choses est qu’il y ait une réparation assumée par les trois prévenus ».
En conséquence de quoi, outre le dédommagement, il a requis 3 mois d’emprisonnement pour François, 6 mois pour Maxime et 10 pour Théo, des peines assorties de sursis avec mise à l’épreuve.
Des peines que maître Borie trouve bien lourdes pour des « dégradations qui ont pu être nettoyées sans engager de travaux », et qui selon lui ne relèvent pas plus que d’une contravention de cinquième classe… Et de prendre le contrepied du réquisitoire du ministère public en soulignant qu’on ne peut pas « juger quelqu’un au nom du groupe pour ce qu’un autre a fait. Ce serait à la limite de ce que la démocratie peut admettre  ».
Mise en délibérée, la décision du tribunal sera connue le 17 janvier.
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