Retards à répétition, pannes, prix trop élevé, un Wifi pas toujours accessible... Les reproches envers la ligne SNCF Clermont-Ferrand-Paris sont nombreux. Nous sommes montés à bord du train, jeudi 5 septembre, pour recueillir le sentiment des voyageurs.
Le soleil n'est pas encore levé et une petite pluie fine s'est invitée au voyage. À la gare de Clermont-Ferrand, on se réveille doucement avec l'odeur du café. Mais il n'y a pas encore d'agitation ce jeudi 5 septembre, il n'est que 5 h 40 du matin... L'Intercités en direction de Paris partira voie G, à 5 h 53. Il s'agit du deuxième et dernier train de la journée qui ne fait aucun arrêt jusqu'à la gare de Paris-Bercy : 3 h 10 de voyage pour aller à la rencontre des passagers de cette ligne. En théorie, le plus rapide pour relier la capitale.
"Ce sont des journées perdues"
Sur le quai non plus, il n'y a pas beaucoup de monde... Dans le train, pourtant, il y a du monde : essentiellement des hommes et des femmes d'affaires qui font l'aller-retour dans la journée, le plus souvent. Certains sont des occasionnels et d'autres des habitués.
Comme Marie, qui emprunte la ligne une dizaine de fois par an pour son travail. Elle est créatrice et souvent, elle doit se rendre sur des salons à Paris. "Je préfère prendre le bus généralement, même si c'est plus long, commente la jeune femme. Il y a moins de soucis. Là, aujourd'hui, je suis toute seule donc j'ai pris le train, mais à chaque fois que je le prends, il y a des pannes ou des retards". Elle raconte : "La dernière fois, j'ai eu plus de deux heures de retard, au lieu d'arriver à 9 heures, je suis arrivée à 12 h. Je devais rester seulement 7 heures sur Paris. Ce sont des journées perdues pour nous". Et au-delà des incidences que ces difficultés peuvent avoir sur son travail, Marie regrette le tarif : "Hier soir, je regardais les tarifs des bus, c'était 25 euros l'aller. Alors que là, pour prendre le train, j'en ai pour 120 euros. Le bus est moins cher et il n'y a aucun problème. Ce n'est pas normal".
"Nous sommes partis, mais est-ce que nous allons arriver ?"
Bus, voiture, covoiturage, avion, etc. Les solutions ne manquent pas pour se rendre à Paris. Mais pour certains le train reste la meilleure option.
Bruno Phalip prend la ligne Clermont-Ferrand/Paris une dizaine de fois par an. Lui aussi, pour son travail en tant qu'universitaire à Clermont-Ferrand. "C'est l'une des lignes les plus sinistrées de France. J'ai des collègues qui vivent à Paris et qui viennent souvent à Clermont-Ferrand, ils s'en plaignent très souvent. Au début, je ne voulais pas le croire, mais j'ai pu en faire l'expérience aussi. Là, aujourd'hui, je suis très content nous sommes partis, après est-ce qu'on va arriver ? C'est un autre problème", sourit le professeur d'université avec une pointe de réalisme dans la voix. Si avec le recul, il s'en amuse, sur le moment Bruno Phalip ne rigolait pas "pour le travail, avoir deux ou trois heures de retard, c'est un handicap pour la journée". Pour lui, d'autres problèmes s'ajoutent aux retards et aux pannes : "En hiver, il n'y a pas de chauffage, en été, le climatiseur ne fonctionne pas toujours, les toilettes sont souvent sales. Et les horaires de train sont assez limités, vu que des trains ont été supprimés".
Le casse-tête des retards
Un dernier constat partagé par Rita, 23 ans, qui est obligée de prendre le bus, parfois, pour venir à Clermont-Ferrand. Même si elle essaye de relativiser. "On reste compréhensifs, ca ne m'est pas arrivé de rester coincée. Cette année, je l'ai pris, au moins, deux fois par mois. Mais j'ai déjà eu 10 à 15 minutes de retard pour des réunions, et là, c'est un casse-tête, ça chamboule toute la journée."
Un peu plus loin sur la rame Christophe tente de connecter son ordinateur pour le recharger "mais ça coupe tout le temps", se désole le voyageur. "Je prends le train une dizaine de fois par an. Il y a systématiquement du retard, soit à l'aller soit au retour. J'ai mes réunions qui commencent à 10 heures, j'ai 40 à 45 minutes de transport après le train et si j'ai quelques minutes de retard, ça bouscule toute la journée". Mais il se dit chanceux, contrairement à l'une de ses collaboratrices : "Elle prenait le train pour Clermont, elle partait à 18 heures de Paris. Il a eu 12 heures de retard. Ils sont restés dans le train deux heures, sans eau, sans climatiseur, et pendant la canicule. Ils ont ensuite été rapatriés en bus. Elle est arrivée à Clermont-Ferrand aux alentours de 5 heures du matin. Je trouve ça scandaleux".
Les paysages défilent dans le train, tout comme les heures. Certains passagers profitent de ce temps pour terminer leur nuit, d'autres travaillent sur leur ordinateur. C'est le cas de Karine et de sa collègue. Lorsque la question de la ligne est abordée, Karine est catégorique : "C'est une catastrophe". Elle travaille dans une entreprise pharmaceutique à Clermont-Ferrand. Une fois par semaine, environ, elle fait le trajet vers Paris en train. "Je ne comprends pas qu'il n'y ait pas de TGV. Il y a souvent des rames de remplacements où il n'y a pas de clim, alors quand il fait chaud, c'est compliqué. Je trouve que pour le dynamisme de la région, ce n'est pas une bonne chose".
Une histoire de chance ?
Parmi les habitués de la ligne Clermont-Paris, il y en a certains qui passent entre les mailles du filet. Comme Marie-Annick Terle, la jeune femme habite à Clermont-Ferrand, mais tous les 15 jours, elle fait les allers-retours à Paris pour son travail. "Je touche du bois, je n'ai jamais eu de problèmes. C'est vrai que c'est long, ce serait bien d'avoir des TGV. Après, ils ont mis Internet donc ça me fait trois heures de travail en plus".
Pour Isabelle Aubert, même constat. "Je monte régulièrement à Paris, depuis un an et demi, et je trouve qu'il y a de l'amélioration, affirme cette chargée d'affaires. Par contre, il faudrait un TGV, c'est trop long".
Finalement, les 3 h 10 de voyage à l'aller se sont déroulées sans difficultés, nous sommes arrivés à l'heure à la gare de Paris-Bercy à 9 h 03. On apprend que la réalité n'est pas si évidente avec les voyageurs.
Un retour sans retard… ou presque
Il faudra attendre le prochain train pour retourner à Clermont-Ferrand : 13 h 01. Il en existait bien un autre à 9 h 11, mais il y avait deux correspondances et six heures de trajet. L'occasion de méditer sur la ligne SNCF entre Clermont et Paris, mais 3 h 37 seront suffisantes.
Au retour, le train est plus rempli, les valises jonchent les couloirs. Nous quittons la gare de Bercy à 13 h 05, un léger retard qui passe inaperçu. Pendant notre trajet, nous faisons un arrêt imprévu en gare de Montargis. Ce qui nous fera arriver à destination avec 10 minutes de retard à Clermont-Ferrand.
Ces retards à répétition, la durée du voyage trop longue, le Wifi qui ne fonctionne qu'à certains moments, des toilettes pas toujours en état, des services pas toujours adaptés, la qualité qui ne correspond pas au prix payé,... Des sujets qui reviennent souvent dans la bouche de ces usagers qui passent leur temps dans le train à faire des allers-retours. Et ils restent nombreux à déplorer l'état de la ligne Clermont-Paris.