Le 28 juin 2019, un train Paris-Clermont est arrivé dans la capitale auvergnate avec près de 11 heures de retard. Une situation extrême, mais qui a relancé le débat sur la fiabilité de cette liaison ferroviaire. Les usagers dénoncent des dysfonctionnements réguliers.

Chaque année, en moyenne, 1,8 million de passagers empruntent la liaison ferroviaire entre Clermont-Ferrand et Paris. Mais depuis plusieurs années, des voix s’élèvent pour dénoncer des problèmes réguliers sur cette ligne. Entre le 27 et 28 juin 2019, un train Paris-Clermont a mis 14 heures pour acheminer 300 voyageurs, cumulant près de 11 heures de retard. Certes, une situation extrême, mais qui a ravivé la polémique.
 
Dans un communiqué diffusé mardi 16  juillet, l’Association des Usagers des Transports d’Auvergne (AUTA) dénonce des « dysfonctionnements réguliers (retards, suppressions, inconfort) » et explique avoir « alerté depuis longtemps la SNCF et l’Etat »« Des réponses ont été apportées, mais elles sont loin d’être satisfaisantes », estime l’association.

Depuis le début de l’année, selon les données de la SNCF, le taux de régularité mensuelle des trains Clermont-Paris a fluctué entre 93% en janvier (au plus haut) et 78,9% en juin (au plus bas). 
Dans le sens opposé, Paris-Clermont, le taux de régularité mensuelle varie entre 92 % et 83 %. Ces chiffres prévoient déjà une petite tolérance : un train est considéré en retard s’il arrive 10 minutes après son heure prévue pour un trajet de 1h30 à 3h, et 15 minutes après son heure prévue pour un trajet de plus de 3 heures.
 

A qui la faute ?

Une qualité de service épinglée par l’AUTA. Son porte-parole, Pierre Pommarel, considère qu'il y a 3 niveaux de responsabilité. Il pointe tout d’abord celle de l’Etat, qui « a sous-investi depuis 40 à 50 ans », en délaissant le réseau classique au profit des autoroutes et du TGV. « Il est dans un état lamentable par rapport à nos voisins européens. On se retrouve face à un mur d’investissements pour rattraper le retard », affirme le porte-parole de l’association.
Parmi les points noirs, « la saturation des nœuds ferroviaires ». « On a un trafic banlieue qui a explosé ces dernières années et on se retrouve avec des infrastructures qui sont les mêmes qu’en 1900. Il n’est pas étonnant qu’il y ait des problèmes de congestion et d’irrégularité aux entrées de Paris, malgré le fait que nous ayons été relégués en gare de Bercy », observe-t-il. 

Il cible ensuite la SNCF qui, selon lui, "n’est pas au niveau d’une entreprise de transport d’un pays développé". "Elle n’est pas assez rigoureuse au niveau de la gestion du personnel, du matériel et de l’entretien", estime le porte-parole de l'association.
Enfin, dernier responsable, « le citoyen ». « En France, on ne respecte pas assez le réseau ferroviaire. Le taux d’accidentologie aux passages à niveau est très important. Et un grand nombre de retards est imputable à des suicides. C’est toujours un drame pour la personne et sa famille, mais cela a aussi une répercussion sur la société », avance Pierre Pommarel.

Des mesures immédiates et à plus long terme

L’Etat va injecter près de 800 millions d’euros sur cette ligne, pour financer des travaux de remise à niveau des voies et l’acquisition de nouvelles rames. Mais l’association demande d’activer la construction du nouveau matériel roulant et d’étudier « une meilleure insertion des Intercités Clermont-Paris dans le trafic de la région Ile-de-France », ou encore d’augmenter la vitesse de circulation pour « abaisser le temps de parcours au-dessous de 3 heures ».
Elle prône des mesures immédiates pour améliorer la signalisation ou la mise à disposition des trains et des conducteurs, et des mesures à plus long terme avec des investissements lourds pour financer la transition énergétique et écologique par le rail (grâce à des taxes sur les émissions de gaz à effet de serre et sur les profits des sociétés d’autoroute). "Sur les 80 derniers kilomètres, il faut des voies nouvelles pour s'affranchir de celles utilisées par les trains de banlieue. Pour régler une partie des problèmes du Clermont-Paris, ce n'est pas en Auvergne qu'il faut investir, mais à Paris", conclut-il.

L'AUTA n'est pas la seule mobilisée sur ce dossier. Objectif Capitales a décidé aussi de hausser le ton. L'association, qui fédère notamment des acteurs politiques et économiques locaux comme Michelin, Limagrain ou la CCI du Puy-de-Dôme, milite pour une « meilleure connexion du territoire à Paris, Lyon et plus largement aux grandes capitales européennes ».

Clermont-Paris en 2h30 ?

Le 11 juillet, elle a mis en ligne une pétition dont l’intitulé fixe clairement les ambitions : « Pour un Clermont-Paris en 2h30 ». Le constat est le même, « une longue lignée de retards, incidents et problèmes divers rencontrés au quotidien par les voyageurs » et des efforts pour assurer la maintenance et le développement de la ligne jugés "bien insuffisants". "L'Auvergne, malgré les promesses, reste dans l'angle mort de la politique de mobilité française menée par les gouvernements successifs", dénonce Objectif Capitales.
 
L’association demande « la mise en œuvre immédiate d’un ‘plan Marshall’ de 1,5 milliard d’euros ». L’objectif : réduire le temps de trajet à 2h30 d’ici à 2025. Elle réclame une mise en service des nouvelles rames dès 2022 et la modernisation de l’ensemble des infrastructures de la ligne. "Le TGV (ndlr, un projet vraisembablement enterré), c'était 15 milliards d'euros. La solution est à 10 fois moins mais on ne va pas l'étaler sur 20 ans ! C'est ça notre combat", explique Patrick Wolff, le président de l'association. D'autant que face aux 800 millions d'euros annoncés par l'Etat, la prudence est de mise. "Le principe est voté. Mais la date de réalisation change tout le temps. Et elle peut être sensible aux effets des échéances électorales", poursuit-il. "On a l'impression qu'on fait l'aumône. On a eu le Wi-Fi, c'est bien, mais le rythme n'y est pas !", assure-t-il.

"C'est toujours le bordel sur cette ligne"

Mardi 16 juillet, en milieu d'après-midi, plus de 9 000 personnes avaient signé la pétition. Sur Twitter, le maire de Clermont-Ferrand Olivier Bianchi incite d'ailleurs le public à participer. "Le développement de notre métropole nécessite une ligne Clermont-Paris de qualité. Il y a urgence ! Chaque voix compte", écrit-il.
Dans leurs commentaires, les internautes font part de leur agacement, à leur manière. « Clermont-Ferrand mérite mieux que cela », déclare l’un d’eux. « C’est toujours le bordel sur cette ligne », se lâche un autre. « L’Auvergne n’est pas une réserve d'indiens », affirme un troisième. 
Des commentaires qui rappellent ceux de Fabrice Eboué, venu assurer un spectacle fin mars. L'humoriste a ironisé sur la vétusté de la ligne et le temps de trajet. "Je suis venu à plusieurs reprises en train à Clermont-Ferrand et c’est vrai qu’on hallucine. On va à Clermont-Ferrand, c’est quand même une ville que l’on connaît. On croit que l’on va y aller comme à Lyon, que ça va aller rapidement. Et puis tout d’un coup on avance très lentement c’est tout juste s'il n’y a pas de la fumée qui sort de la locomotive, si vous n’avez pas le contrôleur qui a plein de suie de charbon sur le visage. Et c’est tout juste, à la fin s’il n’y a pas une attaque d’Indiens", avait déclaré l'artiste.
  

Un rendez-vous avec la Ministre des Transports en septembre

Contactée par nos soins, la SNCF n’a pas souhaité réagir pour l’heure. Mais une rencontre avec son président Guillaume Pépy est attendue par les acteurs locaux. "On nous parle de l'imminence d'une réunion mais ce n'est pas encore fixé", précise Patrick Wolff. Un rendez-vous avec la ministre des Transports Elisabeth Borne est également prévu. "On devait se rencontrer en juin, mais ça a été repoussé à début septembre", ajoute-t-il. L'enjeu, pour Objectif Capitales, est clair : "on attend un calendrier de financement crédible et respecté".
 
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