Plus de 1 000 personnes se sont retrouvées jeudi 27 janvier à Clermont-Ferrand pour la manifestation interprofessionnelle. Parmi elles, des enseignants, des professeurs, venus exprimer leur ras-le-bol et leur détresse aux pouvoirs publics. Témoignages.
Aux alentours de 10 heures ce jeudi 27 janvier, la place des Carmes à Clermont-Ferrand était remplie de monde. Plus de 1 000 personnes se sont donné rendez-vous, pour la plupart, ce sont des enseignants en école primaire, des professeurs, ou des assistant(es) maternel(le)s. Tous affichent leur ras-le-bol et témoignent d'une certaine détresse psychologique.
Ça fait 30 ans que je suis enseignante, je n’ai jamais vu ça. C’est inhumain, je me sens maltraitée.
Corinne, enseignante
C’est le cas de Corinne. Elle est enseignante en élémentaire (CM1-CM2) dans une petite commune du Puy-de-Dôme. Comme beaucoup de ses collègues, elle fait face depuis le mois de janvier à une vague d’absentéisme de ses élèves. « Les enfants, on les tient, on les soutient, mais on ne peut pas avancer sereinement. J’ai sept enfants qui n’ont pas encore eu le COVID, je me dis que d’ici les vacances de février ils vont l’attraper, et après les vacances on pourra peut-être avancer sur le programme », raconte l’enseignante. Corinne est venue avec une affiche qu’elle porte sur elle : « Épuisée de toujours faire toujours plus avec moins ». « Ça fait 30 ans que je suis enseignante, je n’ai jamais vu ça. C’est inhumain, je me sens maltraitée. Ça va faire deux ans que c’est devenu insupportable, même si c’était déjà dur avant. Il y a des jours quand j’arrive chez moi, je m’écroule sur mon canapé et je me demande si je vais tenir encore longtemps à ce rythme-là. J’en ai ras le bol. On est dans une véritable détresse et on est tout seul. On en a assez. On ne nous entend pas. Ça fait la deuxième grève que je fais, on crie, mais on ne nous entend pas ».
À côté d’elle, se trouve Alice, elle aussi est enseignante pour des CM1 dans une école rurale. Elle compte les mois avant la fin de l’année. « On est qu'au mois de janvier… Ce sont nos élèves qui sont nos moteurs. Mais on est obligés de mettre de côté la pédagogie parce qu’on passe notre temps à la porte pour laisser les élèves à leur parent pour qu’ils soient testés. On n’est jamais dans notre classe. On est entre le marteau et l’enclume ». D’un côté, il y a les protocoles sanitaires et de l’autre, les parents. Les chefs d’établissement et les enseignants font de plus en plus face à l’agressivité des parents d’élèves, eux aussi perdus.
On n’est pas rémunérés à la hauteur de notre travail, du coup, c’est normal que l’on n’arrive pas à recruter non plus.
Karine, enseignante
Un peu plus loin dans la mobilisation, deux enseignantes attendent le départ de la manifestation. L’une d’elles s’appelle Karine, elle est enseignante dans le primaire depuis 19 ans. « Je suis simplement enseignante adjointe, j’ai une licence, un concours catégorie A, j’ai un équivalent bac + 5 et je gagne 2 100 euros par mois. Je ne suis pas rémunérée à la hauteur des études que j’ai faite, du concours que j’ai passé, du temps que je passe avec ma classe et à m’occuper des élèves en difficulté, et pour la gestion de tout le reste. On n’est pas rémunérés à la hauteur de notre travail, du coup, c’est normal que l’on n’arrive pas à recruter non plus. Je pense qu’une revalorisation de 350 euros pour les enseignants quel que soit leur échelon, ça ne serait pas du luxe », s’emporte l’enseignante.
Il y a des élèves qui se retrouvent sans professeurs.
Myriam, professeure d'enseignement scientifique
Parmi les manifestants, se trouvent aussi des professeurs du second degré qui déplorent le manque de moyens dans les établissements. Elise et Myriam sont professeures d’Histoire géographie pour l'une, et d’enseignement scientifique pour l'autre, dans un lycée à Cournon-d’Auvergne. « Les classes sont de plus en plus surchargées, commence Myriam. Par exemple, ils ont rajouté un élève dans une classe du coup, il y a un élève qui n’a pas sa paillasse pour les travaux pratiques de sciences, il y a forcément un élève mis de côté et on est obligés de tourner ».
« Depuis les années 2000, il y a eu une perte de salaires entre 15 et 20 % d’après les chiffres du Sénat, continue Elise. Ça devient pesant surtout pour les professeurs en début de carrière qui se retrouvent à faire des semaines de 45 à 50 heures. Quand on démarre dans la profession, on doit beaucoup plus travailler, mais avec un salaire qui n’est pas suffisant pour pouvoir gérer sa vie quotidienne avec un temps de travail aussi élevé ». Des salaires bloqués, des classes surchargées, un manque de moyens dans les établissements scolaires, les deux professeures se sentent démunies et ce n’est pas sans conséquences sur les élèves, selon elles. « Là, il y a les épreuves anticipées du baccalauréat, donc on est en train de se dépêcher pour faire le programme, évoque Myriam. Les élèves sont stressés. Il y a des professeurs qui ne sont pas remplacés. Des professeurs qui sont partis et qui ont été remplacés par des contractuels qui n’avaient pas été très bien formés du coup, ils ont baissé les bras. Il y a des élèves qui se retrouvent sans professeur. On essaye de les rassurer, en leur disant qu’on sera bienveillant, mais ils se rendent bien compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas ».
On a été les oubliés de la crise.
Nelly, salariée dans une crèche associative
Tous ont déambulé dans les rues de Clermont-Ferrand et veulent faire entendre leur désespoir face à cette crise sanitaire qu’ils doivent gérer au quotidien.