Rentrée littéraire. « Avec "Seule en sa demeure", je n’ai jamais connu un démarrage comme celui-là» confie Cécile Coulon

Cécile Coulon, qui vit à Clermont-Ferrand, vient de publier « Seule en sa demeure », son huitième roman. Elle est l’un des stars de la rentrée littéraire 2021. Malgré tout, elle garde les pieds sur terre et nous livre quelques secrets sur l’écriture de ce roman.

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Un démarrage vertigineux. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier les ventes de « Seule en sa demeure », le huitième roman signé par Cécile Coulon. Les chiffres ne sont pas encore officiels mais la romancière qui vit à Clermont-Ferrand figure parmi les meilleurs classements de la rentrée littéraire 2021, alors que le livre n’est sorti que le 19 août aux éditions de l’Iconoclaste.

Le sentiment d'être utile

Très attendue, après le succès d’ « Une bête au paradis », couronné du prix littéraire du Monde, la jeune auteure de 31 ans confie : « Il y a une espèce de double sentiment. On a l’impression d’avoir beaucoup donné avec « Une bête au paradis » et que ça a porté ses fruits. Ce texte-là a trouvé beaucoup de lecteurs et de lectrices qui attendent le suivant. C’est un sentiment très fort pour moi, non pas de réussite, mais de dire que ce que je fais sert à quelque chose. C’est se sentir utile dans la vie culturelle des gens et se sentir à sa place. Cela ne signifie pas que je me sens à ma place en étant très attendue. Je me dis que ce que je fais parle aux gens et ils veulent que je continue à leur parler. J’aime cette sensation. Le deuxième sentiment est plus un grand questionnement. Quand quelqu’un a aimé un livre comme « Une bête au paradis », il y a le nouveau qui arrive, qui ne parle pas du même sujet, qui ne parle pas du même lieu et qui n’est pas axé sur la même histoire. Que se passe-t-il si les gens sont déçus ? Et il y en aura, c’est sûr. Heureusement. Il y a donc ces deux sentiments, de grande joie et de questionnement qui font que je suis assez en alerte sur comment ça va se passer. En même temps, les retours sont bons pour l’instant. Le début est dingue : je n’ai jamais connu un démarrage comme celui-là. C’est fou. Je suis montée à Paris pour établir le plan médiatique. J’ai les chiffres sous les yeux. Si on m’avait dit cela il y a cinq ou dix ans, j’aurais dit que ce n’est pas possible. C’est en train d’arriver mais il y a tellement cette interrogation de savoir comment ça va être pris, de ne pas vouloir décevoir trop de gens, et cette occupation à assurer la promotion que je n’ai pas le temps de penser à quel point je suis heureuse ».

Un confinement propice à la création

L’auteure nous plonge dans les affres d’un mariage arrangé au XIXe. Aimée devient la femme de Candre Marchère mais elle ne sait pas dans quel piège elle va tomber. La demeure est hantée par le fantôme d’Aleth, la première épouse de Candre. Un roman haletant qui devrait plaire. Nous avions quitté Cécile Coulon en plein confinement l’an dernier. 


Cette période a été riche sur le plan de la création : « J’ai écrit la grande majorité de ce livre pendant le premier confinement. J’ai laissé passer les deux premières semaines, qui étaient un peu sidérantes, comme pour beaucoup de gens. Je me suis posée la question de ce que j’allais faire et j’en ai profité pour prendre un peu d’avance. Je pense que cela a un peu changé la narration que j’avais prévue. J’ai eu plus de temps pour écrire, je me suis posée plus de questions. J’étais davantage à mon bureau, chez moi. On parle quand même dans le bouquin de l’histoire d’une femme qui est enfermée dans le domaine de son mari. Elle n’est pas confinée mais ce sentiment de devoir rester dans des limites établies par quelqu’un d’autre que soi m’a parlé. Il y a eu un alignement malheureux des planètes et je pense que cela m’a aidée, d’une certaine manière, à écrire ».

Le décor du Jura

Le récit se passe dans le Jura. Comme dans tous ses romans, Cécile Coulon prend un malin plaisir à planter le décor, décrire les lieux. Elle explique : « Je ne sais pas écrire un roman autrement qu’en commençant par un lieu qui est très important, qui est magique et mystérieux. Je n’ai jamais su écrire autrement parce que, dans ma vie, j’ai une capacité d’émotion à travers les lieux, souvent naturels, et je transpose cette émotion véritable et quotidienne dans l’écriture de fiction. Avant d’être avec les autres, dans une pièce avec des gens, je suis d’abord dans une pièce. Je vois les choses comme cela et ça ne signifie pas que je n’accorde pas d’importance aux gens qui m’entourent. C’est simplement que j’ai besoin de comprendre, de voir, de reconnaître l’endroit où je me trouve. Je fais pareil en écriture ».

Après « Une bête au paradis » qui prenait place sur mes terres familiales, il a fallu que je me délocalise. Il fallait que je sorte de cet endroit-là car j’en avais beaucoup parlé

La romancière raconte comment elle a décidé de faire évoluer son héroïne, Aimée, dans cet univers : « Il y a quelques années, sept ans environ, je suis allée participer à un festival à Besançon, « Les petites fugues ». Il est itinérant. J’ai passé beaucoup de temps en voiture, dans le Jura. De nuit, je traverse les anciennes mines de sel d'Arc-et-Senans. Je me retrouve dans cet endroit et je me dis : « Mon Dieu, c’est un décor de cinéma et d’écriture ». Cela est resté dans un coin de ma tête pendant des années. Après « Une bête au paradis » qui prenait place sur mes terres familiales, il a fallu que je me délocalise. Il fallait que je sorte de cet endroit-là car j’en avais beaucoup parlé ».

Le choix des prénoms

Aimée, Candre, Henria, Angelin, Emeline, Aleth, la jeune auteure a une nouvelle fois apporté un soin tout particulier au choix des prénoms de ses personnages. Elle avoue qu’elle est fidèle au proverbe latin, « Nomen est omen », « Un nom est un présage » : « Pour tous mes livres, j’accorde une importance folle aux prénoms car c’est la première chose que l’on sait d’un personnage. Je veux que le lecteur, en lisant cette première chose d’un personnage, connaisse en grande partie ce qui l’agite. Quand une jeune femme s’appelle Aimée, elle ne s’appelle pas Emilienne comme dans « Une bête au paradis » ou Blanche. J’aime l’idée qu’avec un prénom on puisse définir quasiment entièrement une âme. Je prends aussi un malin plaisir à trouver des prénoms. J’ai aimé trouvé Candre, Josephe comme prénom féminin, Angelin. Pour les prénoms masculins, je vais souvent regarder les monuments aux morts de la Première guerre mondiale car il y a beaucoup de très beaux prénoms. Pour les prénoms féminins, je vais chercher du côté des anciennes générations, des arrière-grands-parents, des cousins éloignés, pour voir ce que l’on donnait avant 1950. Je trouve que c’est toujours très beau ».

La filiation avec "Rebecca"

Avec cette trame de femme qui vit dans un domaine marqué par le souvenir de la première épouse de son mari, nous ne pouvons pas nous empêcher de voir un lien avec « Rebecca » de Daphné du Maurier, porté à l’écran par Alfred Hitchcock. Cécile Coulon souligne : « Je ne revendique pas cette filiation mais je ne la repousse pas non plus. On a beaucoup parlé de « Rebecca ». Je revendique à fond Hitchcock pour l’atmosphère. Le roman de Daphné du Maurier est incroyable. J’ai eu ce souvenir de lecture en me disant que c’était une super histoire. Mais des livres avec des jeunes femmes qui sont mariées très tôt et qui arrivent dans un domaine, il y en a beaucoup : toute la littérature classique française ou anglaise en parle. On peut penser à « Une vie » de Maupassant, « Un cœur simple » de Flaubert…Là où cela rejoint Daphné du Maurier c’est peut-être dans cette atmosphère qui touche à l’angoisse. Mais j’essaie de bien souligner que cette histoire n’a rien à voir avec celle de mon livre. Je trouve que c’est une belle filiation. Je ne la revendique pas parce que cela n’a pas été voulu. En revanche, je l’accepte sans problème ».

Faire des choix

La Clermontoise, adepte de la course à pied, commence un long marathon médiatique. Mais elle a dû définir des priorités : « Il faut que je fasse des choix, ce qui est une partie difficile. Pour les mois à venir le choix va être porté sur le roman. A partir de début septembre, j’ai une chronique bimensuelle le dimanche sur France Inter. Ca va me prendre pas mal de temps. J’ai essayé d’angler sur l’écriture de romans. La poésie est aussi très présente sur les réseaux sociaux. Il y a beaucoup de choses que j’ai un peu lâchées pour pouvoir être concentrée ». Elle va ensuite entamer un tour de France des librairies, à la rencontre de ses fans, qui va la mener jusqu’à la fin de l’hiver. Mais elle n’en oublie pas pour autant Clermont-Ferrand : « Ce lien est si fort car avec tout ce qui passe, se dire que son nid ne va pas être trop ébranlé et ne va pas être trop secoué car il est éloigné de l’endroit où ces choses-là se passent est d’un grand réconfort. C’est aussi une grande bienveillance. Parfois quand je suis chez moi, à Clermont-Ferrand, je suis plus dans l’intime que chez les autres, par mes livres. Je pense que j’ai besoin de cet endroit. C’est comme lorsqu’on branche son téléphone à sa batterie, moi je me branche à Clermont-Ferrand ». Avec « Seule en sa demeure », nul doute que vous entendrez parler de Cécile Coulon dans les jours à venir. Elle fait d’ailleurs ce mois-ci la une du magazine Causette avec Amandine Gay.

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