Humeur, stimulation, mémoire, immunité…La lumière a de nombreux effets positifs sur notre santé. A l’occasion du passage à l’heure d’été ce dimanche 26 mars, une neurologue et somnologue du CHU de Clermont-Ferrand nous dit tout des bienfaits de la lumière.
Préparez vos montres ! Nous passerons à l’heure d’été ce dimanche 26 mars. A deux heures du matin, il sera alors trois heures. Ce changement d’heure permettra de s’exposer davantage à la lumière naturelle et de profiter encore plus de ses bienfaits. Et ils sont nombreux, comme nous l'explique cette spécialiste du CHU de Clermont-Ferrand.
Le Pr Maria-Livia Fantini est professeur des universités, responsable du centre du sommeil, neurologue et somnologue. Elle détaille le rôle capital de la lumière sur notre organisme : « La lumière est essentielle car elle est le facteur le plus puissant de la synchronisation de notre propre horloge interne avec l’horloge solaire. C’est la base de notre bon fonctionnement et de notre bien-être. En revanche, les effets de la lumière, notamment sur le sommeil, dépendent de l’heure à laquelle on s’expose. Il faut qu’on soit le plus possible aligné avec le rythme naturel de la lumière/obscurité. Toutes nos fonctions biologiques ont ce rythme circadien. Un mauvais alignement est associé à des risques pour la santé ». Le rythme circadien est un rythme biologique dont la période est voisine de 24 heures.
Un rôle synchroniseur
La lumière présente un effet chronobiologique : « La lumière est le principal synchroniseur de notre rythme endogène. Notre organisme a un rythme endogène légèrement plus long de 24 heures, presque 25 heures. On est tout le temps ramenés au rythme du soleil par la lumière, via des circuits qui passent par la rétine et l’hypothalamus. Si vous mettez un individu dans une grotte, en l’absence de lumière, il se décale progressivement. La lumière est essentielle pour nous réaligner ».
Un effet régulateur d'humeur
La lumière joue aussi un rôle sur notre état d’esprit. Le Pr Maria-Livia Fantini souligne : « La lumière a un effet sur l’humeur. Certains sujets ont une tendance à la dépression saisonnière due à la baisse de lumière entre novembre et février. Mais même dans le cas d’une dépression sans rapport avec les saisons, la luminothérapie est bénéfique en complément avec les médicaments. En effet, l’utilisation de lampes de luminothérapie a pour principales indications le trouble du rythme circadien et la dépression ».
La lumière source d'énergie
Mais ce n’est pas tout : la lumière a un effet stimulant : « Elle bloque la sécrétion de mélatonine, l’hormone qui nous aide à dormir. Elle est sécrétée à partir du coucher du soleil. C’est l’hormone du noir. Elle commence à être produite dès que la lumière baisse. Si on allume une lumière, pendant la nuit, au bout de quelques minutes, il y a un blocage de la sécrétion de mélatonine. C’est pourquoi il est important que la lumière soit administrée à des moments précis. Il faut que l’on soit stimulé le matin, pour arrêter la sécrétion de mélatonine et être bien réveillés. En revanche, si on s’expose le soir, cela va interférer avec la sécrétion de mélatonine, retarder notre endormissement et perturber notre sommeil. Les effets de la lumière sur le sommeil dépendent de l’heure à laquelle on s’expose ».
La mémoire et l'immunité indirectement touchées
La lumière constitue un stimulant puissant pour l’éveil et la cognition et pourrait améliorer la mémoire et l’apprentissage selon certaines recherches. Il y aurait également un effet différent selon la couleur de la lumière. Les mécanismes qui sous-tendent ces effets positifs de la lumière ne sont que très peu connus. Par un effet indirect, la clarté aussi joue sur notre mémoire : « Indirectement, si on est bien aligné et qu’on dort bien, cela agit sur la mémoire ». La lumière joue aussi sur notre immunité : « La lumière pourrait avoir un effet stimulant direct sur le système immunitaire, certaines recherches le montrent, mais il est vrai qu’ avec une amélioration de l’humeur et du sommeil, le système immunitaire est renforcé. Bien dormir accroît l’efficacité de nos défenses immunitaires ».
Synthétiser la vitamine D
Sous l'effet de la lumière, en particulier les rayons UVB, les cellules de la peau synthétisent la vitamine D qui nous sert entre autres à fixer le calcium dans les os. "Mais une exposition au soleil de 15 min par jour serait suffisante pour la vitamine D, car il ne faut pas non plus exagérer avec les rayons UV" rappelle la professeure.
De nombreux risques en cas de désalignement
Le Pr Maria-Livia Fantini évoque les dangers qui nous guettent si notre rythme n’est pas bien aligné : « Si votre rythme circadien est décalé par rapport au cycle lumière/obscurité, le sommeil est plus court et moins réparateur et il y a plein de conséquences néfastes. Il y a des risques de maladies cardio-vasculaires, des risques cancéreux, des risques de baisse de fertilité. Il y a aussi des risques métaboliques, de diabète par exemple, des risques psychiatriques, avec des troubles, la dépression ».
Le concept de jetlag social
Elle évoque le phénomène de jetlag social : "C’est un concept qui a émergé il y a une dizaine d’années. Il évoque l’écart qu’il y a entre les horaires de sommeil dans la semaine et les horaires de sommeil durant le week-end. Lorsque l’écart est grand, cela signifie que l’horloge biologique et les rythmes de vie ne sont plus en adéquation. Une grande partie de la population a aujourd’hui ce problème de jetlag social et il y a des risques de problème de santé. Ce phénomène est aussi associé à une probabilité plus grande d’être fumeur, de boire de la caféine et de l’alcool". Dans notre monde moderne, nous sommes malheureusement moins exposés à la lumière naturelle. La neurologue pointe du doigt certains dangers : « Dans les sociétés industrialisées, on travaille plus à l’intérieur, on est moins exposé à la lumière naturelle. On subit une moindre influence de la lumière. Or c’est un synchroniseur. On est moins strictement calé avec notre environnement naturel. La lumière est moins puissante pour nous synchroniser et on est décalé. Il peut donc y avoir des conséquences sur l’humeur et sur le sommeil ».
Les conséquences du changement d'heure
La professeure détaille les effets du changement d’heure sur notre organisme : « On va changer d’heure et on met nos montres une heure plus tard. Cela signifie qu’on aura une heure de moins de sommeil. Notre rythme étant d’un peu plus de 24 heures, il est facile de se coucher une heure plus tard mais il est quasi impossible d’avancer l’heure du coucher. Dans la première semaine qui suit, on a une dette de sommeil. Plusieurs études ont montré que dans la semaine du changement d’horaire, il y a une augmentation d’accidents de la route, d’infarctus, d’AVC et de problèmes psychiatriques. Ce changement impacte un peu plus les personnes qui sont déjà décalées mais aussi, c’est le cas des adolescents car ils ont tendance à aller se coucher plus tard et à se lever plus tard. Pour eux, cela va être encore plus difficile. Pour les personnes âgées qui sont couche-tôt, c’est le changement d’heure en hiver qui est le plus compliqué. Cela oblige l’organisme à faire des efforts supplémentaires ».
Des conseils à suivre
Elle donne quelques recommandations pour vivre sereinement ce changement d’heure du printemps : « Pour ce changement qui arrive, on conseille d’avancer idéalement notre horaire de coucher et notre horaire de réveil. On recommande d’avancer chaque jour d’un quart d’heure pour que l’organisme s’adapte, pour être moins privé de sommeil entre dimanche et lundi ».
En mars 2019, les eurodéputés ont voté la suppression du changement d’heure saisonnier. Mais la fin du changement d’heure a été ajournée en raison de la crise sanitaire du COVID. Tous les acteurs ne sont pas d’accord sur l’horaire qu’il faudrait adopter en cas de fin du système.