Son objectif au Sommet de l’Elevage de Clermont-Ferrand : vendre des fermes "clés en main" en Irak

Au Sommet de l’Elevage de Clermont-Ferrand, les délégations internationales sont de retour, malgré la crise sanitaire. Parmi elles, des émissaires venus d’Irak venus faire des affaires.

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Derrière l’un des plus grands rendez-vous agricoles d’Europe se cache un immense supermarché de l’agriculture. Un carrefour d’affaires international. Lors de la dernière édition, en 2019, plus de 5 000 visiteurs étrangers de 90 pays différents étaient venus y faire leur course. Et cette année malgré les conditions restrictives liées à la pandémie, des délégations d’Afrique, d’Amérique du Sud et du Moyen-Orient ont fait le déplacement. Parmi elles, des émissaires irakiens, pas vraiment venus pour faire du tourisme en Auvergne. Loin de là.

L’alimentation en Irak ? A 80%  issue de l’importation 

« Ils sont infernaux ! Mais ils sont passés où là ? Ils n’écoutent rien ! » Au beau milieu de Jersiaises assoupies, un homme soliloque, en tournant sur lui-même. Il est devenu une tête chercheuse tel un berger qui aurait perdu des brebis égarées. Il tente de remettre la main sur Othman, Karim, Omar et les autres noyés dans la foule. Six « envoyés spéciaux » tout droit venus de Souleimaniye, 5ème ville d’Irak, au nord-est du pays, à la frontière de l’Iran. Une ville kurde du Kurdistan irakien. A dire vrai, Patrick Cheucle est bien plus qu’un guide. Originaire de Bas-en-Basset (Haute-Loire), ce chef d’entreprise s’est installé il y a environ dix ans dans cette région de l’Irak. Tout en cherchant du regard ses « invités », il raconte : « J’ai ouvert une société dans la ville de Dohuk exactement, au nord de Mossoul, en 2012. Avec mes associés, on vend des poulets et des poules pondeuses. En Irak, tout est à reconstruire. Le pays a été dévasté et il est devenu complètement dépendant des pays voisins comme la Turquie ou l’Iran. Le premier lui vend des produits dégueulasses et le second des produits à bas prix pour casser le marché national. Rendez-vous compte, dans ce pays, 80% de l’alimentation est issue des importations ! ».
 

 

On voudrait des exploitations de 1000 à 2000 vaches 

Alors pour sortir de cette ultra-dépendance, le pays fait du secteur agricole sa principale cible. « Vous imaginez, en Irak, la seule laiterie est détenue par Danone » poursuit Patrick. « Ce qui ne serait pas un problème en soi s’il n’en sortait pas de ces usines que de la poudre de lait. Pour moi, l’objectif est donc clair : vendre des projets d’élevage laitier clés en main. Cela veut dire des animaux, de la technique, du savoir-faire et même des hommes pour gérer les exploitations car ce n’est pas vraiment le métier des investisseurs. Ils ne savent pas s’occuper d’une vache et ça ne les intéresse même pas ». Justement, portable en main, la petite délégation irakienne est de retour d’un…« safari-photo », serait-on tenté d’écrire, tant elle flashe tous azimuts. « This is Normand ! For the milk » l’éclaire l’homme d’affaires. Autour de lui enfin réunis, voilà donc Othman, cancérologue, Omar, ingénieur,  Karim, vétérinaire.


Les trois autres dans leur sillage, découvrent aussi un monde qui leur est totalement inconnu. « Moi, je suis chef du service oncologie à l’hôpital de Souleimaniye » se présente Othman. « Et comme mes collègues ici présents, je travaille aussi pour le compte d’un grand groupe pétrolier irakien. Notre job est de voir avec quels moyens matériels et quels animaux, on peut reconstruire des exploitations agricoles dans notre pays. Ce que l’on voudrait, ce sont des élevages mixtes, race laitière, race à viande, d’une taille de 1000 à 2000 vaches par exploitation ». En quelque sorte, les fameuses fermes-usines tant décriées ici en France.
 

Des projets d’investissements de 30 millions de dollars

La controverse, Patrick Cheucle n’en a cure. Il semble ne pas avoir le temps pour débattre. Il faut dire que sur le marché irakien la concurrence fait rage. Le pire, c’est que la France ne peut pas lutter à armes égales. Le chef d’entreprise explique : « Aujourd’hui, j’oriente ces émissaires vers les races laitières françaises, je leur dis tout le potentiel d’une Montbéliarde, ou d’une Normande tout en sachant que pour le moment je ne peux pas les leur vendre. Pourquoi ?  A cause de l’ESB, la maladie de la vache folle. La France est qualifiée de pays à risque modéré. Donc impossible d’exporter nos bovins en Irak. C’est un drame car pendant ce temps, les Néerlandais ne se gênent pas avec leur Prim’holstein, les Autrichiens avec leur Simmental, et les Brésiliens non plus. Tenez-vous bien, toutes les cinq semaines, le Brésil envoie en Irak plus de 20 000 broutards, sans document, sans contrôle préalable. Et moi, j’ai sous la main des porteurs de projets qui, rien qu’à eux six, pèsent 15 à 30 millions de dollars ! Et pour qui l’argent n’est pas un problème ».


Aussi, le « guide » français n’a pas manqué d’interpeller à ce sujet le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie de passage au Sommet. L’échange entre les deux hommes a laissé entrevoir la levée des blocages pour 2022. D’ici-là, le chef d’entreprise continue de labourer le terrain. Avec ses futurs clients qu’il ne quitte pas des yeux, il fait route pour la Vendée où une visite d’une usine de transformation laitière est au programme. En homme pressé, et soucieux de protéger son bon filon, de peur qu’il lui échappe.
 

 

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