Victime d'homophobie, Gabriel, originaire du Cameroun, a été contraint de quitter son pays. Il a trouvé refuge à Clermont-Ferrand. Demandeur d'asile, il a décidé de raconter son histoire à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre l'homophobie et la transphobie, le 17 mai. 
 

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Il s’appelle Gabriel, il a 22 ans, et il est originaire de Douala au Cameroun et depuis neuf mois, il est en France. À l’âge de 11 ans, il comprend qu’il est homosexuel. Sauf que dans son pays, l’homosexualité est sévèrement punie. Selon l’article 347-1 du code pénal camerounais« Est punie d’un emprisonnement de six (06) mois à cinq (05) ans et d’une amende de vingt mille (20 000) à deux cent mille (200 000) francs, toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe »
 


Après avoir contacté l’association ARA (Association Résolument Autre) basée à Clermont-Ferrand, nous avons été mis en contact avec Gabriel. Il nous raconte son histoire, son parcours semé d’embûches pour pouvoir vivre et vivre son homosexualité en toute liberté. 
 

« J’ai fui une situation qui a failli me coûter la vie »

Question : Pourquoi avez-vous décidé de venir en France ? 
Gabriel : Quand j’ai quitté mon pays, je n’avais pas l’intention de venir en France. Je suis parti parce que j’ai été victime d’homophobie. J’ai fui une situation qui avait failli me coûter la vie : je voulais sauver ma peau, je voulais vivre. 

Question : Vous avez été victime d’homophobie dans votre pays, c’est-à-dire ? 
Gabriel : Tout a commencé à l’âge de 18 ans quand tout s’est su. Il faut savoir qu’on ne devient pas homosexuel, mais on est comme ça. Ce sont des choses que l’on ressent à l’âge de 11-12 ans. Quand j’ai su que c’était ma réalité, je l’ai caché, sachant que je savais comment les personnes comme moi étaient traitées. Pour éviter le regard de tous, il a fallu que je me taise.
J’avais un ami, chez nous, on dit qu’on avait une « copine », avec qui je partageais un peu tout. On était en classe de terminal. Un jour, sa maman nous a surpris chez elle. Elle connaissait ma famille et a donc dévoilé le secret. Et c’est à ce moment que tout a chamboulé.
 
 

« Chez nous, l’homosexualité est considérée comme une malédiction »

Ma famille a commencé à me rejeter. D’autres m’ont traité « d’enfant maudit ». Chez nous, c’est comme une malédiction, l’homosexualité est considérée comme une malédiction. Quand il y a un homosexuel dans une famille, elle veut le bannir. Il est considéré comme le mauvais sort de la famille. Et la famille considère que tu es à l’origine de tous les problèmes. 
Donc même si on doit te tuer, c’est normal. Il faut que l’on s’éloigne automatiquement de toi. 
Ma maman a fait appel à un ami militaire qui est venu avec deux de ses amis. Ils m’ont arrêté et emmené dans une maison abandonnée où ils m’ont attaché et frappé. Ils ont même mis les images sur les réseaux sociaux. 
La famille de ma maman se moquait d’elle, le quartier aussi, elle n’a plus supporté. Même si je lui ai expliqué que je ne pouvais pas changer, c’était naturel, elle n’a pas pu supporter les moqueries, elle s’est donné la mort. 

J’étais devenu comme un animal qu’il fallait chasser

Quand elle s’est suicidée, ça a créé une révolte totale dans la famille. J’étais devenu comme un animal qu’il fallait chasser. 
Un jour, je marchais dans la rue avec un copain, enfin une copine, qui avait des traits féminins très poussés. Cinq jeunes sont arrivés en face de nous et ils ont déduit qu’on était des homosexuels. Ils se sont jetés sur nous et nous ont sauvagement roués de coups. Ils ont pris nos téléphones, l’argent qu’on avait, ils nous ont dépouillés. J’ai cru que c’était la fin de mes jours. 
Dans mon pays, il y a la justice populaire, si quelqu’un qui crie « homo » dans la rue, tout le monde se jette sur vous et commence à vous taper. Ce n’est pas comme ici, la police n’intervient même pas et si la police vient, tu peux être arrêté et mis en prison pour cinq ans. 


Question : Quelles sont les lois concernant l’homosexualité au Cameroun ? 
Gabriel : Dans l’Etat camerounais, l’homosexualité est interdite et passible de deux à cinq ans de prison avec au moins une amende de 200 000 francs CFA (305 euros). 

Question : Comment avez -vous vécu cette situation ? 
Gabriel : Je me suis senti très mal et j’ai vu que mes jours étaient comptés. Il fallait que je fuie vu que mes photos étaient publiées sur les réseaux sociaux. Partout où j’allais, j’étais pointé du doigt, je n’avais plus rien à faire là-bas. 

Question : Vous n’avez plus de nouvelles de votre famille ? 
Gabriel : Non tout est mort. Je recevais des menaces de mort sur Whatsapp. J’avais essayé de contacter mon oncle, qui était comme le chef de famille, il m’a dit qu’ils étaient à ma recherche, du coup, je l’ai bloqué. C’est une page de ma vie qui est tournée maintenant. 


La longue traversée pour la liberté

Dès lors que Gabriel quitte le Cameroun, c'est le début d'un parcours infernal pour lui. 
"J'avais pris la route pour le Nigeria. Nous avons alors été kidnappé à la frontière par le mouvement terroriste djihadiste Boko Haram. Il y avait des hommes, des femmes et des enfants. Ils ont tué des bébés devant nos yeux et ils ont obligé des femmes à se marier avec des soldats. Ils nous ont obligés à combattre à leur côté. Il fallait au début se convertir à l’Islam et après, ils nous ont formés à manipuler les armes lourdes. J'ai réussi à m'enfuir lors d'une mission qu'ils avaient fait contre l'armée camerounaise. Même s'ils nous avaient dit que si on essayait de partir, ils nous tueraient. J'ai tenté le tout pour le tout. Après avoir rejoint le Niger, je me suis rendu à Arlit, le point d’embarquement des migrants pour la traversée du désert. 

Nous étions 19 personnes. Quelques heures après avoir pris la route, un pick-up est arrivé. Les personnes à l'intérieur criaient "Allahu akbar". Ils nous ont kidnappés et enfermés dans une maison. Ils nous ont torturés. Ils ont voulu nous faire appeler nos familles pour demander une rançon, mais je ne pouvais appeler personne. Finalement, les ravisseurs m'ont demandé de travailler pour eux et de surveiller les autres personnes. Je voulais qu'ils me fassent confiance pour avoir la possibilité de m'enfuir. J’avais mes plans en tête. Au bout de trois semaines, un soir, je suis parti dans le désert. Je ne savais pas où j’allais. J’ai alors croisé d’autres personnes avec qui je suis parti. Nous étions neuf et seulement quatre ont survécu dans le désert ». 

Après quatre jours, les forces armées algériennes nous ont emmenés à Oran. Nous avons été pris en charge par la Croix-Rouge. Pendant deux mois, j'ai travaillé sur un chantier pour gagner de l'argent et pour pouvoir partir. Il y avait trop d'insécurité contre les migrants. Je suis allé au Maroc, à la frontière avec l'Espagne, dans la forêt Melilla. J'ai tenté de passer une fois, mais j'ai été arrêté par la police marocaine et torturé. Après, ils m'ont envoyé loin de la frontière." 

J’ai vu le nom de Clermont-Ferrand. Ce nom de ville m’a tellement plu

« Je ne voulais pas essayer de repartir, mais il y avait aussi de l’insécurité au Maroc. L’homosexualité, c’est très interdit là-bas. À Casablanca, j'ai rencontré un passeur par la mer, à qui j'ai donné 2 000 euros. Sur les quarante personnes qui étaient dans l’embarcation, nous étions seulement trois à avoir survécu. C’est finalement un bateau de la Croix-Rouge espagnole qui est venu nous secourir. Nous sommes arrivés en Espagne et avec l’aide d’un ami, je me suis rendu à Bordeaux, puis à Paris, à la gare de Paris-Bercy. J’ai fait deux semaines dans la rue. En regardant une carte de France, j’ai vu le nom de Clermont-Ferrand. Ce nom de ville m’a tellement plu, j’ai donc regardé sur internet. J’ai vu les sites volcaniques et je me suis renseigné sur les Auvergnats ». 

Arrivé à Clermont-Ferrand, il s’inscrit au Forum des réfugiés. Plus tard, il rencontre l’Association Résolument Autre (ARA), qui agit pour les personnes LGBT autour de valeurs, de rencontres, d’activités culturelles et artistiques. 

« L’homosexualité n’est pas une maladie, c’est quelque chose qui est en nous »

Question : Comment voyez-vous les choses aujourd’hui en France par rapport à votre homosexualité ? 
Gabriel : Il n’y a pas de comparaison par rapport au Cameroun. Les gens de l’association ARA vont se réunir à Jaude pour parler de l’homophobie. Au Cameroun, c’est impossible, ça n’existe pas, vous vous faites massacrer. L’Etat camerounais doit comprendre que chacun a sa vie et chacun ne naît pas de la même façon. C’est une loi que l’on doit bannir. 
Même si en France il y a encore des agressions, il faut créer plus d’associations. Le problème, c’est l’ignorance. Il faut sensibiliser les gens par rapport à cette question. L’homosexualité n’est pas une maladie, c’est quelque chose qui est en nous. 
Aujourd’hui, je suis content d’être dans l’association ça me permet de discuter et d’échanger avec des personnes qui sont dans la même situation.
 

Gabriel a débuté les démarches de droit d’asile politique en France afin de pouvoir commencer une nouvelle vie.
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