Les granulés de bois ont le vent en poupe en Auvergne. Les usines n'arrivent pas à suivre. Les clients anticipent les coûts du chauffage pour l'hiver prochain et se ruent sur les pellets. Il devient difficile d'en trouver dans le commerce. Reportage en Haute-Loire et dans le Puy-de-Dôme.
Au téléphone, la déception des clients s’entend à travers le combiné. « Il y a déjà 4 semaines que je n’en ai plus du tout. » Céline Roussel est responsable d’un magasin de produits pour l’agriculture et le jardin à Salzuit en Haute-Loire. « Je n’arrive plus à en avoir chez mon fournisseur. Je pense qu’on m’en donnera à partir de la semaine 37 vers le 12 septembre et nous recommencerons les livraisons à ce moment-là. » Céline Roussel hausse les sourcils et prend un air gêné.
Chaque jour, elle reçoit des dizaines d’appels pour des commandes de granulés de bois. Impossible de les satisfaire pour le moment. « La demande a énormément augmenté cette année due aux installations de poêles à granulés de bois qui ont explosé parce que l’Etat les a beaucoup aidées. Pour moi, les commandes ont été multipliées par trois. »
16 semi-remorques
L’augmentation des coûts de l’énergie –électricité, gaz, fioul- a précipité les Français vers ce mode de chauffage encore abordable.
Les incertitudes du moment ont créé un mouvement de panique en ce début d'été alors que l'afflux de commande surgit plutôt en septembre. « Les médias ont parlé assez tôt qu’il y aurait une pénurie », explique-t-elle. « Les gens se sont jetés sur leur téléphone pour passer commande. Nous avons limité à deux palettes par foyer. Certaines personnes voulaient en commander 6-8 pour stocker pour plusieurs années. »
En un mois et demi, Céline Roussel a vendu 16 semi-remorques de sacs de pellets. Habituellement, avec 13 semi-remorques, elle tient une année complète.
Effet d'engorgement
A Arlanc dans le Puy-de-Dôme, l’entreprise SGA est dans le même dénuement. « Voici notre espace de stockage. D’habitude, nous stockons les palettes sur 3 niveaux, l’entrepôt est plein, nous devrions en avoir 4000 tonnes, aujourd’hui il ne nous en reste que 400. » Raphaëlle Robert, la commerciale de ce fabricant de pellets, fait face à une seule rangée de palettes, sagement posées à même le sol.
« Il n’y a pas de pénurie », indique-t-elle. « C’est surtout un effet d’engorgement. Les gens ont acheté beaucoup plus que les années précédentes. » Raphaëlle Robert se veut rassurante. « La filière est résiliente et met beaucoup de choses en place pour face à cette demande. Dans les années à venir, il n’y aura pas de difficultés. »
Un an d'avance
Cette usine a d’ailleurs décidé de tourner jusqu’au dernier moment avant sa mise en arrêt pour maintenance qui était prévue fin août. Elle produit plus de trois tonnes de granulés par heure, 24h sur 24. Sept jours sur sept. Elle s’apprête même à augmenter sa capacité de 30%. Avec un an d’avance sur le calendrier prévu. L’explosion du marché l’a poussé à revoir ses équipements.
Vincent Canton, responsable de production chez SGA, s’avance vers une machine enfouie sous une bâche noire. « Voilà notre nouvelle presse qui est arrivée il y a quelques jours avec un an d’avance pour pallier le manque de granulés. Notre direction a fait le choix d’avancer l’investissement et d’installer cette nouvelle machine qui va pouvoir produire 10.000 tonnes de granulés dès l’année prochaine. »
Plus cher
Mais le consommateur devra s’attendre à payer son pellet bien plus cher que ce à quoi il était habitué jusqu’ici. En un an, le prix des granulés a été multiplié par deux. « En juillet, la palette coûtait 380 euros », annonce Céline Roussel, la responsable du magasin de Salzuit. « Aujourd’hui, je n’ai plus de prix et je m’attends à ce que la palette coûte entre 550 et 600 euros pour les prochaines commandes. »
Les fabricants comme l’entreprise SGA ont dû faire face à une augmentation conséquente du prix de leurs matières premières. Ils n’ont plus aussi la possibilité d’importer des pellets. Un tiers des granulés de bois vendus en France jusqu’ici était produit à l’étranger. Mais au-delà de nos frontières, la demande a aussi explosé.