Niché à 1 200 mètres d’altitude, près de Besse dans le Puy-de-Dôme, le lac Pavin attire de nombreux visiteurs. Mais connaissez-vous les nombreux mystères qui l’entourent ?
Situé à mi-chemin des communes de Besse et de Super Besse dans le Puy-de-Dôme, le lac Pavin n’en finit pas d’attirer les visiteurs. C’est l’une des destinations fétiches des Clermontois à la recherche d’un peu de fraîcheur l’été. Cet écrin de nature à l’état brut conserve une grande part de mystère. Il a nourri l’imaginaire des habitants de la région. Certains disent qu’il a d’abord intrigué avant d’intéresser les chercheurs. C’est un lac sur lequel il y a eu des centaines de publication scientifiques dans des revues internationales, des dizaines de thèses soutenues, de nombreux programmes de recherche.
Un lac unique en France métropolitaine
Mais s’il intrigue tant c’est d’abord parce que le lac Pavin est un lac méromictique, c’est-à-dire fait de deux couches d’eaux différentes et superposées. Christian Amblard est directeur de recherches honoraire au CNRS et vice-président du CSRPN Auvergne-Rhône-Alpes (Conseil scientifique régional du patrimoine naturel). Il connaît le lac par cœur. Il explique : « C’est le seul lac de ce type en France métropolitaine. Tout vient de sa formation. C’est un lac qui a une origine volcanique. On dit que c’est un lac de cratère d’explosion. Ces lacs de ce type sont généralement circulaires, profonds, le lac Pavin fait 92 mètres de profondeur, mais ces lacs ont une faible superficie. Le Pavin fait 750 mètres de diamètre. Lorsqu’un lac est très profond et qu’il a une faible superficie, il a une pente très forte. C’est cette forme qui fait la spécificité de ce lac. Il y a dans les lacs ce que l’on appelle le brassage des eaux. Tous les ans, dans les lacs, en fonction de la température et de la prise au vent, les eaux se brassent. Les eaux de surface plongent en profondeur et inversement les eaux profondes vont remonter. Alors que dans la plupart des lacs, ce brassage des eaux va jusqu’au fond, au lac Pavin, ce brassage ne va pas jusqu’au fond. Il est divisé en deux grandes zones. Il y a une zone de la surface à 60 mètres, le mixolimnion, une zone mixée, brassée et oxygénée. La zone entre 60 et 92 mètres ne va jamais être oxygénée. C’est à peu près la même couche d’eau depuis que le lac a été créé, depuis un peu plus de 6 000 ans. Comme il n’y a pas de lumière, pas d’oxygène, comme la température est stable, il y a un milieu tout à fait original. C’est cela qui caractérise ce lac, cette couche de fond qui n’est pas brassée et que l’on appelle le monimolimnion ».Une vie microbienne riche
C’est cette couche profonde qui fait sa particularité. « Cette couche n’a pas de lumière, pas d’oxygène, beaucoup de composés chimiques comme de l’hydrogène sulfuré, du méthane. La température y est à peu près stable, entre 4 et 5 degrés. Ce sont des conditions extrêmes de vie. Et pourtant, il y a une vie microbienne extrêmement riche et abondante. Dans ce milieu on trouve en moyenne 1 million de micro-organismes par millilitre. Ce sont des communautés très diversifiées. Les trois-quarts des espèces décrites par notre laboratoire n’avaient encore jamais été décrites dans le monde » explique le scientifique. Cette vie très riche fascine les chercheurs. Son étude les ramène jusqu’aux origines de la vie. Chrisitian Amblard précise : « On peut se dire que les micro-organismes ont dû développer des métabolismes et des stratégies de vie originaux. Ca nous a permis d’aller dans deux directions. Une direction pour chercher à avoir des applications en biotechnologie. Une société innovante s’est montée pour utiliser ces assemblages de micro-organismes afin de faire des travaux en cosmétique, en dégradation de déchets non alimentaires. La seconde voie est que l’on s’est dit que les caractéristiques du fond du lac ressemblent aux caractéristiques de la soupe primitive de l’océan d’où a jailli la vie. Il y a des études pour comprendre les premières étapes de l’évolution du vivant » confie Christian Amblard. La soupe primitive est un mélange physico-chimique décrit et étudié par les scientifiques qui cherchent à comprendre, modéliser ou reproduire les origines de la vie sur Terre.
De nombreuses légendes
Marie Léger est chargée de mission patrimoine à la mairie de Besse. Elle est elle aussi fascinée par le lac Pavin. Plusieurs légendes sont liées à sa caractéristique méromictique. Elle souligne : « Le scientifique Michel Meybeck a travaillé sur le sujet. Il a vu une différenciation entre les légendes. Au départ il y a des légendes anciennes qui disent que c’est un lac sans fond, un lac dépourvu de poissons. On va dire que lorsqu’on jette une pierre dans le lac, on va avoir une tempête et des éclairs. On retrouve ces légendes dans d’autres lacs méromictiques. C’est lié au fait qu’un lac méromicitique puisse dégazer. Tous les gaz qui sont emprisonnés, s’il y a une instabilité, les eaux vont se mélanger et tous les gaz qui sont au fond vont remonter. Il n’y aura plus d’oxygène. Au Cameroun en 1986, un lac a dégazé et tous les gens qui étaient dans la vallée sont morts. C’est pour cela qu’à partir des années 90 on va recenser tous les lacs méromictiques. Au lac Pavin, jusqu’au XIXe siècle, il n’avait que de tout petits poissons. En 1859, des poissons sont introduits dans le lac ».La légende de la cité engloutie
Au fil des années, des légendes vont circuler sur le lac Pavin. Voici les principales, comme l’indique Marie Léger : « Parmi les légendes, il y a la pierre que l’on jette et qui provoque un déchaînement d’éclairs, un brouillard épais. Au XIXe siècle on va avoir d’autres légendes qui sont liées au tourisme. Besse devient une station de cure d’air et d’altitude. Les gens viennent dans les grands hôtels. Ils se baladent autour du lac Pavin. Par opposition à Clermont-Ferrand qui est plutôt dans une cuvette, on va en altitude pour y trouver un air sain. A Besse il n’y a pas de cure, contrairement au Mont-Dore et à La Bourboule. On y accueille des gens sains, qui viennent s’oxygéner. Au Pavin, on va créer de nouvelles légendes. Il y avait des pierres, des anciennes meules qui dataient de l’époque antique et qui étaient au bord du lac. On va emmener les gens en barque, au-dessus de ces meules et on va leur dit que ce sont les vestiges de l’ancienne Besse. On va créer la légende de la cité engloutie, dire que Besse était une ville pervertie par ses habitants. Dieu dans sa colère a fracassé le sol et la ville a été engloutie ».Marie Léger rappelle une autre histoire fantastique attribuée au lac : « Il y a aussi des blocs rocheux qui ressemblent à une chaise. On va l’appeler la chaise du diable. On va dire que Dieu et le diable se sont opposés pour conquérir le cœur d’une fille de Besse. Le diable a perdu, s’est assis sur cette chaise et c’est là que s’est rempli le cratère du lac Pavin ». Elle ajoute : « On ne sait pas encore actuellement si le lac a dégazé. N’aurait-il pas dégazé en 600 et en 1 300 ? On se pose la question. Derrière il y a une oralité qui se véhicule de famille en famille, de génération en génération, car il y a toujours une peur associée au Pavin ».