Depuis 4 ans, des associations caritatives du Puy-de-Dôme reçoivent un coup de main inattendu. Des collectes de dons sont organisées tout au long de l'année par...des détenus de la prison de Riom. Entre les murs, toute une logistique s'est mise en place pour récolter shampooings, savons, crèmes à raser.
La dernière livraison est récente. Sur les étagères, beaucoup de cartons sont encore vides. Il n’y a que les crèmes à raser, les crèmes à récurer ou les sauces salades qui s’empilent en nombre. Mais d’ici Noël, pour la venue du Secours catholique, le petit local au rez-de-chaussée du bâtiment MA1 de la maison d’arrêt de Riom débordera de produits d’hygiène, d’entretien mais aussi de lait en poudre ! Dans un carton tout en haut de l’étagère, dépassent même quelques vêtements. Quatre fois par an, des associations caritatives comme les Restos du Cœur ou la Croix rouge les récupèrent pour leurs bénéficiaires.
« Cette collecte est née de l’initiative de personnes détenues qui se sont rendu compte qu’il y avait des produits, pourtant neufs, qui étaient jetés et qui pouvaient servir à d’autres : soit aux détenus indigents, c’est-à-dire qui n’avaient pas de ressources. Soit aux associations à l’extérieur qui avaient besoin de produits de ce type-là. » Celui qui parle détaille l’opération avec minutie et maîtrise. Un grand gaillard au calme olympien. Le chef de la collecte à qui les surveillants pénitentiaires accordent une entière confiance. Un détenu condamné à une lourde peine mais qui, au sein de la prison, a pris en charge le fonctionnement de cette banque solidaire. Avec une grande efficacité. Pour avoir les informations de l’opération, il suffit de se référer aux documents fournis particulièrement détaillés. « C’est un détenu qui vient d’être libéré qui a fait l’infographie », précise cet homme à l’esprit organisé. Nous l’appellerons Serge.
À Riom, la banque solidaire est une affaire prise très au sérieux. Au premier étage du bâtiment, les cellules s’alignent le long d’un large couloir. Les détenus vont et viennent. Se rassemblent pour taper la discute. C’est la particularité de ce bâtiment à Riom. S’ils sont respectueux et calmes, les détenus ne sont enfermés que la nuit et peuvent se déplacer dans le bâtiment à leur guise en journée. Donc, il y en a du monde qui passe en permanence dans le hall qui relie l’escalier au couloir. Sur le mur, les résultats sont affichés en gros: le compteur de dons proclame le chiffre magistral de « 150615 ». La collecte depuis le démarrage de la banque solidaire en 2018/2019. Chapeau.
« Chaque semaine, un détenu référent à chaque étage de chaque bâtiment effectue la collecte », continue Serge. Au total, cela fait près de 10 000 dons par trimestre.
La clé s’enfonce dans la serrure. Il faut ensuite actionner un petit loquet métallique. La porte s’ouvre. Kenny donne lui-même accès à sa cellule. La douche à gauche puis une toute petite kitchenette avec frigo et plaque de cuisson puis une télé trop grande pour le petit bureau. Kenny vient de faire le ménage. Son univers est restreint mais ordonné. Sous l’évier, c’est là qu’il stocke les tubes de shampooings, les savonnettes ou les sacs-poubelles qu’il ne va pas utiliser. « La prison nous en donne une bonne quantité. En soi, ce sont des produits dont nous avons besoin tous les jours mais j’en achète d’autres de meilleure qualité même si ceux-ci font bien l’affaire pour ceux qui n’ont pas les moyens d’en acheter d’autres. »
Ce détenu à la silhouette élancée n’a plus qu’à déposer les flacons dans des bacs entreposés au même étage. « C’est important pour moi de partager avec tout le monde », confie Kenny qui ne boude nullement les shampooings fournis gratuitement par un quelconque esprit de contradiction ou de fierté mal placée. Le jeune homme se fait un point d’honneur de garder quelques habitudes de sa vie d’avant la prison comme l’utilisation de ses produits d’hygiène favoris. Il les achète à ce qu'on appelle en prison la "cantine". « J’essaye de les garder car c’est comme un effet d’ancrage par rapport à la liberté que j’avais dehors. »
Travail de réinsertion
Et pour l’administration pénitentiaire, cette collecte solidaire est un parfait travail de réinsertion. Les initiatives se multiplient, d’ailleurs, pour sensibiliser les détenus aux enjeux de la société. « Cette initiative prépare les détenus à ce qu’ils vont trouver à la sortie », explique le capitaine Marlène, chef de bâtiment. « Pour eux, c’est valorisant. Ils se disent qu’ils sont acteurs de leur détention. Et cette démarche s’inscrit dans notre système à nous qui est basé sur la solidarité, l’écocitoyenneté et la chasse au gaspillage. »
Une chasse au gaspillage qui se concrétise jusque sur les pelouses de la prison. A côté de la cour de promenade des détenus, dix poulettes vaquent à leurs occupations dans leur enclos. Elles sont arrivées il y a un an et demi et depuis consomment les déchets organiques des prisonniers. En échange, elles fournissent des œufs qui sont donnés aux Restos du cœur. Déjà un millier d’œufs ont été produits au poulailler du centre de détention de Riom.