La présence de loups dans le Puy-de-Dôme inquiète de plus en plus les éleveurs, qui constatent une augmentation des attaques. Mécontents du précédent Plan loup, ils demandent un plan de sauvegarde pour cet automne, avec notamment l’autorisation de dépasser les seuils autorisés d'abattage en cas d'attaques. Depuis septembre 2022, trois attaques ont eu lieu dans le département.
Dans la nuit du 14 au 15 mai 2023 à Lezoux dans le Puy-de-Dôme, un troupeau de brebis a été attaqué à côté d’une habitation. Quelques mois plus tard, Thierry Orcière, éleveur, est toujours sous le choc: "Le matin, quand je suis allé voir mes brebis, j’ai trouvé quatre cadavres et des bêtes blessées. C’était pas une attaque de chien errant, c’était différent… ".
Trois attaques en un an dans le département
Depuis septembre 2022, deux attaques ont déjà eu lieu dans le département, mais jusqu’ici, il s’agissait de zones montagneuses ou éloignées. A Lezoux, ce berger n’aurait jamais pensé subir une attaque en plaine, dans une zone non loin de Clermont-Ferrand.
"C’est inquiétant de se dire que le loup peut attaquer à proximité des zones habitées. Certes, c’est un animal qu’on ne connait pas forcément bien et dont on a plus l’habitude de cohabiter avec, mais c’est inquiétant de se dire que des attaques comme ça peuvent arriver à proximité des habitations, des activités humaines."
C’est l’installation durable du loup dans le département qui inquiète les éleveurs : « Qui dit installation durable dit formation de meutes et attaques relativement importantes sur nos troupeaux », prévient Richard Vandamme, président de la FDO 63.
Le 4 juillet dernier, une réunion s’est tenue devant l’Office français de la biodiversité (OFB) pour discuter du prochain Plan national, censé être adopté cet automne. D’après l’organisme, la population de loups a baissé en 2022-2023. Un point d'incompréhension pour les éleveurs, qui constatent plus d’attaques de leur côté : "Il y a un gros budget mis sur les moyens de protection mais avec une faible efficacité ", estime Richard Vandamme.
Un plan de sauvegarde de l’élevage et du pastoralisme
Pour les éleveurs, la seule solution consiste à réguler la population des canidés en autorisant plus de prélèvements que le seuil actuel de 19 %, fixé à 19 %.
Les éleveurs veulent sortir du plan national de gestion du loup pour aller vers un plan de régulation : « On nous avait dit au départ que le seuil de viabilité du loup était de 500, aujourd’hui, on a largement dépassé ce nombre-là », estime Richard Vandamme.
Les éleveurs revendiquent un plan de sauvegarde de l’élevage et du pastoralisme, élaboré par la Chambre d’agriculture de France, la Fédération nationale ovine et la Fédération nationale bovine.
Ils souhaitent fusionner tirs de défense simple et tirs de défense renforcés. Le tir de défense simple est permis après une attaque, lorsque les moyens d’effarouchement du loup n’ont pas fonctionné. Si après avoir tiré une fois, la prédation continue, le tir de défense renforcé peut être autorisé, mais uniquement si trois attaques ont été constatées en 12 mois. Les éleveurs eux, souhaitent faire sauter ces étapes de défense.
"Pour nous, l’efficacité, c’est de revoir justement la population du loup, de la réguler et de pouvoir justement tirer, prélever voire détruire des loups lorsqu’ils attaquent notre troupeau", affirme Richard Vandamme, président de la Fédération départementale ovine (FDO 63).
En plus d’une réactivité face à une situation que les éleveurs estiment urgente, ces derniers demandent à ce que les tireurs soient équipés de lunettes thermiques pour plus d’efficacité dans l’abattage des canidés.
Les tirs, pas une solution pour les défenseurs du loup
France Nature Environnement se dit favorable aux tirs dans certains cas jugés nécessaires: "Le problème, c’est que les tirs sont délivrés de manière abusive", déplore Stéphanie Morelle, animatrice des réseaux biodiversité et océans à France Nature Environnement. Les associations de protection du loup essaient de faire comprendre aux éleveurs que le loup est désormais installé de manière pérenne.
On a beau essayer de le faire disparaitre, réguler ou augmenter le nombre de tirs, les conditions qui font que le loup est revenu sur le territoire français existent toujours. C’est comme vouloir vider l’océan avec une petite cuillère.
Stéphanie Morelle, animatrice du réseau biodiversité et océans, France Nature Environnement
Pour Stéphanie Morelle, la solution n’est pas là : « On est absolument pas certains que tuer plus de loups fait baisser la prédation », assure-t-elle. « Dans les Alpes Maritimes, 20 loups ont été tués au 4 août, et ça reste un département où il y a beaucoup de prédation. Et en même temps, c’est un département où on a le plus d’éleveurs bovins qui s’installent. C’est assez paradoxal ».
L’enjeu du nouveau plan est donc d’améliorer les connaissances sur la relation loup, mouton, chien de protection et éleveur. Les données sont encore incomplètes, tout comme les études concernant la protection de manière générale : « Aujourd’hui, des clôtures sont utilisées pour que les moutons ne s'enfuient pas, mais ne faudrait-il pas trouver des clôtures pour que le loup n’entre pas ? »
Des tests sont conduits actuellement en Suisse mais « pour pouvoir faire ce type d’expérimentations, il faut qu’on ait en face des parties prenantes qui comprennent qu’e la coexistence est une voie possible », conlut Stéphanie Morelle.