Dans le cadre du sommet de l’élevage à Cournon-d’Auvergne, près de Clermont-Ferrand, j’ai voulu tester le métier d’éleveuse de chèvres. J’ai fait la connaissance de Sandra, à la ferme Douce laine, à Sauxillanges. Plus qu’un métier, j’ai découvert la passion de cette éleveuse pour ses animaux.
Avant d’arpenter les halles du sommet de l’élevage à Cournon-d’Auvergne, près de Clermont-Ferrand, dans le Puy-de-Dôme, j’ai voulu tester un métier d’élevage. En Auvergne, nous connaissons les célèbres vaches Salers, mais il y a aussi quelques chèvres qui viennent du Massif central. C’est le cas dans la ferme Douce laine, à Sauxillanges. Un endroit où tous les animaux sont les bienvenus. C’est un peu l’arche de Noé, sauf que dans cette histoire, la capitaine du navire s’appelle Sandra Hobeniche.
L'heure du petit-déjeuner
Nous nous donnons rendez-vous à 7 h 30 avec Sandra et en arrivant nous faisons la connaissance de ses trois chiens, de ses chevaux, de son alpaga, et bien sûr de son mari, Stéphane. Je retrouve Sandra dans un premier bâtiment avec ses chèvres du Massif central : c’est l’heure du petit-déjeuner. « Le matin, on leur donne du foin de luzerne et du foin de prairie, explique l’éleveuse. Je commence avec le foin, car c’est important qu’elles aient de la fibre avant les céréales. Ça permet de ne pas avoir de problème digestif, c’est l’ordre d’alimentation. Ça va leur permettre de manger pendant une demi-heure avant la traite. Ensuite, elles passeront à la traite et aux céréales. C’est l’entrée du petit-déjeuner ». C’est tout un rituel au quotidien que Sandra a mis en place avec ses chèvres. Elle nous explique qu’elle ne connaît pas leur numéro, elle préfère les appeler par leur prénom. « On a Nova qui est une chèvre type du Massif central. Les robes peuvent être de différentes couleurs, mais on les reconnaît aux yeux qui sont vraiment dessinés qu’on appelle barrette. Elles ont aussi une gueule un peu large ». En tout, elle a 120 chèvres sur l’exploitation, une vingtaine du Massif central. « J’ai quelques croisés. Avant, je faisais du lait pour nourrir en doublon mes chèvres angora. Je n’avais pas encore monté mon projet glaces. J’ai décidé de rester avec les chèvres du Massif central justement pour leur teneur en matière grasse ».
Pas le temps de s’attarder à faire connaissance ou quelques gratouilles, on entend le bêlement des chèvres angora dans le bâtiment d’à côté : elles aussi elles ont faim ! Nous allons leur donner des céréales. La réaction est immédiate : elles adorent ! Je m’étonne de voir dans le troupeau de chèvres angora, un mouton. Sandra en profite pour m’expliquer la différence. « Souvent, on confond les chèvres angora et le mouton, parce qu’ils sont frisés. Le poil est très différent. Le poil de mouton est très suinté, il va vraiment protéger l’animal des intempéries. Ils peuvent rester dehors sous la pluie, il n’y a pas de souci. C’est un poil très gras qui est plutôt rêche pour l’animal. Alors que la chèvre angora, c’est un poil très lustré peu suinté, qui est très chaud et isolant, mais ça les protège moins bien contre la pluie. Le poil est plutôt doux ».
Une passion familiale pour les animaux
Quand tout le monde a été servi, avec Sandra nous faisons une petite pause. J’en profite pour lui demander ce qu’elle aime dans son métier. « Pour moi, ce n’est pas vraiment un métier, c’est une passion. C’est l’animal qui est mon moteur. J’aime autant les chèvres, les chevaux, les chiens. C’est de m’en occuper tous les jours ça m’apporte du bien-être. J’ai besoin d’avoir des animaux dans mes pieds tout le temps. C’est peut-être une maladie, une pathologie ». Une « maladie » qu’elle a transmise à sa fille Coraline, 12 ans. Elle, son dada, ce sont les chevaux. Dans trois ans elle fera une formation agricole, c’est certain.
L'heure de la traite
Après ce petit entracte, retour à notre journée de travail avec la traite des chèvres du Massif central. Maintenant qu’elle doit en traire 12, Sandra a investi dans une petite machine pour traire plus rapidement. « Ce qui est important, c’est de ne pas faire de sur-traite, c’est-à-dire que l’on vient aspirer la mamelle quand il n’y a plus de lait. Sinon ça va créer des lésions à la mamelle et là, on peut avoir des mammites. Il faut être vigilant ».
Mais en bonnes éleveuses que nous sommes, nous allons faire la traite à la main (en tout cas « tester » pour ma part). « Avec les deux doigts, on vient bloquer le lait dans la mamelle pour pouvoir venir le tirer. On va venir pomper pour faire l’action que fait la machine, c’est-à-dire l’aspiration. Il faut venir pousser le lait vers le bas. Pour elle, c’est un plaisir. Ça libère la mamelle d’une tension. Quand c’est parti, elle lâche le lait ». C’est Nova qui sera mon cobaye, c’est la moins susceptible sachant que c’est une première pour moi. Mes premières tentatives se soldent par un échec, il faut avoir le coup de main. Et finalement, un léger filet de lait finit par sortir ! À la machine, on met normalement 2-3 minutes, et à la main c’est à peine 5 minutes : je suis loin d’aller aussi vite que Sandra, c’est tout un métier…
L'heure de la glace
« Quand on cherche à avoir du volume de lait, c’est pour faire du fromage. On va avoir des chèvres qui ont au moins 5 litres. Moi, j’ai choisi la chèvre du Massif central exprès parce que je veux avoir peu de lait mais un taux de matière grasse concentré. On sait que quand on a du volume, on a moins de matière grasse. Quand on a moins de volume, la matière grasse est concentrée. Et moi, pour la glace, je veux avoir quelque chose de crémeux ». Justement, c’est l’heure d’aller fabriquer de la glace : après l’effort le réconfort.
Nous récupérons le lait que nous venons de traire pour le filtrer. Pour faire une glace au lait de brebis saveur menthe. Il nous faut : 2,5 litres de lait, 2 bouquets de menthe fraîche, 285 g de poudre de lait, 600 g de sucre, 330 g de sirop de glucose, et un litre de crème. Tous ses ingrédients sont mélangés puis chauffés. « Il faut le chauffer jusqu’à 82 degrés, de cette manière le lait est pasteurisé. Après, on laisse la préparation au frais et on la laisse maturer pendant 24 heures ». Après ce temps d’attente, on filtre le tout et on met le mixe dans la turbine. « L’intérêt c’est de refroidir la préparation en incorporant de l’air, c’est ça la glace en fait. On fait tourner la turbine pendant 10-15 minutes ». Après avoir attendu le temps nécessaire, nous remplissons les petits pots et surtout : nous testons les produits. Malgré les températures qui se sont rafraîchies, la glace à la menthe est succulente.
Sandra a des journées bien remplies toute l’année, après les glaces estivales très bientôt, elle s’attaquera à la confection de bûches glacées pour les fêtes de Noël. Au mois de janvier, elle fera la tonte de ses chèvres angora pour ses vêtements en laine mohair. Mais ça, c’est une autre histoire et un autre métier à tester.