Le 28 août dernier, un bébé panthère de l'Amour est né au Parc animalier d'Auvergne, à Ardes-sur-Couze, dans le Puy-de-Dôme. Une naissance exceptionnelle pour cette espèce menacée qui compte moins d'une centaine d'individus à l'état sauvage.
Sur un petit nuage. A Ardes-sur-Couze, les soigneurs et vétérinaires du Parc Animalier d’Auvergne ont le sourire quand ils évoquent l’un des derniers arrivés parmi leur 350 pensionnaires : un bébé panthère de l’Amour.
Clémence Collignon, responsable animalière s’approche de l’enclos en chuchotant.
« Hello Su-Su. Tu vas voir, il y a un peu de monde », annonce-t-elle à la mère pour permettre l’approche de notre caméra. « Le bébé, si vous voulez le voir il est juste derrière la caisse à pommes », glisse-t-elle doucement.
Né le 28 août dans l’enceinte du parc, le rejeton ouvre déjà de larges pupilles à travers la grille. Le regard braqué sur ses visiteurs, il ronronne ou plutôt grogne comme un chat. L’observer est un privilège. Il ne sera pas présenté au public avant ses deux mois. L’équipe de soigneurs elle-même limite ses visites : une fois par jour, au moment d’apporter de la nourriture, pour déranger le moins possible la mère et son petit.
« J’ai apporté la ration de la maman. Elle a eu des morceaux de viande blanche et de viande rouge. Elle a un peu plus en quantité car elle allaite, donc elle a besoin d’énergie, du coup elle mange plus », poursuit Clémence Collignon.
Une naissance inattendue
Suyiana et son bébé panthère partagent un enclos spécialement réaménagé pour les circonstances. La femelle de 11 ans a mis bas durant la nuit à la fin de l’été, un événement presque inespéré après un précédent épisode de grossesse non concluant.
« Je crois que toute l’équipe du parc était remplie d’émotion. C’était une naissance un peu inattendue. Elle a 11 ans donc c’est quand même un âge avancé pour un léopard. On s’était posé la question si elle pouvait faire des bébés. On est tellement content ! », raconte la soigneuse.
« C’est vraiment une naissance exceptionnelle et vraiment rare pour cette espèce-là, on a pris toutes les précautions nécessaires, c’est pour ça qu’elle est séparée du mâle pour l’instant » précise-t-elle encore.
En danger critique d'extinction
La panthère de l’Amour est le grand félin le plus menacé au monde. Avec une cinquantaine d’individus recensés à l’état sauvage, elle a été classée par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) en danger critique d’extinction. Cette naissance est une première en Europe depuis plus d’un an.
« Pour nous, c’est la probablement la plus belle naissance de l’histoire du parc. On est un parc spécialisé sur les espèces menacées (ndlr, qui représentent 80% des espèces du site, la structure vise les 100 % en 2028) et c’est probablement l’espèce la plus menacée qu’on a au parc aujourd’hui », commente Pascal Damois, président du Parc animalier d’Auvergne.
Pour éviter tout accident, l’équipe a pris d’autres dispositions. Et cela passe par l’observation.
« On a mis deux caméras qui filment en continu la maman et le petit à longueur de journée, ce qui nous permet de voir au niveau du comportement que c’est une maman qui s’occupe magnifiquement bien de son petit. Ce qui n’est pas forcément commun. Il peut y avoir des parents qui ne savent pas comment réagir avec les petits et qui peuvent être un peu agressifs. Là, on a vraiment une maman qui est parfaite » assure Pascal Damois.
Sous surveillance
« Notre objectif aussi, c’est de pouvoir remettre le mâle avec eux. De temps en temps, il vient regarder ce qu’il se passe. On a déjà vu grâce aux caméras des interactions avec le bébé et elles sont plutôt positives. On regarde ce genre d’informations pour prendre nos décisions. Il ne faut pas faire d’erreur avec cette naissance. Elle est tellement incroyable », ajoute Clémence Collignon.
Il faudra encore patienter quelques semaines avant de connaître le sexe de la panthère. Et de pouvoir lui donner un petit nom.
« La prochaine étape qui va être un peu clé, ça va être de l’attraper pour vérifier son état de santé, lui mettre une puce électronique sous la peau. Tous les animaux sauvages ont ça pour la traçabilité et éviter le trafic. Et aussi commencer à le vacciner, on utilise des vaccins pour les chats, aussi pour les panthères, pour les lions, pour les tigres... », explique Denis Michaux, vétérinaire et directeur général adjoint du parc.
Construire l'avenir
Les panthères de l’Amour tiennent leur nom du fleuve Amour, entre la Chine et la Russie, référence à la situation géographique actuelle de l’espèce. Le Parc aurait pu espérer, avec cette naissance, œuvrer à une réintroduction. Mais la guerre en Ukraine, pour l’heure, vient contrarier cette ambition.
« C’est dans les missions du parc que de participer à des projets de réintroduction. Pour les panthères de l’Amour, c’était un de nos projets mais avec la situation géopolitique actuelle, c’est impossible de réintroduire des animaux en Russie. Il faut continuer la reproduction de l’espèce en attendant que la situation se stabilise et permette de procéder, un jour, à des réintroductions », conclut Pascal Damois.
Une manière, aussi, de construire l'avenir.
Avec Esther Abitbol