Dans le Puy-de-Dôme, plusieurs associations aident les femmes victimes de violences conjugales. Accompagnement social, juridique, psychologique, tous ces leviers sont nécessaires pour permettre aux victimes de s’extraire de l’enfer du huis clos conjugal. 

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En 2018, 149 personnes sont décédées sous les coups de leur partenaire ou ex-partenaire, 28 hommes et 121 femmes. En Auvergne, 8 femmes sont mortes l’an passé, victimes de violences conjugales. Derrière ces chiffres qui recensent les cas les plus dramatiques, il y a les coups, les humiliations, la souffrance au quotidien. Partir n’est pas simple. Mais des associations accompagnent les victimes dans leur démarche. Exemple dans le Puy-de-Dôme.

Trouver un logement en urgence…

« Dans le Puy-de-Dôme, le point d’entrée dans le dispositif des femmes victimes de violences, c’est le 115 », explique Gilles Loubier, directeur général de l’ANEF 63, l’association qui gère ce numéro. Un numéro joignable 24 heures sur 24 chaque jour de l’année, y compris les dimanches et jours fériés.
L’association dispose de 3 appartements d’urgence, des grands appartements qui peuvent accueillir les femmes qui en font la demande, quelle que soit la configuration familiale. Mais selon le directeur de l’association, c’est loin d’être suffisant.
« Le 115 répond favorablement à 100% des demandes, soit sur les 3 appartements d’urgence, soit en recourant au dispositif hôtelier et là, on trouve que ce n’est pas adéquat pour l’accueil de ces personnes en détresse, c’est extrêmement déstabilisant. On voit bien d’ailleurs qu’à l’hôtel, assez souvent il y a des retours au domicile. Cette année, pour l'heure, on a accueilli 33 femmes sur les appartements d’urgence et on a eu 103 appels téléphoniques au 115. Vous voyez qu’il y a quand même un net différentiel », observe le directeur général de l’ANEF 63.

« Nous proposons un 2e volet, une fois qu’on a passé la phase d’urgence. Quand la décision est réellement murie, on a un dispositif d’appartements avec un accompagnement au long cours qui s’arrêtera quand on aura une solution adaptée. Donc là, on peut garder plusieurs mois une personne avec ses enfants dans un appartement dédié. On dispose d’une quinzaine de logements », explique-t-il, avant de souligner : « on ne fait pas de colocation dans le cadre de l’accueil de ces femmes, elles ont besoin d’intimité, de se reconstruire, d’avoir des repères qui deviennent de plus en plus familiers ».

Des sites protégés

L’association Cecler travaille en partenariat avec l’ANEF 63, et elle aussi met à disposition des hébergements.
« On se situe d’abord dans la mise à l’abri immédiate de la personne victime de violences. On a 5 logements dédiés à cela et ensuite, on va proposer un accompagnement jusqu’à l’autonomie. Donc on a des logements d’abord sur site protégé et des logements extérieurs anonymisés, c’est-à-dire perdus au milieu de la ville », raconte Dominique Charmeil, directrice générale de l’association.
« Le 1er élément capital pour moi, c’est la sécurité parce que ce sont des femmes qui sont terrorisées, qui ont extrêmement peur de ce qui pourrait encore arriver, donc il y a un temps où elles vont être cachées. Par exemple sur un site, on a du personnel veilleur 24/24, on a des systèmes de caméra, des badges à l’entrée », souligne-t-elle.

Une troisième association, AVEC 63, aide également les femmes victimes de violences conjugales à se reloger. Elle propose un dispositif d’accompagnement vers et dans le logement (AVDL). Elle s’appuie aussi sur des conventions passées avec les bailleurs sociaux pour offrir une solution durable. Un travail de préparation qui s’inscrit dans le temps.
« On sait qu’un départ en urgence, ça correspond rarement avec un départ définitif parce qu’elles n’ont pas eu le temps de choisir ou de murir leur choix de départ. C’est quelque chose qui s’impose en temps de crise. Donc au sein de l’AVEC, on a vraiment ciblé nos prises en charge sur un travail en amont, on reçoit les femmes même quand elles sont encore au domicile. Et si elles partent sur un temps de crise et qu’elles retournent au domicile, on continue de les suivre (…) Et quand la personne est prête on peut lancer les choses », souligne Gwendoline Niquet, psychologue.

Accompagnement social et juridique

Le logement, une première étape parmi d’autres… Car pour casser la spirale infernale, il faut aussi répondre aux nécessités administratives.
« Ces femmes sont accompagnées par les travailleurs sociaux, un référent qui va les aider dans toutes leurs démarches, que ce soit des ouvertures de droits, compte bancaire, accompagnement vers l’emploi suivant les situations (…) On assure aussi la scolarisation de l’enfant quand il en a besoin », explique encore Gilles Loubier pour l’ANEF 63.

« Au niveau juridique, on va les informer surtout sur leurs droits, sur ce qui est autorisé, ce qui est interdit et les démarches qu’elles peuvent faire. Par exemple demander une ordonnance de protection, déposer plainte, faire un signalement s’il y a un danger pour les enfants. On va vraiment les informer de manière globale et à partir de là, mes collègues juristes voient avec elles s’il y a des démarches qu’elles sont prêtes à entamer », détaille pour sa part Gwendoline Niquet, pour l’association AVEC 63.

« Ce sont des personnes qui ont tellement été blessées dans leur chair qu’elles ont besoin de réapprendre à vivre. Certaines n’ont absolument plus aucun contact avec les démarches administratives, le quotidien donc. On propose des ateliers, des groupes de parole. Il y a des ateliers boxe par exemple pour reprendre confiance en soi, des ateliers ‘estime de soi’, on va travailler sur l’esthétique… Les travailleurs sociaux peuvent accompagner aussi la maman et son enfant jusqu’à l’école pour sécuriser la relation à l’autre », relate Dominique Charmeil pour CeCler.

Se reconstruire dans sa tête

Un cadre pour traiter les choses formelles, mais répondre aussi à une détresse plus intime, plus personnelle. C’est là que l’accompagnement psychologique entre en jeu, il représente l’une des clés - majeure - pour aider les femmes à sortir des violences conjugales et se reconstruire.

« Ce qui est important, c’est d’avoir en tête que les violences conjugales, c’est une relation dominant-dominé, ce n’est pas un conflit conjugal avec une relation symétrique où il y a de la violence des 2 côtés. Ce qui est compliqué pour les femmes, c’est que l’emprise, elle s’installe petit à petit. Par des petits mots, des petits gestes, l’auteur va venir mettre le doute auprès de la victime : ‘Mais tu te trompes toujours !’, ‘Tu vaux rien !’, ‘Fallait pas faire ça !’, ‘T’es pas assez à l’écoute !’ et à force d’entendre ça tous les jours, les victimes vont commencer à douter. Ca va créer une faille dans leur confiance en elles et l’auteur, il s’y engouffre. C’est-à-dire qu’elles vont se remplir de tous ces mots, être convaincues qu’elles ne valent rien et que finalement, les violences c’est de leur faute, parce qu’elles le pousse à bout, elles ne sont pas assez attentives etc. », analyse Gwendolyne Niquet.
« Il y a aussi le fait que vivre dans une situation de violences conjugales, c’est vivre avec quelqu’un qui vous met dans un non-sens. Il va dire par exemple : ‘tu pourrais t’habiller de manière un peu plus féminine, tu ressembles à rien !’ et le lendemain quand elle met une robe, il va lui dire : ‘mais comment tu es habillée, on dirait une pute !’. Et ça, le psychisme ne le supporte pas. On a tous besoin de cohérence, sinon le cerveau disjoncte. Pour ne pas devenir fou, quand on vit dans du non-sens, il va y avoir une forme d’anesthésie de la pensée, les femmes n’arrivent plus à penser, à avoir de sens logique, à faire des choix et du coup elles vont être en mode automatique, elles le disent : ‘J’ai l’impression d’être un zombie’. Donc elles vont s’adapter complètement à l’auteur des violences et elles vont faire les choses de manière automatique : ‘Je vais mettre la table comme ça, il faut que je sois rentrée à telle heure, sinon il va râler ».

"Comme un bébé qui apprend à marcher"

« On ne peut pas demander à quelqu’un qui ne pense plus de partir, de se protéger ou de préparer un départ. Donc le travail d’accompagnement qu’on fait avec elles, c’est leur permettre de remettre en marche leur capacité à penser par elles-mêmes. Il faut qu’on aide les victimes à se vider de tout ce que l’auteur dépose en elle, les humiliations, les violences, la honte et la culpabilité. Et pour cela, il faut pouvoir mettre de la distance avec l’auteur et après, qu'elles puissent se remplir à nouveau d’elles-mêmes : ‘qui je suis, qu’est-ce que je veux, etc’. Elles sont dans une telle dépendance aux auteurs que c’est comme quand on regarde un bébé qui apprend à marcher. Les enfants ne se mettent pas debout et ils se mettent à courir, ils font 2 pas, ils retombent, ils se relèvent, ils font 2 pas, ils retombent. Sortir des violences conjugales, pour moi, c’est la même chose. Du coup, elles partent, elles font deux pas dehors, elles ont peur, elles reviennent au domicile et elles repartent. C’est un phénomène de rupture évolutive et c’est important dans les situations de violences conjugales parfois qu’elles fassent des aller et retour. Nous, on est là pour accompagner », résume la psychologue.
Un cheminement parfois long, mais nécessaire, pour sortir de la spirale infernale des violences conjugales.
 
 
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