La buvette Grand Clément va être rasée pour laisser place au nouveau plan de circulation qu'impose l'arrivée du tram T6 dans ce quartier populaire de Villeurbanne. Les habitants se sentent orphelins.
Le cœur du quartier bat à la buvette Grand Clément depuis 25 ans. Tous les habitants le disent. Ils sont tus très attaché à ce lieu de rendez-vous et de convivialité ouvert il y a un quart de siècle. Avec ses tables en extérieur abritées sous les platanes, il offre une image de carte postale. Un esprit village apprécié de tous.
Malheureusement, les futurs travaux du tram T6 (hôpitaux Est /campus de la Doua en 2026) l'ont condamnée. La buvette villeurbannaise va être définitivement démontée le 31 décembre prochain. C'est un peu l'âme du quartier qui va disparaitre.
"C'est un monument historique pour nous"
"Je les ai connus en 2002 et c'est devenu la famille" raconte Gacem. "J'ai l'habitude de venir le soir et le week-end pour manger, ou boire un café". Les avis sont unanimes. L'annonce de cette fin annoncée a choqué les habitués. "On a beaucoup de peine. Le quartier va perdre son âme. On n'aura plus d'endroit pour se retrouver. On est né ici, on a toujours connu cette buvette. Je la voie de chez moi. Je voie les gens qui arrive, des fois ça me pousse à descendre" se désole Nathalie.
Sylvaine, la patronne connait tous ses clients. Elle en a gros sur le cœur. "Parfois, on a des jeunes qui reviennent, on les a connus hauts comme ça" dit-elle en mettant sa main à un mètre au-dessus du sol.
La buvette ce n'est pas seulement le lieu où prendre un café ou partager un apéro. C'est aussi les repas entre amis, en famille. "Chacun apporte une spécialité et on se met à table" raconte Raymond, le patron, qui préfère ne pas penser à l'après. "Pour le moment, je me concentre sur ce qu'on va faire jusqu'à la fin de l'année. On est là, on va s'y tenir et après, on s'isolera... et ce sera difficile". Tout en pudeur, Raymond sourit pour ne pas pleurer.
En 25 ans, on a vu les gens arriver célibataires, se marier, les femmes être enceintes, avoir des enfants. Des enfants qui viennent à leur tour en sortant de l'école, etc... C'est vraiment une famille.
Raymond Basim "La buvette Grandclément"
Le partage et la générosité
Raymond et Sylvaine ne sont pas seulement des commerçants. Ils sont des acteurs du quartier. Ils ont investi la vie des habitants. "C'est dû à l'éducation qu'on a reçue de nos parents. Je suis d'origine arménienne. On a toujours eu le sens du partage et de l'aide".
Il faut savoir donner sans s'attendre à recevoir. Et la buvette, elle a cette âme-là.
Très vite après leur installation il y a 25 ans, face à la détresse d'une partie de la population locale, le couple a décidé d'agir. Il a organisé dans un premier temps un repas de fin d'année en collaboration avec des associations caritatives. "On a commencé avec 30 personnes et les voir heureux c'était formidable. Les forains du marché nous ont aidés et on a pu leur faire un cadeau à chacun".
L'année suivante, il y avait 60 couverts et l'année d'après davantage. Face à ce flux de personnes qui devenait très compliqué à gérer en une seule fois, le couple a choisi d'accueillir quelques personnes mais tous les jours. Raymond a conservé précautionneusement toutes les coupures de journaux qui racontent ces moments-là.
Le 31 décembre, la buvette sera rasée. En attendant, la vie continue et tous en profitent au maximum. Sylvaine et Raymond continue de prendre soin de leurs clients, le coeur gros.