Le 29 juin 1944, sept otages juifs étaient fusillés à Rillieux-la-Pape, près de Lyon. Un massacre reconnu comme crime contre l'humanité pour lequel Paul Touvier, chef du service de renseignement de la milice, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Un hommage leur sera rendu dimanche 30 juin
Il est encore très tôt ce matin du 29 juin 1944 à Rillieux-La-Pape, alors commune de l'Ain. De nombreux habitants sont réveillés par le bruit d'une fusillade.
Les premiers témoins découvrent sept cadavres. Sept victimes fusillées à la mitraillette par la milice de Lyon, dans le dos, puis achevés d'une balle dans la tête. Tous sont juifs.
La veille, Philippe Henriot, secrétaire d'état à la propagande du régime de Vichy, a été abattu par des résistants à Paris. C'est donc un acte de représailles décidé, dans les heures qui ont suivi, par Paul Touvier, chef du service de renseignement de la milice de Lyon. Il fait procéder à des arrestations dans la rue, à leur domicile.
Léon Glaser est avocat, Emile Zeizic commerçant, Maurice Schlisselmann est maroquinier, Claude Ben Zimra décorateur. Et puis encore : Louis Krzyzkowski, Siegfried Prock et un inconnu "paraissant 25 ans", jamais identifié.
Ils rejoignent d'autres prisonniers dans une cellule de la milice, impasse Catelin à Lyon. Mais ce sont bien ces sept-là qui, réclamés par les Allemands, seront désignés par Paul Touvier pour être exécutés.
"Là où il va, il n'en aura pas besoin"
Nicole Zeizic, la petite-fille d'Emile, raconte dans quelles circonstances ce notable de Sainte Foy-les-Lyon, a été arrêté par la milice : "Les miliciens, qui je crois, étaient au nombre de quatre, ont fait irruption. C’était le repas familial. Ils ont arrêté mon grand-père devant ma grand-mère, qui a voulu lui donner son pardessus pour ne pas qu’il parte comme ça. Mais les miliciens ont dit à ma grand-mère : 'là où il va, il n’en n’aura pas besoin'. A Lyon, même si les juifs ne portaient pas l’étoile jaune, ils avaient été recensés. Et mon grand-père, en bon Français républicain était aller faire tamponner sa carte d’identité avec la mention 'Juif'. Et cela contre l’avis des gendarmes qui l’avaient reçu et qui avaient essayé de le renvoyer chez lui. Mon père lui, qui avait la trentaine, sentait mieux le danger et s’était fait faire des faux papiers et s’était mis à l’abri à la campagne. Et son drame c’est de ne pas avoir réussi à convaincre ses parents d’en faire autant."
La "blessure narcissique" de la milice
Pour l'historien Stéphane Nivet, ce drame est à la fois une envie de vengeance de la milice et l'expression de l'anti-sémitisme de ce groupe paramilitaire et notamment de Paul Touvier.
"Philippe Henriot a été assassiné dans son ministère à Paris par des résistants déguisés en miliciens. Il est évident que la milice avait envie de venger cette blessure presque narcissique pour eux que d’avoir vu le chef de la propagande, milicien lui-même, être assassiné par des gens qui portaient leur uniforme. Et il y a la volonté de s’attaquer immédiatement à des juifs".
"Même s’ils ne portent pas l’étoile jaune, la situation s’est resserrée dans l'ancienne zone libre en 43 et 44 autour de la répression des Juifs. La spécificité de ce qui va se dérouler à Lyon c’est qu’on a une conjonction avec la présence de la Gestapo de Klaus Barbie et de la milice. C’est un organisme paramilitaire de Vichy qui sert d’auxiliaire dans la poursuite des juifs et des résistants mais particulièrement des juifs. Et Paul Touvier n’a jamais caché son antisémitisme et son procès l’a montré en 1994."
Une longue traque
Pendant des années, Paul Touvier va échapper à la justice, notamment grâce à la complicité des milieux catholiques intégristes. Il se fait même passer pour mort. Il est finalement arrêté au prieuré Saint Joseph de Nice en mai 1989.
Le 20 avril 1994, après 5h30 de délibéré, la cour d'assises de Versailles condamne Paul Touvier à la réclusion à perpétuité pour complicité de crime contre l'humanité. C'est le premier à être reconnu coupable de ce crime. Il mourra d'un cancer en détention deux ans plus tard.
Une histoire dans le marbre
Comme chaque année, le souvenir de ce massacre sera perpétué ce dimanche 30 juin dans la matinée, sans doute avec un peu plus d'émotion que d'habitude.
Rue du souvenir français - anciennement rue du cimetière - se trouve un mémorial le long du mur du cimetière, à l'endroit même où les sept otages furent assassinés.
La plaque commémorative a été vandalisée peu après la condamnation de Paul Touvier. Les noms de Léon Glaser, Emile Zeizic et Maurice Schlisselmann sont gravés dans le marbre de leurs tombes.
Pour Nicole, la petite-fille d'Emile Zeizic, qui n'a appris que très tard les véritables circonstances de la mort de son grand-père : "J’ai à cœur de transmettre cette mémoire là et je pense que par les temps qui courent, il vaut mieux ne pas oublier le passé."