La Fédération nationale des chasseurs tient à Lyon, pour la première fois de son histoire, son assemblée générale. A cette occasion, la Région Auvergne Rhône-Alpes a annoncé le renouvellement l'an prochain d'une convention, comme en 2016. Pourquoi faire ?
La tenue de cette assemblée générale au sein même de l'Hôtel de Région, à Lyon Confluence, n'est pas le premier contact entre les deux interlocuteurs. Laurent Wauquiez a toujours revendiqué son attachement à la chasse et a favorisé ce loisir dès son début de mandat.
Peu après son accession à la Présidence de la Région Auvergne Rhône-Alpes, il a mis en place une convention entre la collectivité et les chasseurs. Un partenariat signé dès novembre 2016, et doté d'une aide de près de 3 millions d'euros. Une décision fortement critiquée par ses opposants, ainsi que les associations écologiques et bio, qui estimaient ces choix dangereux et électoralistes. Ce qui ne freine pas l'élu, qui annonce déjà le renouvellement de cette convention pour l'an prochain.
Un partenariat ambitieux et varié
La convention présentée à l'assemblée plénière du 22 septembre 2016 prévoyait une participation régionale de 2 955 210 euros. Elle est justifiée par la majorité par des raisons économiques "la filière chasse génère chaque année 3.6 milliards d'euros de chiffre d'affaire et elle contribue à hauteur de 2.1 milliard d'euros à la richesse nationale, soit 25 800 emplois..." écrit Laurent Wauquiez. Pour ce dernier, "les chasseurs rendent de nombreux services à notre société [...] sur le plan économique [...] d'un point de vue écologique [au niveau social] ".
Concrètement, en échange de ce budget de presque 3 millions d'euros la FRC (Fédération régionale des Chasseurs d'Auvergne Rhône-Alpes) s'engage à "réaliser un programme, en assurer le pilotage et le suivi, en coordonnant l'action des douze fédérations départementales".
Ce programme est très varié. Par exemple, il prévoit les projets suivants :
- Améliorer la connaissance de la bécasse des bois et ses habitats (25 000 euros par an)
- Assurer le suivi du lièvre variable dans les Alpes du nord par des méthodes génétiques (23 000 en 2016 puis 123 000 euros/an)
- Conserver et améliorer un réseau de haie sur le territoire (corridors écologiques) (154 500 euros/an)
- Gérer les milieux naturels, coeurs de biodiversité (230 000 euros/an)
- Déploiement de postes de tirs surélevés, pour assurer la sécurité à la chasse et la prise en compte des autres usagers de la nature (252 000 euros/ an)
Cette première convention, qui prend fin le 31 décembre 2018, prévoit aussi un bilan. "Quatre mois avant l'expiration [...] un bilan général devra être produit par la FRC afin d'évaluer l'impact des actions sur le territoire régional."
Cette échéance n'est pas encore atteinte. On ne dispose donc pas, à priori, d'un bilan précis des actions mises en place par les chasseurs. Nous l'avons réclamé aux deux partenaires de cette convention. Peut-être sera-t-il dévoilé prochainement ?
Pourtant, déjà, le président Wauquiez a annoncé à l'occasion de cette assemblée générale le renouvellement de l'accord pour 2019, avec le même montant d'aide.
Un choix contesté dès le départ
Dès septembre 2016, de nombreuses voix s'élèvent pour critiquer la mise en place de cette convention.
Ainsi, Jean-Jacques Orfeuvre, Président du Réseau Ecologie Nature de Haute-Loire porte la charge :
"Le président du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes offre à la Fédération régionale des chasseurs, un partenariat, doté d'une subvention de près de 3 millions d'euros sur trois ans sans même tenir compte des 96 M€ dont est déjà doté l’Office National de la Chasse, qui assure déjà bon nombre des actions prévues.
Il a déjà baissé de 325.000 € les subventions accordées aux associations de protection de la nature de la région notamment de la FRAPNA Rhône-Alpes (ou de l'agriculture paysanne et biologique) qui assuraient jusque-là des missions d’information et de formation en matière d'éducation à l'environnement notamment dans les écoles, des observations scientifiques, inventaires, gestion de sites naturels, veille environnementale, participation aux débats publics, expertise, etc..
Il juge les chasseurs plus légitimes sur la protection de la nature et de la faune sauvage (du gibier selon leur terminologie) que les écologistes ! Les licenciements ont commencé par dizaines.
C’est une idéologie du passé, des siècles derniers, du temps ou la chasse n’était pas une activité de loisirs. Il ne faut pas oublier que les animaux en surnombre ont été réintroduits par les chasseurs eux-mêmes qui veulent parallèlement exterminer leurs prédateurs naturels."
Du côté politique, l'annonce avait soulevé l'indignation du groupe Elues RCES au conseil régional
Face à ces critiques, Philippe Meunier, vice-président Les Républicains chargé de la sécurité, des relations internationales, de la chasse et de la pêche, revendique alors un "rééquilibrage":
« Notre grande différence avec la précédente majorité régionale, c’est que nous ne sommes pas sectaires, assène-t-il, lui même chasseur. Nous travaillons avec ceux qui ont des compétences, c’est le cas des chasseurs. Ce sont des acteurs majeurs de la biodiversité car ils vivent la ruralité, ils sont la ruralité. Il sont en particulier très bien placés pour le suivi des espèces. »
Des actions parfois complémentaires
Si l'initiative de cet accord, visant à replacer les chasseurs au centre des actions régionales pour préserver l'environnement, fait grincer des dents les associations de défense de l'environnement et certains partis politiques comme les écologistes, on peut nuancer certaines de ces critiques en regardant à la loupe les actions prévues dans le cadre de cette convention.
A titre d'exemple, l'Office National de la Chasse, qui s'implique régulièrement dans l'observation des milieux naturels, met effectivement en place des conventions, renouvelées régulièrement, sur l'ensemble du territoire, et notamment les douze départements situés en Auvergne Rhône-Alpes.
Ces conventions ne sont pas forcément redondantes avec le programme prévu par la Région.
Ainsi, concernant le Tétras Lyre, une espèce emblématique des milieux d'altitude particulièrement menacée (et dont la chasse est autorisée), l'ONCFS -à travers une convention Agrifaune- prévoit une action d'observation et de coordination des différents acteurs concernés, tandis que la Région s'occupe, plus concrètement, de la réhabilitation des habitants de reproduction de ces oiseaux.
Les chasseurs et les randonneurs se reparlent
Autre point positif : une autre convention a été signée par les chasseurs avec... la fédération française de randonnée. C'est une première. Elle vise à rapprocher deux mondes qui ne s'apprécient pas forcément. Elle prévoit d'échanger les connaissances, mettre en place des actions de médiation, d'éducation et de préservation de la biodiversité. L'idée est de cultiver le dialogue.
Cette convention supplémentaire est - elle aussi- une pierre apportée à l'eau du moulin Wauquiez, qui lui permet de démontrer le bon sens de son opération de séduction envers ce public (qui est aussi un électorat) "Avant, la Région discutait avec beaucoup de monde, de beaucoup de choses, notamment d’environnement, mais jamais avec les chasseurs. Ils étaient laissés à la porte de tous les débats sur l’aménagement et la conservation de territoires dans lesquels ils ont pourtant chaque jour les pieds. Je me demande si les attaques et le mépris subis par la chasse ces dernières années ne sont pas malheureusement que l’un des nombreux visages du dédain avec lequel on a regardé nos territoires ruraux »
La politique -et la chasse aux voix- n'est jamais très loin.
Et maintenant, les "jeunes" chasseurs...
Dans un communiqué, où le renouvellement de la convention est d'ores et déjà annoncé (avant d'être voté), Laurent Wauquiez annonce également un effort supplémentaire en faveur de la transmission et de la formation des futurs chasseurs " la Région souhaite aider les chasseurs à améliorer, faciliter et promouvoir l’exercice de la chasse pour les jeunes. Pour cela, deux axes ont été définis : la formation de base commune à tous, matérialisée par le permis de chasser et l’accompagnement constant du chasseur tout au long de sa carrière, basé sur le volontariat"
Aucune précision n'est apportée sur le mode opératoire ou les moyens qui seront alloués à cette nouvelle action en faveur de la chasse.