En septembre 2019, une jeune avocate lyonnaise accusait un grand cabinet lyonnais de ne pas l'avoir embauchée car elle était enceinte. Soutenu par le bâtonnier, l'avocat incriminé a rapidement démenti. En mai 2020, la Cour d'Appel a mis hors de cause l'avocat et son association.
L'affaire remonte au mois de décembre 2018. Une jeune avocate se présente dans un grand cabinet de Lyon pour signer son premier contrat. Elle annonce alors qu'elle est enceinte et là, selon elle, tout s'interrompt.
Pas de contrat à cause de son "indisponibilité"
Selon Maître Cuche, qui défend la jeune avocate, les représentants du cabinet où elle a postulé ont refusé de signer le contrat en raison de son "indisponibilité" à savoir son état de grossesse. Sa cliente a donc estimé être discriminée et a fait appel à la Commission Collaboration du Barreau de Lyon. Dans son rôle de médiateur, la commission n'est pas parvenu à mettre les deux parties d'accord."Une indisponibilité qui ne convient pas à l'organisation du cabinet" selon le bâtonnier
La jeune avocate se tourne alors vers le bâtonnier Farid Hamel, qui doit trancher. Selon nos confrères de Rue89Lyon, le 25 juillet 2019, la décision est rendue et est motivée comme suit : "Il convient d'observer que le mail par lequel le cabinet a rompu les pourparlers transactionnels, a fait référence à un élément objectif -"l'annonce de votre indisponibilité pour une partie notable de l'année 2019"- précisant que cela ne convenait pas à l'organisation du cabinet".
Etant donné qu'il n'y a pas de référence à la grossesse de la candidate, il n'y a pas de sujet pour le bâtonnier.
Malaise au Barreau de Lyon
Dans un communiqué, l'UJA (Union des Jeunes Avocats) et le SAF (Syndicat des Avocats Français) annoncent que le Président de la Commission Collaboration et une partie de ses membres ont démissionné suite à la décision du bâtonnier. Ce dernier n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations.
Dans ce même communiqué, les syndicats dénoncent une décision rendue sur fond de discrimination à l'égard d'une collaboratrice. Ils rappellent que le Barreau de Lyon se veut le "fer de lance" dans cette lutte contre ce type de discrimination. Ainsi des référents à l'égalité hommes-femmes ont été mis en place et le réglement intérieur lyonnais intègre que "ce type de comportement discriminatoire constitue un manquement essentiel à la profession d'avocat."
Le cabinet accusé de discrimination dément
Le cabinet d'avocat "accusé" n'est autre que celui que dirige Maître André Soulier. Cette figure du barreau lyonnais ne souhaitait pas faire de commentaire pour ne pas alimenter la polémique. "Cette accusation est un mensonge" nous dit-il sans donner plus de détails.
La réponse de Maître Cuche ne se fait pas attendre "je ne vois pas de quoi parle Maître Soulier, sauf à considérer que ne pas annoncer sa grossesse est un mensonge." Et de rappeler qu'il est interdit de refuser une embauche en raison d'une grossesse.
L'affaire s'est poursuivie devant la Cour d'Appel de Lyon. Le 14 mai 2020, celle-ci "met hors de cause M. André Soulier à titre personnel dans la présente procédure" et "déclare irrecevables les demandes formées à l'encontre de l'association d'avocats à responsabilité professionnelle individuelle Soulier".