D'un côté, il y a l'appel de l'Agence Régionale de Santé à plus d'équité entre établissements publics de soins lors de la mobilisation face à l'épidémie de coronavirus Covid-19. De l'autre, des praticiens qui craignent, comme pour la première vague, "de rester chez eux et ne soigner personne".
La nouvelle a été confirmée par l'Agence Régionale de Santé, mercredi 14 ocotobre 2020 : tous les établissements de soins, qu'ils soient publics ou privés, sont priés de déprogrammer 25% de leurs opérations et interventions non-urgentes pour faire face à "la deuxième vague" de l'épidémie de Covid-19. "Pas question d'attendre. Il s'agit d'anticiper une hausse importante des hospitalisations. Et tout le monde doit contribuer à la mise à disposition de moyens et de soignants pour accueillir les malades", se justifie la direction lyonnaise de l'ARS.
"Notre rôle, ce n'est pas de rester chez nous mais de soigner les patients"
Déprogrammer des interventions, priver de soins des patients non covid. L'idée met le docteur Bourgade très mal à l'aise. Il faut dire que le chirurgien et bien d'autres praticiens de la clinique Trénel, à Sainte-Colombe dans le Rhône, ont mal vécu la gestion de la première vague.Mi-mars : la déprogrammation des interventions chirurgicales est totale, et une unité provisoire de réanimation est mise en place. Mais aucun patient Covid n'y sera jamais transféré. Les chirurgiens, faute de qualifications pour rejoindre les rangs de la réanimation ou des soins critiques, se retrouvent à ne rien faire pendant deux mois.
Déprogrammer à nouveau, cela veut dire que l'on va rester chez nous et ne pas être utile aux patients. On ne soignera personne.
Le retard pris dans la prise en charge et les soins non-Covid n' est pas encore absorbé
Dans cet établissement privé, les praticiens estiment qu'il n'y a pas d'urgence à déprogrammer de partout. L'Agence Régionale de Santé veut anticiper, les praticiens, eux, ne voient pas encore de raisons sanitaires suffisantes pour accepter les déprogrammations des soins et opérations des malades non-Covid.À La clinique Trénel, la reprise d'activité a été progressive à la mi-mai 2020, après la première vague. Cinq mois plus tard, tout le retard pris dans les soins traditionnels n'a pas encore été absorbé, précise le Dr Jean Lienhart. Le chirurgien urologue, qui n'a pas exercé non plus pendant deux mois sauf urgence, rappelle surtout que "des pathologies ont été négligées, des cancers diagnostiqués plus tardivement, et de fait à des stades plus avancés". Président de la Commission Médicale de l'Établissement, le Dr Lienhart milite, lui-aussi, pour un maintien des activités classiques.
Pour une réelle concertation sur le territoire
Depuis le début de la crise sanitaire, l'Agence Régionale de Santé s'appuie sur les Hospices Civils de Lyon pour coordonner la prise en charge des malades Covid sur le territoire du Rhône et du nord Isère. Tous les établissements de santé, publics et privés, sont concernés, placés d'une certaine manière sous la coupe des HCL.Fermer un bloc opératoire libère quatre soignants pouvant rejoindre la réa et la prise en charge de malades du coronavirus. "À la clinique Trénel, nous avons dix blocs, et une dizaine de soignants ont ainsi pu renforcer la prise en charge des malades de la première vague", explique Bruno Masson.
En cette mi-ocotobre, le directeur de la clinique privée se dit de nouveau prêt à participer au nouveau plan de bataille. Mais il souhaite également "faire cohabiter soins traditionnels et prise en charge Covid".
Pour éviter l'inactivité, l'établissement propose, par exemple, d'assurer de la chirurgie ou des soins d'urgence qui soulagerait son voisin, l'hôpital de Vienne. L'ARS indique que ce type de propositions locales pourront faire l'objet d'une concertation avec les Hospices Civils de Lyon.