Marie-Pierre Porchy a été juge des enfants, magistrate au parquet, juge d’instruction, juge des libertés et de la détention et vice-présidente du tribunal judiciaire de Lyon. Son dernier ouvrage, "Consentements - Les vérités d’une magistrate" a été publié en octobre dernier. Elle revient sur la proposition de loi dont la députée du Rhône Marie-Charlotte Garin est co-rapporteure.
La mission parlementaire portant sur la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, lancée en 2023, a rendu ses conclusions dans un rapport final présenté par la députée macroniste Véronique Riotton et la députée écologiste du Rhône Marie-Charlotte Garin, co-rapporteures du texte. Le rapport a été dévoilé le 21 janvier dernier. Il examine les notions de consentement et de non-consentement.
Définition pénale du viol : quatre critères
Actuellement, la définition pénale du viol dans la loi repose sur quatre critères : la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Parmi les "grandes orientations" du rapport, les parlementaires conseillent de "conserver" et "consolider" les quatre critères de la définition actuelle, "afin de conserver l’acquis jurisprudentiel". Elles proposent cependant d'introduire la notion de consentement dans la définition du viol et des agressions sexuelles. "Très rapidement, lors de nos travaux, il nous est apparu que la loi devait être modifiée", a expliqué Véronique Riotton lors de la présentation des conclusions du rapport. "La jurisprudence, bien qu'elle soit riche, ne parvient pas à combler le silence de la loi sur la notion du consentement qui est évoquée partout", déplore Véronique Riotton. La définition pénale du viol en France ne retient pas la notion de consentement pour qualifier le viol.
"Bien que la question de l’existence ou non du consentement soit omniprésente tout au long de la procédure judiciaire, il reste absent de la définition du viol dans le Code pénal", souligne le rapport dans sa synthèse. "Faute de définition claire, le consentement est souvent instrumentalisé par les agresseurs ("Je ne pouvais pas savoir", "Elle n’a rien dit"), ce qui alimente les stéréotypes sur le viol, complique les dépôts de plainte et engendre de nombreux classements sans suite, au détriment des victimes", poursuit le texte.
Consentement...
"L'Europe aujourd'hui nous oblige à engager un débat sur l'introduction de la notion de consentement dans la loi", indique Marie-Pierre Porchy. Le rapport parlementaire évoque notamment la Convention d’Istanbul, ratifiée par la France, qui fait "clairement référence à l’absence de consentement, examinée à la lumière des circonstances environnantes, dans la définition du viol".
Le rapport parlementaire rappelle également qu'"un nombre croissant de pays de l’Union européenne ont intégré la notion de consentement dans la définition du viol". Pour Marie-Pierre Porchy, la loi doit évoluer, mais il faut prendre des précautions.
Je crois qu'on peut changer la loi. Qu'il le faut. Mais il faut bien réfléchir : comment règlemente-t-on cette situation. Il y a de multiples formes de consentement et la loi doit répondre à toutes les situations"
Marie-Pierre Porchy
... non-consentement
La mission parlementaire propose d’intégrer la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol et des agressions sexuelles. "En inscrivant clairement le non-consentement dans la loi, on donne aux juges un outil supplémentaire pour poursuivre davantage de mis en cause", estime Marie-Charlotte Garin sur le réseau social X.
"La nouvelle définition doit préciser que le consentement est spécifique, doit être donné librement et peut être retiré à tout moment", jugent les rapporteures. "Cette réforme doit être accompagnée de moyens renforcés pour l’ensemble de la chaîne judiciaire et d’une lutte résolue contre la culture du viol" ajoute la députée du Rhône.
Cette réforme doit s’accompagner de moyens renforcés pour l’ensemble de la chaîne judiciaire, afin de déconstruire la culture du viol.
— Marie-Charlotte Garin (@MC_Garin) January 27, 2025
Cette réforme doit permettre au droit pénal de mieux remplir ses fonctions : répressive, protectrice et expressive. pic.twitter.com/Je8vJKOgMV
"Circonstances environnantes"
Mais selon le rapport, une réforme de la définition du viol consistant à introduire uniquement la notion de non-consentement serait insuffisante. Il conviendrait de prendre en compte les circonstances dans lesquelles le consentement est recueilli. Le texte propose notamment d'"apprécier l’absence de consentement au regard des circonstances environnantes", pour "éviter que l’investigation ne soit centrée uniquement sur la plaignante ou que la notion de consentement ne se retourne contre elle (victimes vulnérables, stratégies de certains agresseurs)".
Sur ce point, Marie-Pierre Porchy dénonce surtout une absence de clarté. "Quand on va aller dans les écoles pour expliquer ce que dit la loi sur le consentement, on va leur lire ça : 'l'expression du consentement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes doit être recherchée'. Je ne sais pas qui pourra comprendre cette phrase", s'emporte Marie-Pierre Porchy. La magistrate évoque une proposition de loi "assez incompréhensible".
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Emprise et vulnérabilité
Actuellement, le traitement judiciaire ne prend pas forcément en compte les cas de sidération, de contrôle coercitif ou encore l'exploitation de la vulnérabilité. Dans son rapport, la mission propose "de préciser que le consentement ne peut être déduit dans des situations où la victime est dans l’incapacité d’exprimer son refus. Les situations dans lesquelles la vulnérabilité de la victime est exploitée doivent également être mieux prises en compte."
De son côté, Marie-Pierre Porchy avance sa proposition, à savoir : "Tout acte sexuel commis dans un contexte démontrant l'absence de volonté manifeste de participer à l'acte ou l'impossibilité de manifester un accord". Une proposition qui, selon elle, inclut des notions qui vont au-delà des quatre critères de la définition pénale du viol : "On vise la sidération, l'emprise psychologique, la prise d'alcool et de stupéfiants", conclut la juriste.
Le texte devrait être débattu fin mars.