Simple, rapide, efficace. La start-up lyonnaise Ziwig a présenté la semaine dernière son test salivaire pour détecter l’endométriose. Une véritable révolution, dans le monde de la santé, qui suscite beaucoup d’espoir chez les spécialistes et les patientes. Témoignages.
« Il suffit de remplir un petit tube avec de la salive, de le refermer et de l’envoyer au laboratoire par la poste, avec une enveloppe déjà affranchie », explique le Dr Poilblanc, gynécologue spécialiste de l’endométriose, en manipulant le nouveau test présentée à la presse la semaine dernière. Simple, rapide, efficace… et révolutionnaire…
Une innovation mondiale, imaginée à Lyon. La start-up Ziwig, spécialisée en intelligence artificielle, est à l’origine de cette invention qui pourrait bouleverser le quotidien des femmes atteintes de la maladie. Pendant trois ans, médecins, scientifiques et ingénieurs ont travaillé de concert, dans le cadre d’un partenariat public-privé.
Un « procédé révolutionnaire »
En réalité, le test est innovant car il mixe deux technologies de pointe, connues depuis quelques temps déjà. D’une part, l’intelligence artificielle, capable d’analyser de grandes masses de données. Et les micro-ARN, ces bio-marqueurs nouvelle génération, non-codants, présents notamment dans la salive. Pour faire simple, dans la salive, l’intelligence artificielle est capable de repérer 2600 molécules (les micro-ARN) et de repérer les 109 qui peuvent être responsables de l’endométriose.
Longtemps ignorée, l'endométriose est une maladie qui atteint les parois utérines provoquant des douleurs chroniques, notamment au moment des règles
« On a en quelque sorte craqué la signature de l’endométriose », synthétise Gilles Doumer, vice-président de la start-up Ziwig. « Dans la salive, on récolte un tel volume de données que le cerveau humain ne peut pas les traiter, il nous fallait donc l’intelligence artificielle, des modèles mathématiques et des algorithmes complexes, pour retrouver ceux qui sont à l’origine de la malade ».
Eviter l’errance médicale et la souffrance quotidienne
Le diagnostic est disponible en quelques jours seulement… Et fiable à presque 100%, selon la start-up. Manon Bouley, elle, a attendu douze ans. Une errance médicale que partagent la plupart des femmes atteintes par l'endométriose, maladie encore méconnue. Alors que les premiers symptômes sont apparus lorsqu’elle avait 20 ans, Manon n’a obtenu de diagnostic qu’en septembre dernier. « Pendant 12 ans, je me suis demandée ce que j’avais, si j’étais folle, si j’étais chochotte, chose que j’ai entendue de la part de médecins notamment. J’avais l’impression que c’était dans ma tête, que je supportais mal la douleur », raconte la jeune femme.
Douze ans d’interrogations et d’examens différents. « J’ai vu une dizaine de médecins, des gynécos, des généralistes, des spécialistes, j’ai vu des urologues, j’ai fait au moins 5 échographies ovariennes, je me suis un peu heurtée à des portes fermées et à des médecins pour qui c’était normal, d’avoir mal lorsqu’on avait ses règles ».
Avec un sourire un peu amer, elle se souvient des absurdités qu’elle a pu entendre.
« Je me rappelle d’un gastro qui m’avait dit, de toutes façons vous êtes stressée, les femmes sont stressées, cela amplifie les douleurs et c’est normal. J’avais envie de lui dire que non ce n’est pas normal de s’évanouir quand on a ses règles, que mon mari, quand il me retrouvait par terre dans les toilettes, non ce n’était pas normal, et qu’il y avait quelque chose qui expliquait ça ».
Manon Bouley
A l’évocation de ce test révolutionnaire qui pourrait permettre d’être fixée en quelques jours seulement, Manon émet quelques réserves. Elle préfère attendre qu'il soit validé et de voir dans quelle mesure il sera disponible avant de se réjouir. « Mais c’est sûr que si l’on avait pu me dire tout de suite, à l’époque, oui vous avez une maladie chronique qui explique tous vos symptômes, c’est sûr que cela m’aurait fait du bien de l’entendre ». Et d’ajouter, « c’est très prometteur, j’espère vraiment que cela pourra aboutir et être validé, pour que réellement on puisse aider les femmes, et rapidement ».
Eviter la chirurgie et l’évolution de la maladie
Un espoir que partagent de nombreux spécialistes. Le test a pour l’instant été évalué sur 200 femmes, dans six hôpitaux français, donc le CHU de Lyon Sud. Car aujourd’hui, les examens qui permettent de diagnostiquer la maladie peuvent être très lourds. Des échographies, des IRM et surtout, en dernier recours, une chirurgie, la cœlioscopie, pratiquée sous anesthésie générale. « L’endométriose est une maladie qui a plusieurs formes, donc certaines sont superficielles. Ces formes-là sont parfois invisibles lors des échographies et même des IRM. Quand les patientes sont atteintes de ces formes-là,, on peut leur proposer une célioscopie d’évaluation, et cette célioscopie elle est parfois négative. L’opération a donc été faite pour rien, en quelques sortes », explique le Dr Poilblanc.
« La mise au point d’un test diagnostic non invasif de l’endométriose était un besoin médical majeur », ajoute-t-on chez Ziwig. « Et ce test va permettre une désescalade chirurgicale », promet Gilles Doumer, l’un de ses présidents.
Un dépistage rapide et précoce pourrait également limiter l'aggravation de la maladie et de ces symptômes. « Plus la douleur va être chronique, plus elle va faire mal, et plus la moindre sollicitation des organes va être douloureuse. La vessie se remplit, ça va donner des douleurs, le tube digestif se remplit, ça va donner des douleurs », affirme le Dr Poilblanc.
« Et ça, c’est parce que l’endométriose, en évoluant, avec son lot de douleurs répétées, va entraîner l’hypersensibilisation des patientes. Si l’on peut casser ces mécanismes le plus tôt possible, grâce à ce test par exemple, cela va permettre aux patientes d’avoir moins mal, mais aussi d’éviter l’évolution de la maladie ».
Dr Poiblanc, gynécologue
Une hypersensibilité dont se serait bien passée Manon Bouley. « C’est clair qu’on perd un temps fou et la maladie progresse. La maladie a vraiment gagné du terrain chez moi, notamment sur le plan digestif, et aujourd’hui j’ai des lésions qu’il va sans doute falloir opérer parce qu’on a beaucoup trop traîné. Probablement que si elles avaient été diagnostiquées plus tôt, elles auraient pris moins d’ampleur, et elles auraient pu peut-être être contrôlées ».
Un encadrement médical nécessaire.
Un horizon prometteur, mais que le gynécologue souhaite voir bien encadré. « Que cela soit au moment de l’explication du fonctionnement où au moment de faire le test, il faut que la patiente puisse être accompagnée par son médecin ou par les pharmaciens, si on décide que c’est aux pharmaciens de le distribuer. Et il faut que le résultat soit rendu aux patientes dans le cadre d’une consultation, parce qu’il s’est positif, il va falloir bien l’orienter, et s’il est négatif, cela peut parfois être très déroutant pour les patientes, car elles continuent d’avoir mal », assure le Dr Poilblanc.
Il ajoute également qu’en dehors du dépistage précoce, c’est sur la formation des médecins qu’il va falloir insister. L’endométriose et ses symptômes variés est encore très mal connue par le corps médical.
Le test n’est pas encore commercialisé. Ziwig attend le feu vert de la Haute Autorité de Santé, et préfère attendre qu'il puisse être remboursé par la Sécurité sociale avant de le mettre sur le marché. Et si la procédure peut parfois prendre un peu de temps, les déclarations du ministre de la Santé, Olivier Véran, sont assez encourageantes. Il a détaillé, cette semaine, la 1ère stratégie nationale de lutte contre l'endométriose. Une reconnaissance et une prise en compte que les patientes attendaient depuis longtemps. En France, une femme sur dix souffre d'endométriose.