Chaque année, le 8 mars, les femmes ont droit à leur journée. Célébrée en France depuis 1982, la journée internationale des droits des femmes améliore-t-elle le sort de la moitié de la population ? Pas réellement, elle conserve néanmoins son utilité selon les membres des associations féminines et féministes, "Elles aussi" et "Femmes Solidaires" de Lyon.
Le 8 mars est dans l'esprit de chacun "la journée des femmes". Pourtant, des décennies après la création d'une journée spéciale en France, les associations le confirment : seules les lois quand elles sont appliquées changent la vie des femmes.
Denise Margery est présidente de l'association "Femmes solidaires du Rhône". Rue Garibaldi à Lyon, les mardis après-midi, l'association accueille les femmes pour les informer sur leurs droits et les accompagner dans leurs démarches.
Des dispositifs existants mais sans effet
"On multiplie depuis 83 des dispositifs sans effet. L'inégalité salariale homme-femme subsiste. De même, qu'il n'y a pas d'égalité de représentation dans les lieux publics. Les noms des rues et des places sont principalement masculins," explique-t-elle.
Denise étoffe son explication en prenant le domaine de la culture où les femmes sont sous représentées dans les postes tels que directrice de théâtre ou de festival, cheffe d'orchestre.
Pour Denise, le fameux partage des taches n'est toujours pas équitable entre les hommes et les femmes.
Tant que les lois ne seront pas appliquées, il y aura toujours un retard sur les réponses à apporter sur le droit des femmes
Denise Margery, présidente de Femmes Solidaires du Rhône
"Concernant les violences faites aux femmes, les lois et les décrets de 2010 dits "ordonnance de protection" restent sans effet", affirme Denise Margery. "En Espagne, ils enregistrent plus de 2000 dossiers de protection par an. En France, nous en sommes, début mars, à 30 féminicides", déplore Denise.
"La loi sur la protection des femmes est appliquée en Espagne, pas chez nous, martèle Denise, alors que la France s'est basée sur la loi espagnole pour l'établir chez nous."
Les femmes moins bien payées et plus précaires
Elle dénonce des démarches d'annonce. "Il y a toujours un réel décalage sur le déroulement de carrière entre un homme et une femme. Un écart de salaire de 20% subsiste sur un même poste. N'oublions pas que l'écart est tel que l'on considère que les femmes ne sont plus payées à la mi novembre contrairement aux hommes. D'ailleurs, la précarité touche plus les femmes que les hommes" conclut-elle.
Les lois sont faites par et pour les hommes
Reine Mataix-Lepinay
Pour Reine Mataix-Lepinay, c'est par le dispositif législatif que la situation des femmes doit évoluer. Co-présidente du réseau "Elles aussi" et membre du Haut Conseil à l'Égalité, elle est également présidente de la fédération des CIDFF (centres d'informations sur les droits des femmes et des familles) Auvergne Rhône Alpes.
Forte de ses différentes casquettes, elle porte un regard en demi-teinte sur la présence des femmes dans la vie politique française. "Les femmes doivent beaucoup à l'Europe", dit-elle. "Le conseil de l'Europe de 1992 a fait naitre un grand mouvement associatif, il a fait un bilan sur l'avancée de la place des femmes en politique et le constat est sans appel : les femmes n'étaient pas présentes partout " explique-t-elle.
Des femmes plus présentes en politique...
"On a pris conscience à ce moment que rien ne bougeait. Á l'époque, la parité était vue comme une forme de quota. La parité, c'est l'égale représentation dans les assemblées d'hommes et de femmes, car, poursuit-elle, l'humanité est composée d'hommes et de femmes."
En France, à cette époque, une simple ligne est rajoutée au premier article de la Constitution de 1958 : "La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales."
...à des délégations moins stratégiques
Pour Reine Mataix-Lepinay, les choses évoluent quand la loi impose la parité. Elle dénonce cependant une parité de façade et s'appuie sur deux rapports établis en 2022 par le haut conseil de la parité. "Le premier traite de la représentation des femmes dans les petites communes, les assemblées locales. Il met en évidence une forme de cloisons de verre pour les femmes. Les hommes récupèrent des délégations "utiles" qui vont d'ailleurs leur permettre de développer des réseaux pour préparer la prochaine échéance électorale." Elle souligne le même phénomène au niveau du gouvernement. "Sur dix femmes, il y en a neuf qui sont secrétaires d'Etat."
"La journée de la femme a son utilité, ne serait-ce que pour dire à tout le monde que ça n'est pas terminé, qu'il y a encore du chemin à faire en entreprise comme en politique", affirme-t-elle.
La prochaine étape? Pour Reine, il est indispensable de constitutionnaliser le principe de parité dans les assemblées politiques. "Il faut obtenir une parfaite égalité dans les assemblées qui décident de la loi", conclut-elle