Des particuliers sont sommés de quitter des parcelles qu'ils cultivent depuis plusieurs décennies pour certains. Ces terrains, qui appartiennent à SNCF Réseau, sont situés en bordure de voies ferrées. Quitter ces petits coins de verdure, un crève-cœur pour ces jardiniers du dimanche qui avaient monté une association.
Surplombant les voies ferrées, un petit jardin a vu le jour dans le quartier Gorge de Loup grâce aux bons soins d’Éliane et Jacky Josserand. Dans ce coin de verdure, la pousse des légumes est rythmée par le passage des trains. Pas de barrière, pas de grillage. Depuis plus de 50 ans, le couple cultive tomates, asperges et autres légumes sur cette mince parcelle. Une petite histoire potagère sur le point de s'achever.
La fin des haricots
"On ne venait pas tous les week-ends, mais très régulièrement. On venait en semaine récupérer nos légumes. Le week-end, quand il faisait beau, on venait pique-niquer ici. On emmenait nos petits-enfants au jardin. Il y avait une bonne ambiance. C'était sympa, c'était super," raconte Éliane.
Ces parcelles étaient autrefois entretenues par des cheminots. Le père d'Éliane était l'un d'eux. Ces parcelles en bordure de voies ferrées étaient exploitées depuis 2008 par l’association "Les Jardins de Gorge-de-Loup". Mais SNCF Réseau, propriétaire du terrain, a décidé d'y mettre fin en décembre dernier. Une plainte aurait même été déposée pour occupation illicite du domaine public. Les jardiniers sont dépités.
Qu'on nous mette dehors aussi rapidement, c'était très violent. On n'a pas compris. C'est triste.
Eliane JosserandJardinière à Gorge-de-Loup depuis 50 ans
"Chamboulée", Éliane dénonce une méthode brutale. "On ne nous a même pas téléphoné. C'était une affiche sur un portail avec 6 mois d'emprisonnement et des milliers d'euros d'amende. C'est très triste. On a entretenu les voies pendant plus de 50 ans. Les cheminots ont fait quelque chose de bien pour avoir un petit jardin à leur convenance. D'un seul coup, on nous traite comme des squatteurs (...). C'était notre jardin depuis 50 ans, c'est une vie. Quatre générations sont venues ici", déplore Éliane. Avec son mari, elle a déjà commencé à vider les lieux. Un crève-cœur.
Demande de délai
La quinzaine de jardiniers avait en théorie un mois pour tout débarrasser. Ils sont encore là, espérant pouvoir faire leurs dernières plantations et récoltes cette année.
Ça fait longtemps qu'on est ici. Le terrain leur appartient, on doit partir, c'est normal, mais on veut un délai. On a passé des bons moments ici, mais tout se termine.
Antonio Da Costajardinier à Gorge-de-Loup depuis 6 ans
La demande de SNCF Réseau tombe mal pour les jardiniers avaient commencé à préparer le terrain pour les prochaines cultures de légumes. "On voulait planter nos pommes de terre. On voulait un délai jusqu'à fin septembre ou octobre. Le temps de faire la récolte. Et puis on range et on leur rend le terrain," explique simplement Antonio Da Costa, jardinier sur ce terrain depuis six ans. "On a acheté des semences, des boutures, du foin. On n'a pas d'autres jardins et on ne nous a rien proposé pour l'instant", précise-t-il. Antonio, comme les autres membres de l'association, comprend qu'il leur faut rendre les terrains à leur propriétaire. Ils se demandent pourquoi ils doivent quitter les lieux aussi subitement.
L'argument de la sécurité
De son côté, SNCF Réseau justifie cette décision par un impératif de sécurité. "Certaines parcelles sont situées au-dessus de l’entrée d’un tunnel et très en surplomb des voies ferrées. Cette zone n’est pas équipée de rambardes et ne peut pas l’être. On ne peut pas prendre le risque de chute d'outils de jardinage ou pire d'accident de personne à cet endroit", explique SNCF Réseau.
"L'occupation de nos parcelles par ces jardins a été tolérée au départ, mais comme elle a pris beaucoup d'ampleur, nous sommes contraints d'y mettre un terme aujourd'hui", précise le gestionnaire d'infrastructure ferroviaire.
SNCF Réseau se dit conscient de l’impact de cette décision sur les jardiniers, et assure qu’ils prendront contact rapidement avec eux.