Pour son ouverture de Festiv.iel, le théâtre de la Croix Rousse à Lyon a donné carte blanche à Soa de Muse, ex-finaliste de Drag Race France I. Pour l’avant-première de son spectacle "Diaspora", elle a invité trois consœurs sur la scène.
En choisissant de programmer un spectacle de Drag, Courtney Geraghty, la directrice de la Croix Rousse à Lyon, offre l’occasion aux artistes exerçant l’activité de Drag-queen de sortir de leur terrain habituel de cabaret ou de tournée post-émission de télé façon Drag Race France. C’est une façon pour elles de mettre leurs plateforme-shoes dans la porte d’une institution culturelle.
Et Soa de Muse y va de ses deux pieds. Non seulement elle invite les copines à défiler et assurer le play-back sur scène mais elle choisit de porter une cause : la dénonciation des stéréotypes sur les mondes africains. D’origine martiniquaise, elle revendique une résistance queer et noire. Elle partage donc la scène avec des figures « racisées » de la scène Drag. Mami Watta, venue de la Côte d’Ivoire et que vous avez peut-être vue en finale de Drag Race France II, Shei Tan, créole, née à la Réunion et la régionale de l’étape Afrodite Amour d’origine guadeloupéenne et passée rapidement par Drag Race III.
Spectacle afro queer
Le propos est planté d’entrée avec une courte vidéo de Christiane Taubira parlant de cultures nègres. Entre les défilés chantés de chacune des artistes, Soa de Muse exprime sa colère. Elle se pose en militante dénonçant les colonialismes et les racismes qui ont jalonné l’histoire noire. Elle et ses copines font le show drag pour lequel le public fan est venu. Musiques noire américaine ou caribéenne à l'appui. Mais Soa de Muse se présente aussi en guerrière drag brandissant au milieu du public son sabre laser rouge sur des rythmes de combattante.
Le message est peut-être un peu court mais la présence de cet univers afro queen dans un théâtre pose la question de l’institutionnalisation de ces cultures. C’est d’ailleurs un débat qui a été ouvert par le journaliste Mathis Grosos à l’issue du spectacle. Va-t-on vers une institutionnalisation des cultures queer ?
Franchir les portes des théâtres
L’aspect de contreculture des spectacles queer se dilue forcément quand ils franchissent la porte d’un théâtre public. Le côté bricolage à paillettes, festif, perd sans doute un peu de son impact et de son charme des petits lieux habituels de résidence. Mais l’entrain de ces drags est communicatif.
C'est un privilège de pouvoir s'exprimer dans une institution
Mami Watta
Mami Watta s’étonne encore de pouvoir s’exprimer ainsi en toute liberté, en pensant à ses ami.e.s de Côte d’Ivoire. C’est cette liberté et cet espace d’expression que continue d’offrir Courtney Gerharty, la directrice du théâtre de la Croix Rousse au travers de la programmation tout au long de l’année. Plus particulièrement au fil du Festiv.iel, "temps fort dédié au féminisme inclusif, aux cultures queer et aux questions de genres".
Le festiv.iel au théâtre de la Croix Rousse court jusqu’au 30 novembre prochain avec quatre spectacles et de nombreuses rencontres. A suivre en particulier en partenariat avec le théâtre des Célestins "la nuit se lève" mise en scène par Mélissa Zehner.