Témoignage. Lyon : "Pendant une demi-heure j’ai hurlé. Personne n’est venu. J’ai accouché toute seule" à la maternité

Publié le Mis à jour le Écrit par Dolores Mazzola

Une jeune femme de 30 ans, accueillie à la maternité du centre hospitalier lyonnais Saint-Joseph Saint-Luc, a donné seule naissance à son enfant le 7 juin dernier. Aucune assistance médicale à l'accouchement pour la mère et sa petite fille. Une enquête interne a été ouverte. 

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L'affaire s'est bien terminée pour Coline, une maman lyonnaise et son nouveau-né, mais elle aurait pu virer au drame. C'est le Progrès qui relate la mésaventure survenue le 7 juin dernier, à Lyon. La jeune mère lyonnaise arrive à 5h30 du matin à la maternité du centre hospitalier Saint-Luc Saint-Joseph pour accoucher de son deuxième enfant. 

Après les formalités administratives et un premier examen, elle est installée dans une salle d'accouchement vers 6h30 du matin. Les contractions se rapprochent et en fait part à la sage-femme. Cette dernier indique alors qu'elle va chercher l'anesthésiste pour la péridurale... elle ne reviendra pas ! 

Alors que la parturiente se trouve seule dans la pièce, sans sonnette d'appel, les contractions se rapprochent. La jeune femme, qui n'a pas bénéficié d'une péridurale, n'est à ce moment plus en mesure de se lever. Malgré ses appels et ses hurlements, personne ne vient à son aide. Son enfant naît une demi-heure plus tard. A 7h28, indique le registre de l'hôpital. La mère trouve alors la force de se lever avec l'enfant encore attachée au cordon et de se rendre dans le couloir... La mère et l'enfant prénommée Lou vont bien. 

La maternité a enregistré 2 388 naissances en 2018. Comment une telle situation a-t-elle pû se produire ? Pic d'activité ? Manque de personnel ? Mauvaise organisation ? Problème de passage de relais entre les équipes ? Pour la direction de l'hôpital privé, il s'agit d'une "situation totalement exceptionnelle et inacceptable pour les parents mais également pour les soignants". Une enquête interne est en cours. 
 
Un mois, presque jour pour jour après la naissance de sa deuxième fille, Coline raconte devant les journalistes le déroulement son accouchement… 

« C’est ma deuxième fille. J’ai eu une grossesse tout à fait normale et je suis arrivée à la maternité dans les temps. J’ai été prise en charge par l’équipe de nuit qui m’a dit que le travail était en cours, qu’on allait me transférer en salle d’accouchement une fois que la relève serait effectuée. Donc c’est une personne de l’équipe de jour qui m’a prise en charge par la suite et qui m’a installée en salle d’accouchement. Je crois que les informations se sont un peu diluées entre les personnels puisque au moment de m’installer elle m’indique que l’anesthésiste est prévenu et qu’il vient me poser la péridurale. Et personne n’est jamais venu. Elle n’est pas revenue, je n’ai jamais vu d’anesthésiste et je n’ai pas revu de personnel soignant jusqu’à ce que j’aille en chercher dans le couloir une fois qu’elle (sa fille) était née. »

Le récit de son accouchement traumatisant est quasi clinique... 

« Très concrètement, je suis installée sur la table en attendant la péridurale, donc installée pour l’anesthésiste… et puis je sens que le travail est de plus en plus difficile. Donc je ne tiens pas debout, je cherche désespérément la sonnette pour alerter, sonnette que je ne trouve pas et qui finalement était accrochée à une potence mais au milieu de plein de fils et que je n’ai pas vue. Je n’ai pas pu appeler. Donc je commence à appeler à la voix en entendant moi-même des voix dans le couloir. Je sais qu’on peut m’entendre. J’appelle désespérément, personne ne vient et je me mets au bout d’un moment sur la table et je hurle de douleur parce que j’accouche. Et à ce moment-là (je suis) au moins soulagée parce que je me dis qu’en hurlant de cette façon quelqu’un m’entendra forcément et viendra. Et pendant une demi-heure j’ai hurlé. Personne n’est venu. J’ai accouché toute seule. Elle est née sur la table. Et à ce moment-là, toujours personne. J’ai continué à appeler en disant cette fois « mon bébé est né » pour que vraiment quelqu’un se manifeste. Personne. J’ai attendu cinq minutes, je ne savais pas quoi faire. Je ne savais pas si je pouvais la prendre ou pas. Elle avait un peu le cordon autour du cou, je n’ai pas osé… et puis au bout de cinq minutes je me suis dit qu’il fallait réagir, qu’il fallait faire quelque chose.Je suis sortie avec elle dans le couloir. Voilà … avec le bébé dans les bras et à ce moment-là branle-bas de combat quand l’équipe soignante m’a vu tout le monde s’est affairé, tout le monde est venu prodiguer les premiers soins. »

La jeune maman explique qu’elle n’a pas eu le temps de paniquer, loin d’imaginer un instant qu’elle allait accoucher toute seule.

«  J’attendais que quelqu’un entre dans la salle d’un moment à l’autre. Pour moi quelqu’un allait venir, nécessairement. Donc je n’ai pas eu le temps de paniquer mais je n’ai pas non plus réfléchi à ce qui se passait. Je pense que c’est l’instinct de survie qui s’est mis en route. »

A sa sortie de la salle où elle venait de mettre au monde sa fille, sans aucune assistance, elle découvre un personnel médical médusé et catastrophé.

« J’ai lu tout de suite dans les regards beaucoup de surprise. Evidemment ils se sont immédiatement affairés et immédiatement excusé, l’obstétricien de garde et le cadre de santé. »

Pour la jeune femme, l’explication des faits fournie par le médecin qui a suivi sa grossesse et qui était de garde ce matin-là, est loin d’être satisfaisante … d’autant qu’elle n’a pas rencontré la direction de l’établissement de santé.

 «
 C’est un enchaînement de dysfonctionnements. Un enchaînement de défauts de communication, d’informations diluées entre les personnels. La relève aussi n’a pas aidé entre les deux équipes. Je pense qu’il y a eu une perte d’informations. Peut-être un manque de personnel dans le sens où il y a eu beaucoup d’accouchements imprévus ce matin-là… »

Aujourd'hui, la jeune femme n’entend pas porter plainte, « on n’est pas dans un cadre pénal, » explique-t-elle. Pour Coline, si des excuses de la direction s’avèrent insuffisantes, elle entend bien trouver « une solution amiable », une réparation symbolique. 
« Ils ont pris des mesures pour l’avenir. Ils m’ont expliqué un certain nombre de choses faisant que ça ne pouvait pas se reproduire aujourd’hui. J’en suis satisfaite pour les futures patientes…mais moi sachant que je n’accoucherai plus là, ça m’apporte assez peu de réconfort. Donc j’espère avoir une réponse du directeur de l’établissement, de son assurance peut-être même symbolique mais qu’il y ait une sorte de réparation. Mais pour l’instant j’attends toujours. »

Le plus grand réconfort aujourd’hui pour la jeune maman la santé de son enfant qui est « en pleine forme ».  Mais pour Coline, c’est psychologiquement que les choses sont compliquées : « Moi je vais bien mieux et je suis suivie par deux psychologues qui m’aident beaucoup. Ça reste douloureux et ce qui me pèse le plus c’est de ne pas repenser à cet accouchement comme un moment heureux.»

Au moment de son accouchement, la jeune femme a ressenti « un grand sentiment d’abandon. » 
« C’est ce qui a été le plus difficile à vivre. Ça me serait arrivé dans mon salon, on aurait compris. Mais là, je suis au milieu d’un hôpital, je sais qu’il y a des médecins partout, des sages-femmes partout autour de moi et personne avec moi à ce moment-là alors que j’en ai véritablement besoin. Un grand sentiment d’abandon que j’ai du mal à dépasser… ». 


Un grand moment de solitude d’autant que le père n’a pas pu être présent.
« Il était tout près, en salle d’attente mais il a respecté la consigne. On lui a dit qu’on me posait une péridurale et que l’anesthésiste préférait que le papa n’y assiste pas. Donc il a attendu, jusqu’à ce qu’on vienne le chercher pour lui dire « votre fille est née ». Heure officielle de la naissance 7h28 !
 

Intervenants : Coline, maman de Lou / Emmanuel Vivier, Président commission médicale d'Etablissement St-Joseph/St-Luc ©France 3 RA

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