Lyon : "un parlementaire et un collaborateur avaient leurs mains sur mes fesses", Ninon Guinel, cheffe de cabinet du maire de Lyon, dénonce une agression sexuelle

Ninon Guinel est cheffe du cabinet du maire Lyon. Le 21 novembre 2021, elle raconte avoir été agressée sexuellement en 2015 par un cadre de son parti politique, Europe Ecologie les verts. Elle était encore stagiaire.

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Le 21 novembre dernier, cheffe du cabinet du maire de Lyon, Ninon Guinel sort de son silence et annonce avoir été victime d'une agression sexuelle en 2015 par un cadre de son groupe politique Europe Ecologie Les verts, alors qu'elle était encore stagiaire. Elle raconte son histoire à Olivier Michel, dans le rendez-vous quotidien de France 3 Rhône-Alpes "Entre-Deux".

Olivier Michel : Ninon Guinel, vous êtes cheffe du cabinet de Grégory Doucet, vous avez révélé il y a quelques jours avoir été victime d’une agression sexuelle par un cadre d’Europe Ecologie les Verts en 2015. A l’époque vous étiez stagiaire au Sénat, pourquoi avoir décidé de révéler les faits maintenant ?

Ninon Guinel : Tout d'abord, c’est parce que j’ai appris que cet homme-là est devenu cadre dans le secteur de la formation des élus écologistes et quand on est un agresseur sexuel, c’est impossible d’assurer ce travail de formation aux violences sexistes et sexuelles. Depuis "#Metoo" on ne peut pas s’en passer. Il faut former nos élus, nos collaborateurs et collaboratrices. Pour moi c’était indécent qu’il soit à ce poste-là. Ensuite parce qu’on est à la veille d’une élection capitale, la présidentielle et que les violences sexistes et sexuelles en politique sont systémiques. C’est aussi l’occasion de parler de ça.

Olivier Michel : Quand vous étiez au Sénat vous aviez entendu parler de faits similaires ?

Ninon Guinel : L’enquête de Chair Collaboratrices a montré qu’à l’Assemblée Nationale 1 femme sur 5 se déclare victime de violences sexistes et sexuelles et donc au Sénat, j’imagine que c'est pareil.

C’est-à-dire qu’au même instant, j’ai un parlementaire et un collaborateur qui clairement avaient la main sur mes fesses, tous les deux, sans même se rendre compte qu’ils m’agressaient

Ninon Guinel, cheffe du cabinet du maire de Lyon

Olivier Michel : sans entrer dans le voyeurisme, que pouvez-vous nous raconter des faits ?

Ninon Guinel : Cela se passe en août 2015, le soir des universités d’été du parti. On est en boite de nuit, tout le monde est un peu alcoolisé. A ce moment-là il y a un parlementaire qui arrive dans l’établissement, je l’approche et il m’offre un verre. En échange, il s’autorise à me passer la main contre les hanches et me coller contre lui. De la même manière, cet homme-là [ndlr : celui que Ninon Guinel a dénoncé auprès de son parti], qui est alors un collaborateur important et connu et qui est devenu cadre chez les écologistes, fait la même chose. C’est-à-dire qu’au même instant, j’ai un parlementaire et un collaborateur qui, clairement, avaient la main sur mes fesses, tous les deux, sans même se rendre compte qu’ils m’agressaient. Moi, à ce moment-là, je suis stagiaire donc en précarité économique avec les 450 euros de salaire que j’avais à l’époque. Donc, on ne peut rien dire, rien faire. C’est ma parole contre la leur.

Olivier Michel : pourquoi ne pas l’avoir dit plus tôt.

Ninon Guinel : Déjà, il faut se rendre compte que c’est une agression. C’est-à-dire que ces agressions-là sont tellement banalisées que finalement c'est "une main au fesse. Ce n’est pas grave, c’est le jeu de la séduction." Sauf qu’en fait non. C’est une agression. Ensuite ces hommes-là choisissent des proies faciles. C’est-à-dire, la stagiaires, des jeunes qui débutent dans le mouvement et qui du coup n’ont pas le réseau, les attaches, l’assise pour venir raconter ces faits.

Olivier Michel : comptez-vous porter plainte ?

Ninon Guinel : Non. La question s’est posée mais je ne me vois pas aujourd’hui entrer dans ce dédale juridique où c’est ma parole contre la sienne. 

Olivier Michel : vous dites "dédale" ? C’est-à-dire que c’est de nature à dissuader une plainte ?

Ninon Guinel : Oui complètement. Aujourd’hui, il y a 1% des viols qui conduisent à une condamnation aux assises. On touche les limites du système judiciaire français. Là-dessus on a beaucoup à s’inspirer de l’Espagne.

Olivier Michel : vous avez saisi la commission de signalement de votre parti. Vous avez été auditionnée la semaine dernière. Quelles sont les suites ?

Ninon Guinel : Déjà, j’ai eu une vraie écoute. Chez les écologistes, on a commencé ce chemin-là. Celui du féminisme et de la déconstruction donc, on a des militants et des militantes qui savent s’adresser aux femmes victimes de violences sexuelles. La première chose qu’ils m’ont dit c’est "on te croit ". Entendre ça c’est déjà beaucoup. L’audition s’est très bien passée. Derrière je ne vais pas m’engager. On va attendre de voir ce que donne le rapport qui devrait être rendu d’ici la fin de semaine et on verra ensuite les conclusions.

On ne peut pas avoir des responsables politiques qui sont eux-mêmes auteurs de violences sexuelles, sinon rien ne changera jamais

Ninon Guinel

Olivier Michel : Vous avez co-signé une Tribune dans le Monde avec 300 femmes politiques de gauche où vous demandez aux partis d’écarter les auteurs de violences sexistes et sexuelles. Qu’attendez-vous d’eux aujourd’hui, très concrètement ?

Ninon Guinel : De faire de la prévention. Aujourd’hui, on a 3 candidats sur la campagne présidentielle mis en cause dans des affaires de violences sexuelles. Quand on connait l’impact de ces violences, on ne peut pas avoir des responsables politiques qui sont eux-mêmes auteurs de violence sexuelle, sinon rien ne changera jamais. On a quand même, en France, un viol toutes les 7 minutes et un féminicide tous les 2-3 jours.

L’idée n’est pas de se substituer à la justice, c’est d’être en prévention. Je trouve que l’affaire de Nicolas Hulot avec Mathieu l’Orphelin qui était son porte-parole sur la campagne, vient l’illustrer. Yannick Jadot a décidé de le mettre en retrait le temps que l’enquête détermine s’il a couvert ou non les agissements de Nicolas Hulot. C’est tout à fait cela que l’on demande. 

Olivier Michel : qu’est-ce que cela vous inspire le fait que, finalement, il faut attendre le travail des journalistes pour que de nouveau cette parole se libère ?

Ninon Guinel : Pour le coup, je pense que les journalistes sont nos plus grands alliés sur ces questions-là. Médiapart a sorti les affaires sur Zemmour, et maintenant sur Nicolas Hulot [ndlr : sur France Télévision]. C’est vraiment là où l’on touche les limites du droit français comme je disais. Il y a déjà la prescription. Muriel Salmona, qui est psychiatre, le montre très bien aussi : les viols conduisent à des amnésies traumatiques. Donc les victimes peuvent mettre 10-15-20-30 ans pour se souvenir de ce qui leur est arrivé, avec une mémoire très vacillante. Il y a vraiment des enjeux de droit pénal à avoir derrière la tête, et en attendant c’est les journalistes qui peuvent sortir ces affaires.

Olivier Michel : vous avez été au cœur de la campagne municipale et vous occupez aujourd’hui des fonctions à l’hôtel de ville. Avez-vous été témoin d’actes sexistes ?

Ninon Guinel : C’est là ma fenêtre d’espoir. On a des jeunes élus, par leur âge et leur expérience. Je pense qu’ils sont aussi sur ce chemin de la déconstruction de la violence sexiste en politique. Pour le coup cela ne m’est jamais arrivée dans le cadre de mes fonctions à l’hôtel de ville.

Olivier Michel : vous allez quitter votre poste, vous confirmez ?

Ninon Guinel : Oui je ne serai plus cheffe de cabinet de Gregory Doucet après deux années à ses côtés. Je prends un peu de repos.  

Propos recueillis par Olivier Michel.

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