Le maire de Lyon, Gregory Doucet, répond aux questions de France 3 Rhône Alpes en ce début 2022. Il revient sur ses choix politiques, les polémiques qu'il a suscitées, et s'exprime sur les questions d'actualité.
Il démarre sa troisième année à la tête de la plus grande municipalité écologiste de France. En ce début 2022, le maire de Lyon, Gregory Doucet, répond aux questions de Paul Satis.
Première question d'actualité : croyez-vous, comme le président de la République, qu'il faut "emmerder les non-vaccinés" ?
Au-delà de la grossièreté du propos, il faisait référence au passe vaccinal. C'est une mesure punitive que je ne soutiens pas, et qui ne me paraît pas être l’approche appropriée aujourd’hui. Il y a des gens qui ne sont pas vaccinés pour des raisons diverses et variées, il y a d’ailleurs une étude de l’INSERM qui montre qu’un tiers des non-vaccinés sont des gens éloignés du soin. Je crois que la bonne politique c’est plutôt d'accompagner, d'aller vers ces personnes.
C’est aussi ce qui est fait depuis l'arrivée du vaccin...
Pas suffisamment ! Et nous, la ville de Lyon, c'est ce qu'on fait en amenant la vaccination dans les quartiers. Fin janvier, on va l'amener à la duchère pour que les gens y soient plus facilement vaccinés. Mieux vaut convaincre que contraindre.
Depuis votre arrivée à la tête de Lyon, il y a eu beaucoup de polémiques : le tour de France, la viande à l'école, ou plus récemment l'abandon du foie gras dans les cérémonies officielles. Avez-vous été surpris par l'ampleur de ces polémiques ?
Je regrette que la vie politique française soit structurée autour de cette "fabrique" de polémiques. Je crois que ce qui est important, c’est la défense de l’intérêt général. Moi, mon quotidien, c’est de mettre en place une politique qui réponde aux attentes des lyonnaises et des lyonnais : c’est l’apaisement, la piétonisation, la végétalisation de la ville, ne plus avoir d’enfants à la rue…
Mais vous parlez aussi du foie gras, et ce mois-ci du "dry january". Est-ce votre rôle de dicter les comportements des citoyens ?
Je n’ai pas à dicter les comportements mais je suis responsable de l’argent public. Concernant le foie gras, j’ai remis à plat la politique de commandes publiques culinaires de la ville il y a un an, en engageant l’argent public de la manière la plus sobre possible, et en priorisant une alimentation locale, issue d’une alimentation biologique. Il se trouve que le foie gras ne répondait pas à ces critères là.
Un sujet a beaucoup marqué l'année dernière à Lyon : celui de la sécurité. Le quartier de la Guillotière, qui est devenu un symbole national. Quand vous demandez plus de policiers au Ministre de l’Intérieur, ne contredisez-vous pas vos convictions de gauche ?
Pas du tout ! On a des phénomènes de délinquance et d’insécurité dans certains quartiers de Lyon, ce qui m’a conduit à conclure, dès le début de mon mandat, qu’il fallait plus de présence policière. J’ai présenté le constat du déficit de policiers nationaux à Lyon au Ministre, qui y a répondu. Jai fait le même constat avec la police municipale: Lyon en perdait chaque année depuis 2017. En 2021, on a inversé cette tendance. On sait qu’on a besoin d’une police au quotidien, qu'on appelait avant la police de proximité. C'est par une présence humaine qu’on arrive à prévenir certains phénomènes d'insécurité.
Mais le 16 décembre dernier, dans le Progrès, vous dîtes que "la présence policière massive ad vitam aeternam n’est pas la solution"...
On arrivera à faire baisser ces phénomènes avec une approche multi dimensionnelle, pas seulement avec la police. Par exemple, pour les personnes en situation d'addiction, il faut une politique sanitaire spécifique. Et pour apaiser la place Gabriel Péri, nous lancerons des travaux d’aménagements dès le 1er trimestre 2022. La Guillotière est un quartier auquel beaucoup de lyonnaises et de lyonnais sont extrêmement attachés, un quartier cosmopolite, d’histoire ancienne, très riche, qui a été caricaturé dans certains médias, il doit retrouver l’image qu’il mérite.
Le magazine Autoplus sort une enquête qui place Lyon 4e ville la plus embouteillée de France après Rennes, Marseille et Bordeaux. On décompte 17 heures perdues par mois pour les automobilistes. Est-ce que vous voulez les "emmerder" ?
D'abord, le phénomène n’est pas nouveau, il y a déjà eu des épisodes d’embouteillages ds les années 60 et 80. Et avec la crise sanitaire, beaucoup de gens ont préféré reprendre leur voiture pour éviter de s'exposer dans les transports en commun. D'autre part, aujourd’hui on est dans un état d’urgence climatique, on sait que le dioxyde de carbone est essentiellement émis par les véhicules, on a besoin de réduire la pollution atmosphérique.
Mais beaucoup de gens ont besoin de se déplacer en voiture. Et les véhicules polluent de moins en moins, ils seront bientôt tous électriques...
Cela fait 20 ans qu’on nous parle de l’avènement de la voiture électrique ! Un parc automobile ne se change pas du jour au lendemain. Et 30% des déplacements de 1 à 3 km sont encore réalisés en voiture !
Il faut donc contraindre plus qu’inciter ?
Nous proposons des alternatives. Les alternatives c’est la marche, la trottinette, le vélo ou les transports en commun. Ma première priorité, c’est de faciliter la vie des piétons. On a d'abord apaisé les abords de 46 établissements scolaires à Lyon. On a d’autres grands chantiers de piétonisation : demain, ce sera la rive droite du Rhône et la piétonisation partielle de la presqu'ile. La métropole développe les Voies Lyonnaises pour le vélo, et elle prévoit de déployer 25 km de tramway supplémentaires à Lyon, Villeurbanne, Vénissieux, et Saint fons...
L'année 2022 sera marquée par l'élection présidentielle. Le candidat de votre parti, Yannick Jadot, oscille entre 6 et 8 % d'intentions de vote dans les sondages, pourquoi sa candidature ne semble pas prendre ?
Je crois que la campagne électorale n’a pas tout à fait commencé. Aujourd’hui on parle beaucoup de polémiques, notamment celle lancée par le président de la République. Yannick fait une campagne sérieuse, une campagne de fond. Choisir un président, c'est choisir des orientations extrêmement structurantes pour le pays. Or la question climatique par exemple, qui est le problème principal qui se pose à l'humanité, personne n'en parle ! Lui, il en parle. La campagne électorale n'a pas véritablement commencé sur ces sujets-là.
Yannick Jadot refuse la proposition de primaire populaire de la gauche, alors qu'en se rassemblant, la gauche pourrait potentiellement être présente au 2e tour. Pourquoi n'est-ce pas une bonne idée ?
Yannick Jadot a déjà été choisi a l’issue d’un processus démocratique : une primaire très ouverte à laquelle tout le monde pouvait participer ! Il a donc une légitimité démocratique totale. Il est normal qu’il y ait un bulletin Yannick Jadot à la présidentielle. On fait de la politique pour porter des idées, c'est ce que fait Yannick Jadot. Et je suis persuadé que quand la campagne aura commencé, les sondages évolueront.
Retrouvez l'interview intégrale diffusée dimanche 9 janvier dans Dimanche En Politique sur France 3.