Politique culturelle de Laurent Wauquiez : un directeur de théâtre lyonnais voit rouge

Le torchon brûlerait-il à nouveau entre Laurent Wauquiez et les acteurs du monde culturel d'Auvergne-Rhône-Alpes ? Après le redéploiement en 2022 de certaines subventions de la Région, l'incertitude pèse toujours cette année sur le montant et l'attribution de ces précieuses aides financières. Le directeur d'un théâtre lyonnais monte au créneau.

"Auvergne-Rhône-Alpes gouvernée par la culture de la peur". Joris Mathieu, directeur du Théâtre Nouvelle Génération à Lyon, n'y va pas avec le dos de la cuillère. Dans une tribune virulente publiée le 18 avril dernier sur le site du SYNDEAC, le Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, Joris Mathieu dézingue la politique culturelle de Laurent Wauquiez, président d'Auvergne Rhône Alpes et fustige le comportement du patron de la Région.

Ce qui provoque la colère de Joris Mathieu, ce sont d'abord les incertitudes concernant l'attribution et le montant des subventions de la Région au monde culturel auvergnat et rhônalpin. Il y a tout juste un an, Laurent Wauquiez annonçait une baisse de ces subventions au nom d'un "nécessaire rééquilibrage territorial".

Au total, les subventions régionales auraient baissé de quelque 4 millions d'euros en 2022. "En amputant les aides de plus d’une centaine de structures", souligne Joris Mathieu pour qui "aucune visibilité n’a été donnée à ce jour sur la redistribution qui aurait été faite de ces 4 millions".

Une incertitude fragilisante

En ce mois d'avril 2023, l'incertitude sur les subventions régionales semble persister pour les acteurs du monde culturel d'Auvergne-Rhône-Alpes. Le montant et l'attribution des aides ne seront déterminées que le 5 mai. Pour Joris Mathieu, "il n’y a aucun dialogue, aucune communication officielle (entre la Région et les acteurs culturels régionaux), et donc aucune visibilité pour ces derniers sur l’apport financier de la Région dont dépendent pourtant des milliers d’emplois permanents et intermittents. Et la décision de retirer du vote de la commission plénière l’ensemble des subventions au secteur culturel et de les reporter va dans le sens d’une entreprise de déstabilisation."

Dans son coup de gueule contre Laurent Wauquiez, Joris Mathieu rappelle qu'Auvergne-Rhône-Alpes est la deuxième région la plus peuplée de France, mais que le pourcentage de son budget global alloué à la culture est d'1,6% contre 2% en moyenne dans les douze régions métropolitaines. "Dans les faits, la Région n’investit que 8,44 euros dans la culture par habitant et par an, alors que la moyenne nationale est de 12 euros. Si Auvergne-Rhône-Alpes investissait au niveau de cette moyenne nationale, elle disposerait de 30 millions d’euros supplémentaires (soit 50% de son budget actuel qui s’élève à 62 millions). Voilà qui lui permettrait de renforcer ses investissements sur les territoires les moins dotés, si tel était réellement son projet politique" fulmine Joris Mathieu.

La méthode personnelle de Laurent Wauquiez mise en cause

Au-delà, c'est clairement la méthode Wauquiez qui tape sur les nerfs du directeur du TNG. "Lorsque Laurent Wauquiez diffère les votes de subventions et refuse de dialoguer avec les principaux intéressés, il laisse volontairement planer l’épée de Damoclès, le plus longtemps possible au-dessus du plus grand nombre de têtes possibles. Il y a là une volonté évidente d’asseoir une autorité par des techniques de déstabilisation et, osons le dire, par une forme de terreur".

Rien de tel évidemment pour Sophie Rotkopf, la vice-présidente de la Région chargée de la Culture. "Certains acteurs culturels sont restés bloqués sur une vision urbaine, une vision de l’entre-soi pour la culture. La vocation de la Région, au contraire, est d’ouvrir à tous l’offre culturelle. Ceux qui ne savent pas se remettre en cause et restent campés sur de vieux schémas ne le comprennent pas et je le déplore", a réagi l'élue.

Aujourd’hui, la Région accompagne plus de 500 festivals sur l’ensemble du territoire avec un budget sanctuarisé qui n’a pas baissé d’un seul euro.

Sophie Rotkopf, vice-présidente en charge de la Culture

L'enjeu, toujours selon l'élue régionale, c'est de garantir un accès à la culture qui soit le plus possible aux 8 millions d'habitants d'Auvergne-Rhône-Alpes. "Certains n’adhèrent visiblement pas à cette vision et usent de la caricature pour se faire entendre. C’est dommage", écrit Sophie Rotkopf.

Une conférence de presse est annoncée ce vendredi 28 avril pour exposer les grandes lignes de la politique culturelle de la Région pour 2023. L'occasion peut-être de lever les incertitudes qui inquiètent de nombreux acteurs culturels en Auvergne-Rhône-Alpes.