Protoxyde d'azote : à Vénissieux, on se mobilise contre "ce fléau" qui séduit de plus en plus de jeunes

À Vénissieux, près de Lyon, une association arpente les quartiers pour mettre en garde contre les dangers du protoxyde d'azote. Ce gaz qui est de plus en plus utilisé par les jeunes pour ses effets hilarants. Mais qui peut provoquer des conséquences neurologiques très graves.

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Des fous rires sur commande. Un état d'euphorie proche de l'ébriété. C'est ce que provoque le protoxyde d'azote lorsqu'il est inhalé à l'aide d'un ballon de baudruche. Et c'est ce qui séduit les jeunes qui l'utilisent. En soirée, en boîte de nuit, et parfois même à l'école.  

"C'est rigolo", témoigne une jeune fille 

Et à Vénissieux, dans la banlieue lyonnaise, il n'est pas rare de voir ces bonbonnes de gaz joncher le sol. « Il y en a de partout, on en voit le matin, le midi, le soir. On en voit des petits, des moyens, des gros. C'est devenu un fléau », explique Houria Taguine, habitante du quartier et secrétaire de l'association « France des banlieues ». Une association qui milite contre l'utilisation du protoxyde, vendu en bonbonnes dans le commerce et utilisé à l'origine dans les siphons de chantilly. On s'en sert également à l'hôpital, pour ses propriétés anesthésiantes. Mais depuis plusieurs années, l'usage détourné de ce produit s'est répandu comme une traînée de poudre.  

Ce samedi 13 février, plusieurs bénévoles se sont donc mobilisés pour sillonner les rues de Vénissieux et sensibiliser les habitants aux dangers de cette substance. « Vous connaissez le protoxyde d'azote ? », demande donc Mokrane Kessi, le président de l'association, à un groupe de jeunes filles qui attendent le tramway. «  Bah oui... », rigolent-elles. « Il ne faut pas y toucher. Vous savez que c'est pour faire de la chantilly à la base ? Mais ça peut être très dangereux ». Signes de têtes et rires gênés. « Ah ouais je savais pas... ».  

Avec leurs flyers, les militants approchent de nombreux jeunes et engagent facilement la conversation. « On voyait que tout le monde le faisait, du coup on a essayé et voilà, c'est rigolo », leur avoue une jeune fille, mineure. « Ça vaut 30 euros, c'est des gens qui le vendent ou qui le livrent, on commande sur les réseaux », ajoute sa copine. « Ça finit souvent mal, on perd le contrôle de soi », complète une autre jeune femme. « Je connais une fille, elle a fait ça, mais elle était enceinte, du coup elle a été paralysée des jambes ».  

Des conséquences sur la santé gravissimes

Des conséquences parfois dramatiques. Et c'est pour cela que Mokrane et son association ont décidé de monter ces opérations de communication. « Dans notre quartier, il y a beaucoup de jeunes qui utilisent ces fameux ballons pour respirer le protoxyde... Je vois tous les jours dans mon quartier des gamins qui se gazent le cerveau », regrette le militant. Et d'ajouter, « ce n'est pas très cher, les effets sont immédiats, c'est la drogue du pauvre, et donc dans nos quartiers populaires, elle est utilisée à outrance depuis un an, c'est de la folie ». Sensibiliser les jeunes, mais aussi leurs parents. Car l'utilisation excessive du protoxyde d'azote peut avoir des conséquences irréversibles.  

Chutes, accidents et troubles neurologiques. « Il y a une toxicité avérée de ce gaz, il y a même des études qui montrent que cela peut aller jusqu'au décès. Ça donne des vertiges, des somnolences, des troubles de l'équilibre, qui sont plutôt anodins, voire même marrants dans le contexte où ces jeunes l'utilisent. Simplement, il faut comprendre qu'il peut y avoir des accidents, que cela peut aller jusqu'à l'anoxie cérébrale voire au décès », explique le Dr Abdel Bessas, présent auprès des bénévoles de l'association pour informer le grand public. Après une consommation illimitée, certains jeunes finissent même dans des centres de rééducation ou d'addictovigilance. « Le problème c'est l'usage chronique, à la longue on remarque des effets neurologiques plutôt périphériques, avec parfois des paralysies des membres inférieurs, ce qui n'est pas du tout anodin. C'est un gaz extrêmement dangereux, surtout s'il est consommé avec d'autres drogues, ou de l'alcool, et il peut provoquer des lésions irréversibles et majeures sur le long terme », ajoute le médecin urgentiste.  

« Tous les amis que je connais, ils en prennent pour s'amuser », témoigne un jeune habitant du quartier. Nihed jure ne pas avoir testé, « mais j'en ai souvent entendu parler. Ça provoque des pertes de connaissance, la vision qui se brouille, j'ai déjà vu ces effets... Je trouve ça aberrant, de plus en plus de jeunes prennent ce gaz, même au volant, et il peut y avoir des accidents de voiture, ils perdent connaissance pendant leur conduite, cela peut tuer des familles », dénonce-t-il.  

Interpeller les pouvoirs publics

Trafics, dépendance, accidents et séquelles neurologiques… Le phénomène inquiète les médecins, les forces de l'ordre et les pouvoirs publics. Mais la lutte reste difficile, le protoxyde d'azote n'est pas classé comme «stupéfiant» mais comme «substance vénéneuse». En juin dernier, un texte de loi interdisant la vente de protoxyde d’azote aux mineurs est entré en vigueur. « Ce n'est pas suffisant », affirme Mokrane Kessi. « Au quartier, on vend ces produits comme le cannabis, ou sur les réseaux, sur snapchat », alerte le militant. Son association souhaite donc interpeller les pouvoirs publics et demande l'interdiction totale de la vente du protoxyde au grand public. « Son usage doit être réservé aux hôpitaux ou aux chefs de cuisine ! ».   L'association promet donc de continuer à arpenter les rues de Vénissieux, Saint Fons, Saint Priest jusqu'à obtenir l'interdiction de ce gaz et la mobilisation des pouvoirs publics sur le sujet.    

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