"Religieuses abusées, l'autre scandale de l'Eglise" : le troublant éloge funèbre du cardinal Barbarin sur Arte

Arte diffuse mardi soir un documentaire explosif sur les abus sexuels commis par des prêtres sur des religieuses.Le cardinal Barbarin est mis en cause pour avoir fait l'éloge funébre en 2006 à Lyon du père Marie Dominique, l'un de ces prédateurs sexuels aujourd'hui dénoncés par l'Eglise.            

Arte diffuse mardi soir à 20h 50 un documentaire explosif sur les abus sexuels commis par des prêtres sur des religieuses. Le cardinal Barbarin est incidemment mis en cause pour avoir célébré en 2006 à Lyon les obsèques grandiloquentes du père Marie Dominique Philippe, l'un de ces prédateurs sexuels aujourd'hui dénoncés par l'Eglise.


Des récits glaçants

 
"Religieuses abusées: l'autre scandale de l'église". Dans ce film d'1h30, Marie- Pierre Raimbault et Eric Quintin racontent le parcours de plusieurs soeurs contraintes de renoncer à leur voeu de chatesté pour obéir aux injonctions de leur directeur de conscience.      

En 1971, Michèle France, une jeune carmélite de 21 ans est placée sous la coupe du Père Marie Dominique, le fondateur de la communauté de St Jean, deux mois après avoir formulé ses voeux. Il avait, dit-elle  "une réputation de Saint Homme". Usurpée. Cette jeune soeur va découvrir la perversité d'un  personnage manipulateur qui utilise un discours mystique pour parvenir à ses fins : « L’amour d’amitié », une doctrine personnelle qui lui permet de s'affranchir de tout scrupule et de toute morale religieuse.   

La religieuse raconte comment il abuse d'elle régulièrement, puis comment il la livre ensuite à son frère aîné, le père Thomas. Sous emprise et  sous la pression d'ordres qu'elle vit comme une pénitence, elle devient leur servante sexuelle, à tour de rôle, pendant 25 ans. 
 
Extrait du documentaire d'Arte diffusé mardi à 20h50

Le père Marie Dominique meurt à 93 ans, le 26 août 2006, au prieuré de St Jodard (Loire) sans jamais être poursuivi, ni inquieté. Plus troublant, ses obsèques en septembre se déroulent à Lyon en présence d'éminentes personnalités: Le ministre de la justice de l'époque, Pascal Clément, le cardinal Sodano, secrétaire d'Etat du pape et le nonce apostolique, l'ambassadeur du Vatican en France sont aux premiers rangs.

Et c'est le cardinal Barbarin lui même qui célébre en grande pompe la messe en la cathédrale St Jean. Une messe retransmise en direct sur la chaîne catholique KTO et sur grand écran devant la primatiale. C'est que le père Marie Dominique jouit d'une aura particulière dans les plus hautes sphères de l'Eglise pour avoir contribué à son renouveau. En 1975, il fonde la communauté des Frères de St Jean."Les petits gris", comme on les appelle, en référence à leur tenue sombre. Une communauté vivace dont les méthodes sectaires finissent pourtant par filtrer hors des murs épais des couvents.  
 

L'évêque de Lyon pouvait-il donc vraiment ignorer en 2006 le parcours du père Marie Dominique ? Sylvie Cozzolino, journaliste à France 3, a mené sa propre enquête pour comprendre la façon dont l'Eglise de France avait géré les dérives de la famille spirituelle de St Jean . 

Dès les années 2000, des "familles amies" alertent l'évêque d'Autun qui peine déja  à étouffer le scandale. L'une des communautés des frères St Jean, en Saône et Loire, fait l'objet d'un rappel à l'ordre ferme de l'Eglise après la révélation d'une trentaine de manquements au voeu de chasteté commis sur des religieuses, à partir de "faits vérifiables"

Plusieurs familles exaspérées par des abus répétés dans la communauté demandent à rencontrer le cardinal Barbarin. Il finit par les reçevoir. Nous sommes le 28 janvier 2003. Mais elles peinent à se faire entendre. Le cardinal répond:  "C'est pas avec ces petites colères que vous allez faire avancer les choses" nous rapporte le père d'une religieuse.

Pourtant, en 2005, Mgr Barbarin se résoud, sous la pression des événements, à dissoudre la Congrégation des soeurs mariales de St Jean. L'AVREF met en lumière "la dérive sectaire" d'une communauté qui isole toujours plus les soeurs de leur entourage. Pour mieux les asservir.   

Le cardinal Barbarin ne peut plus reculer. Cette famille de la communauté de St Jean a son siège à Mars, dans son diocèse. Il en va de sa responsabilité.

Un éloge funèbre confondant 

En Septembre 2006, l'évêque de Lyon rend pourtant un hommage appuyé au défunt. Et son éloge funébre a de quoi heurter celles qui, dans le secret du confessionnal, ont approché le père Marie Dominique : "Parfois ce coeur de père a fait confiance, trop confiance à des êtres encore fragiles qu'il aurait fallu écouter davantage, pour un discernement plus juste. S'il cherchait pour tous des chemins de guérison, c'était surtout dans le dessein d'être auprès de chacun le témoin de l'amour du père". 
 
Une présentation surprenante et sujette à caution. Ainsi donc, "les abus de faiblesse sur des personnes majeures vulnérables ont été présentées comme des abus de confiance envers le père Marie Dominique Philippe" s'indigne Laurence Poujade, présidente de l'association Sentinelle. 
         
Dix ans après sa mort, en juin 2016, la Congrégation pour la doctrine de la foi devra bien reconnaître officiellement  les "déviances sexuelles" du père Marie Dominique. Elle le fera discrètement, mais sans minimiser sa responsabilité, ni  son influence "désolante" dans les agissements coupables d'autres membres de la communauté, qu'il a lui-même inspirés. Elle rapporte des "actes de pédophilie pour quelques uns (...), et pour d'autres, "des abus avec le plus souvent des jeunes femmes vis à vis desquelles ils étaient en situation de responsabilité."   
 

La réponse du Cardinal Barbarin 

 
Le nom du cardinal Barbarin réapparaît donc ici au plus mauvais moment. Mis en cause pour ses silences dans l'affaire Preynat, le voilà donc suspecté de complaisance envers un père dominicain aux pratiques déviantes.

Le cardinal Barbarin a réagi à la diffusion prochaine du documentaire d'Arte dans un communiqué :

" Le Père Marie-Dominique Philippe est décédé le 26 août 2006. A la demande des frères de la Congrégation Saint Jean, les funérailles ont été célébrées le 2 septembre par le Cardinal Barbarin à la Cathédrale Saint Jean-Baptiste de Lyon, entouré du Nonce Apostolique et de 6 évêques, de Pères Abbés et de frères de Saint Jean. La société civile était représentée par le directeur de cabinet du Préfet de Lyon, d’un représentant du Ministre de l’intérieur et des cultes et du Ministre de la justice, venu personnellement.

C’est à la suite de cet événement que des courriers ont été envoyés au Cardinal Schönborn et à Mgr Brincard pour dénoncer certains agissements suspects du Père Marie-Dominique Philippe et de sœur Alix, Prieure des Contemplatives. La maison mère des Contemplatives de Saint Jean étant sur le Diocèse de Lyon, le Cardinal Barbarin a pris les choses en main et a demandé à Rome la nomination d’un Commissaire Pontifical. Depuis ce moment, et surtout depuis 2009, jusqu’à ce jour, le Cardinal suit de très près la situation de ces sœurs."


 La "contre-enquête" de la famille Philippe


La famille du père Marie-Dominique Philippe réagit vigoureusement à la diffusion prochaine de ce documentaire. Dans un document intitulé "Contre enquête",  Mme Marie Philippe remet en cause le témoignage de la religieuse qui porte des accusations graves sur son oncle . Elle invoque sa fragilité psychologique. "Nous avons toutes les raisons de penser que les plaignantes ont fait des relectures psychologiques dans lesquelles l'imagination a joué un rôle important".

Elle estime que le pape Francois a par ailleurs gravement et publiquement mis en cause son oncle. "Il a parlé d'une congrégation féminine où s'était installé cet esclavage des femmes, esclavage allant jusqu'à l'esclavage sexuel des femmes par des clercs et le fondateur". Référence claire, selon elle, au père Marie Dominique Philippe.

"Force est de constater, dit elle,  que "tout est fait pour donner aux Pères PHILIPPE l’image d’hommes particulièrement pervers du fait de leur autorité et charisme dont ils auraient fait usage et amplement abusé. Elle rend plus évidente encore la nature infâmante de ces dénonciations du haut en bas de la hiérarchie de l’Eglise."

La famille du père Marie Dominique Philippe demande donc à nouveau "la mise en place d'une véritable commission d'enquête indépendante de l'Eglise"                     

  
 
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