En pleine crise sanitaire, l'activité des ambulanciers privés a chuté de 50% à 90%. Un apparent paradoxe mais le report des opérations non urgentes et des soins programmés, a vidé leurs carnets de commandes. Et la profession se sent "oubliée".
Dans le Rhône, les ambulanciers voient leur activité diminuer avec la crise du Covid-19. La période fait aussi craindre de nombreuses faillites, s'ajoute pour beaucoup un sous-équipement en matériel de protection pour le transport des patients "Covid-19" ou suspectés d'être porteurs du virus.
Une baisse d'au moins 50 % du chiffre d'affaire
Près de Lyon, Yannick Patin, des Ambulances de l'Horloge de Tassin-la-Demi-Lune, redoute "une baisse d'au moins 50% de son chiffre d'affaires en avril". Les transports programmés (dialyse, chimiothérapie, radiothérapie, rééducation, hospitalisations et sorties d'hôpital...) "représentent 80% de notre chiffre d'affaires. La plupart sont annulés, en dehors des dialyses et de certaines chimios", explique l'ambulancier qui a mis ses cinq salariés au chômage partiel."Une guerre entre blancs et rouges"
Pour les urgences, selon la gravité des cas, le Samu envoie un véhicule de réanimation, les pompiers ou une ambulance privée. "Théoriquement, les ambulances interviennent au domicile, les pompiers sur la voie publique. Mais ces derniers sont souvent sollicités chez le patient". Et certains ambulanciers évoquent une "guerre entre blancs et rouges" (entre ambulances et pompiers). Placés sous la double tutelle des ministères des Transports et de la Santé, les ambulanciers privés regrettent d'être souvent vus comme de simples "transporteurs" alors qu'ils réalisent massages cardiaques, administration d'oxygène, pose d'attelles...
Non prioritaires pour les masques FFP2
Ne relevant pas juridiquement des personnels de santé, ils ne sont pas prioritaires pour les masques FFP2 et, s'ils sont contaminés par le Covid, cela n'est pas considéré comme une maladie professionnelle. Certains ont fait valoir leur droit de retrait pour défaut de sécurité. M. Patin, lui, s'est aussi débrouillé pour récupérer des blouses, combinaisons, gants et lunettes.
Les grands oubliés
"Pour répondre aux besoins, on nous a demandé de maintenir un minimum d'activité, malgré une chute de 80% des transports programmés. On a répondu présents mais nous sommes peu sollicités. On est les grands oubliés de la crise sanitaire", déplore
auprès de l'AFP Philippe Lauriot, président de la Fédération nationale des ambulanciers privés (FNAP). "La situation est catastrophique", renchérit Jean-Claude Maksymiuk, président de la Fédération nationale des transports sanitaires (FNTS). Emmanuel Macron a néanmoins salué leur profession, parmi d'autres, dans son allocution lundi soir.
Lettre ouverte d'un ambulancier dans le Grand Lyon : "nous sommes les yeux et les mains du Samu"
"Vous imaginiez peut-être, jusqu’ici, l’ambulancier comme un transporteur ou un pousse-brancard. Mais notre mission première est bien l’aide médicale d’urgence pré-hospitalière, en lien direct avec le centre 15 qui nous déclenche. Nous réalisons la prise en soins, les bilans cliniques et les gestes techniques. Nous sommes, en quelque sorte, les yeux et les mains du Samu lors des interventions. Et ça, toute l’année. L’activité de transport vient en surplus. Dans cette crise sanitaire liée au Covid-19, le fait de ne pas être sur la liste des professions prioritaires pour les masques pose problème. Lorsque nous aurons vaincu cette terrible pandémie, nous vous demandons de ne pas oublier que nous avons pu à un moment où un autre transporter un de vos proches avec l'empathie, le savoir-faire et le savoir-être qui caractérise notre belle profession."
Ylies Bouarfa Davion