Des professeurs bousculés en cours et obligés de porter plainte. Des lycéens victimes d'agressions autour de leur établissement. L'insécurité semble prendre de l'ampleur autour du lycée de la Duchère-Martinière à Lyon. Les pouvoirs publics renforcent prévention et sécurisation.
Ce lundi 1er février au matin, 500 lycéens sont rassemblés devant le lycée de la Martinière à Lyon, dans le 9ème arrondissement. Tous sont là pour manifester leur inquiétude, leur sentiment d'une insécurité grandissante. Un temps d’échange, organisé à leur demande par le Conseil des délégués pour la vie lycéenne. Parler pour pas banaliser les tentatives de racket aux abords des abri-bus, les intrusions et les dégradations au sein du lycée. Dans cet établissement d’habitude apaisé, où la mixité a plutôt un effet bénéfique, les jeunes, accompagnés par les assistants d’éducation et les professeurs, regrettent de constater cette hausse de la violence. Plusieurs faits de dégradation se sont en effet déjà produits en janvier.
elle est bonne à violer
Parmi eux, une élève de terminale, qui raconte avoir été agressée à la sortie de son établissement, le vendredi précédent. Sur son sweat-shirt, elle a inscrit les mots « on te retrouvera », « elle est bonne à violer »… Mots qu’elle a entendus au moment de cette agression. « C’est des phrases qui m'ont marqué. C’était totalement gratuit... Pas mérité. C’est pour que ça ressorte et que ce ne soit pas oublié, et aussi pour que ça s’arrête » raconte-t-elle. « C’était un vendredi après-midi. On était trois copines, après les cours. Un groupe de deux jeunes est venu nous parler d’abord gentiment. Au bout d’un moment, et après plusieurs aller-retour, un autre groupe de 5 jeunes s’est approché, a commencé à se servir dans nos affaires, nous voler un briquet (…) Ils ont commencé à m’insulter parce que j’étais en jupe… je t’arrache ta culotte.. Suce-moi si tu veux récupérer tes affaires... Que des propos comme ça pendant deux heures. Puis ils ont mis le feu à une poubelle… » détaille la jeune lycéenne.
Emue, la victime veut expliquer que la situation devient anormale : « Ici, c’est censé être un endroit et un environnement où on se sent bien, et aujourd’hui, c’est plus le cas du tout. C’est allé trop loin et il ne faut pas que ça continue, parce que ça arrive à trop de monde. »
Le ras-le-bol des enseignants
Le mardi précédent, la violence était cette fois à l'intérieur de cet établissement d'ordinaire plutôt calme... Un professeur a été pris à partie par un élève. L’enseignant a décidé de porter plainte. Afin de soutenir leur collègue, les enseignants ont cessé le travail jeudi 28 janvier. Ses collègues excédés ont exercé leur droit de retrait. « Un élève a jeté des cailloux sur le tableau, suite à l’annonce d’une évaluation. Cet acte-là, c’est la goutte d’eau de cette accumulation de dégradations. A la fois par des éléments extérieurs à l’établissement et qui s’y introduisent… et puis à travers des agressions qui se multiplient… d’un certain nombre de nos élèves » témoigne Pascal Meriaux professeur d'histoire-géographie. Une procédure disciplinaire a été engagée à l’encontre de ce perturbateur.
Sécuriser les accès à l'établissement
Elèves et enseignants réclament plus de surveillants. De son côté, la Région Auvergne Rhône-Alpes va engager des travaux de sécurisation du lycée, comme des portiques pour mieux en contrôler l’accès. "Des devis ont été demandés au mois de janvier sur ce type d’installations et d’éventuelles caméras de surveillance... pour permettre aussi d’apaiser et rétablir une forme de confiance sérénité". témoigne Kamel Saïdi, proviseur-adjoint.
En visite sur place, le président (LR) de la Région appelle également la Ville de Lyon à réagir et propose la mise en place d’un fonds de sécurisation du quartier : « Une élève, une gamine qui est en lycée, a expliqué qu’on l’avait traitée de sale p… . On imagine ce que cela représente pour une adolescente. Donc stop. Il faut qu’on réagisse. » déclare l'élu.
La Ville de Lyon mise sur la prévention
« La Ville n’a pas attendu cet événement pour agir. Nous ne venons pas de découvrir les problèmes de sécurité aux abords de la Duchère. Dès le mois de juillet, nous avons visité ce quartier avec le maire et le préfet. Nous avons exprimé alors notre volonté d’apaiser ce lieu » répond Mohamed Chihi, adjoint au maire en charge de la sécurité à Ville de Lyon. La municipalité souhaite travailler sur ce dossier « avec les habitants autour de ce sentiment d’insécurité au lycée et aux alentours ». L’adjoint salue toutefois l’initiative de la Région « qui a toute compétence pour intervenir à l’intérieur de l’établissement aux côtés de l’Académie ». Concernant l’extérieur, il confirme que des mesures ont été prises pour augmenter la présence de la police municipale, du groupe opérationnel mobile, et de la police de proximité, pour sécuriser le secteur.
La Ville insiste aussi sur le travail de médiation entrepris en collaboration avec l’Association Tranquillité-Médiation, qui travaille déjà avec le collège du quartier : « Nous proposons au lycée de collaborer plus étroitement avec l’ATM et de bénéficier de leurs actions. » Ces actions consistant à établir des médiations et d’avertir les institutions si cela s’avère nécessaire.
La Métropole s’est également investie dans ce dossier et recrute des éducateurs de prévention spécialisés. « Nous avons la volonté de travailler avec eux notamment sur les temps d’entrée et de sortie des établissements, mais aussi sur une partie de la nuit. Nous avons identifié des problématiques nocturnes pour lesquels la prévention spécialisée est pertinente » ajoute Mohame Chihi.
Les caméras ne suffisent pas
Par ailleurs, la ville rappelle que 58 caméras de vidéo-surveillance sont déjà installées à la Duchère. Sur leur efficacité, le maire (EELV) de Lyon Grégory Doucet s’exprimait le samedi précédent, au sujet notamment de la délinquance à la Guillotière : « Je n’ai pas de doctrine sur les caméras. Cela peut être utile pour arrêter certains délinquants bien sûr mais ce n’est pas l’alpha et l’oméga d’une politique de sécurité. Ceux qui voudraient nous faire croire que, en les mettant partout partout, on ferait baisser d’un seul les chiffres de la délinquance ou de la criminalité vous racontent des bobards. Les caméras ne suffisent pas. » a -t-il déclaré sur la radio Lyon 1ère, en rappelant qu’un audit du système de vidéo-protection existant a été lancé pour mesurer son efficacité à Lyon.
Le préfet réunit le recteur et le procureur de la République
De son côté, le préfet du Rhône Pascal Mailhos a également abordé ce dossier. Le jeudi 28 janvier, il a réuni le recteur de l’académie de Lyon Olivier Dugrip et le procureur de Lyon Nicolas Jacquet. « Cette réunion a été l’occasion d’étudier les mesures qui peuvent être engagées afin de renforcer la coordination de l’ensemble des services et le partage d’information, pour apporter une réponse rapide et adaptée à chaque situation » explique la préfecture.
Cette dernière annonce qu’un protocole va être mis en place pour consolider les circuits d’information et la surveillance accrue des établissements. « Chaque événement sera analysé et le rectorat signalera les faits (…) en s’associant comme il le fait déjà aux plaintes déposées, pour permettre au procureur de la République d’apporter des réponses pénales rapides » est-il précisé. Le préfet met également l’accent sur la prévention, et a demandé aux services de police et de gendarmerie de renforcer le contact avec les établissements par l’intermédiaire des référents scolaires, et d’entretenir le dialogue avec les chefs d’établissement.
Une réunion mensuelle est programmée lundi avec tous les acteurs concernés, dans ce quartier, dont les élus et la police. L’objectif est de mettre en place une coordination des différentes actions entreprises de prévention comme de surveillance. Reste à savoir si toutes ces actions publiques permettront de restaurer la sérénité dans ce quartier.